On a testé les lunettes connectées contre l’endormissement au volant !
En France, 1 accident de la route sur 4 est dû à un épisode de somnolence au volant. Pour limiter les risques, des start-up imaginent régulièrement des objets et systèmes électroniques embarqués utiles aux conducteurs. C’est le cas d’Ellcie Healthy qui a lancé des lunettes connectées qui détectent les premiers signes d’endormissement. Rencontre avec le créateur Philippe Peyrard, qui nous a prêté une paire pour notre Crushtest !
Comment sont nées vos lunettes connectées ?
Philippe Peyrard : Tout a commencé il y a une quarantaine d’années. Sur la route en direction de Tours, où j’effectuais mon service militaire, je me suis endormi au volant et ma voiture a fini sa route dans un fossé. Quelques années plus tard, après une carrière dans l’optique, j’ai décidé de lancer le projet des lunettes connectées. J’avais en tête deux objectifs. Le premier : pouvoir prévenir l’endormissement au volant. Le deuxième : pouvoir réagir à la chute des personnes âgées au quotidien.
J’ai commencé à réfléchir au projet en mai 2016. Je me suis basé sur les résultats d’une étude menée par la Professeur Dominique Brémond-Gignac, cheffe de service ophtalmologique à Paris, qui démontre clairement le lien entre les clignements de paupières, leur durée et l’endormissement. J’ai ensuite écrit une feuille de route et réfléchi à un moyen de calculer le nombre de clignements de paupières par minute.
C’est en mai 2019 que nous avons réussi à mettre en place le projet avec mon partenaire de l’époque : Optic 2000. Il nous a fallu 3 ans pour partir d’une feuille blanche et arriver au produit que j’ai actuellement sur le nez quotidiennement.
« Les clignements de paupières sont les signes précurseurs de l’endormissement. »
Philippe Peyrard
Comment fonctionnent les lunettes ?
Ph.P. : Ce sont des lunettes esthétiquement « normales ». Le dispositif n’est ni intrusif, ni lourd. La lunette pèse seulement 36 grammes. En termes de confort, c’est une paire que vous pouvez porter au quotidien, sans gêne. Des capteurs infrarouge, situés dans les branches, comptabilisent le nombre de clignements par minute, mais aussi les bâillements et les micro-chutes de tête.
Chaque automobiliste est différent donc le nombre et la durée des clignements diffère selon les individus. L’idée est donc d’analyser l’évolution de ses habitudes. Par exemple : si un individu reposé est à 15 clignements par minute, on va commencer à déclencher une alerte dès lors qu’il va passer à 20 ou 25 clignements. Pour un autre individu qui comptabilise 20 clignements par minute, dans ce cas, l’alerte sera lancée à 40 clignements. Pour être précis, une « calibration » est déclenchée dès la première utilisation pour comptabiliser les clignements dits « normaux » d’un individu. L’algorithme va ensuite se rendre compte si ça évolue. Plus la lunette est portée, plus la base de données est solide.
Le saviez-vous ?
Les risques de somnolence sont accrus la nuit entre 2 heures et 7 heures du matin et l’après-midi entre 14 heures et 16 heures. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’horaires correspondant à un cycle de sommeil et à une phase de digestion.
Comment utiliser les lunettes ?
Ph.P. : La première étape pour l’utilisateur consiste à installer l'application sur son smartphone. Lorsqu’il a sa paire dans les mains, il peut lancer l’application pour paramétrer ses lunettes et commencer l’étape de « calibration », comme indiqué sur son écran. Les capteurs situés dans les branches vont remonter de façon permanente les informations à l’algorithme logé dans une puce électronique intégrée dans les lunettes. Si lors du trajet, les clignements de paupières se multiplient, le conducteur reçoit une alerte à la fois sur le smartphone connecté et par le biais d’un signal sonore et visuel.
À partir du niveau 4 et 5 d’endormissement détecté par la lunette, un SMS est envoyé aux contacts pré-enregistrés dans l’application pour les prévenir du danger.
« Beaucoup d’automobilistes n’ont pas conscience de somnoler au volant. »
Philippe Peyrard
À quel profil de conducteur s’adresse cette paire de lunettes ?
Ph.P. : Elle s’adresse à tous ceux qui veulent se protéger et qui se sentent responsables. Il y a aujourd’hui un phénomène de déni. Beaucoup d’automobilistes n’ont pas conscience de somnoler au volant et certains diront même que ça ne leur arrive jamais ! Nous avons réalisé plusieurs études, dont une étude clinique au Centre du sommeil et de la vigilance du Professeur Damien Leger à l’Hôpital Hôtel-Dieu à Paris pour démontrer l’efficacité de notre dispositif. Durant nos sessions de conduite sur simulateur, avec et sans privation de sommeil au préalable, certains des témoins ont affirmé ne pas avoir subi de somnolence. Or, à la lecture des données, il était évident qu’ils avaient conduit 1, 2 voire 3 secondes, avec les yeux complètement fermés.
La majorité de nos clients ont plus de 40 ans. Notre monture est compatible avec tous les verres correcteurs. Il suffit d'en faire la demande chez son opticien. Nous proposons aussi des clips solaires, qui permettent de conduire en toutes circonstances.
Combien de lunettes ont été vendues jusqu'ici ?
Ph.P. : Aujourd’hui, nous avons vendu un peu plus de 15 000 paires de lunettes. L’application existe en français, anglais et japonais. Après 15 000 lunettes commercialisées, de Melbourne en Australie, en passant par Tokyo et les États-Unis, nous n'avons pas eu le moindre procès d’utilisateur mécontent ! Nous recevons aussi beaucoup de témoignages de personnes qui nous remercient de leur avoir sauvé la vie.
Combien coûte la paire de lunettes ?
Ph.P. : Nous travaillons avec tous les opticiens français. Nos lunettes sont commercialisées à 399 €. Elles sont remboursées par la Sécurité sociale à hauteur de 100 € environ et prises en charge par les mutuelles, comme une monture classique.