Ryadh Sallem : « Ma voiture est une partie de mon autonomie et de ma vie »

Champion paralympique et militant pour l’inclusion, Ryadh Sallem a fait de sa voiture un symbole de liberté. Dans cette interview, il nous raconte son parcours d’automobiliste, depuis l’obtention de son permis jusqu’aux défis qu’il relève sur la route, tout en partageant sa vision de la mobilité d’aujourd’hui et de demain.

Marine Madelmond
À la naissance, en raison d’un médicament ingurgité par sa mère durant la grossesse, Ryadh Sallem est amputé de ses jambes et de sa main gauche
À la naissance, en raison d’un médicament ingurgité par sa mère durant la grossesse, Ryadh Sallem est amputé de ses jambes et de sa main gauche. ©X Ryadh Sallem.

Ryadh Sallem, 54 ans, est un athlète aux multiples facettes. Champion de natation, de basket et de rugby fauteuil, il est devenu au fil des compétitions une figure des Jeux Paralympiques, jusqu'en 2024, à Paris, où il s'est une nouvelle fois illustré. Sacré champion de France et d’Europe à plusieurs reprises dans ces trois disciplines, il a toujours témoigné d’une détermination sans faille et ce, malgré son handicap. En raison d’un médicament ingurgité par sa mère durant la grossesse, Ryadh Sallem a été amputé des jambes et d'une partie de sa main gauche à la naissance, sa main droite ayant aussi été touchée. Commença alors pour lui un long parcours pour apprivoiser son corps.

Malgré sa différence, le sportif de haut niveau a toujours aspiré à vivre comme tout le monde, en repoussant les limites imposées par son handicap. Il a obtenu son permis de conduire à 19 ans, une étape clé dans son parcours vers l'autonomie qui illustre son désir de vivre pleinement sa vie et d'en contourner chaque obstacle. Au-delà de ses exploits sportifs, Ryadh Sallem incarne une nouvelle génération de champions, engagée pour une société et une mobilité plus inclusives. Rencontre.

Comment s’est déroulée l’obtention de votre permis de conduire ?

Ryadh Sallem : « J’ai eu mon permis en 1989. À l’époque j’étais inscrit au Cercle Sportif de l'Institution Nationale des Invalides (CSINI) où j’ai rencontré Sam Benzaqui, gérant d’une auto-école ECF. C'était un précurseur. Il adorait relever les défis comme celui de permettre à des personnes en situation de handicap de conduire. Je me rappelle avoir été accompagné par des ergothérapeutes pour adapter le véhicule à mon handicap. Mon van automatique est équipé d’un système de tirer-pousser permettant d'accélérer et de freiner.

Quel souvenir gardez-vous de votre première fois en tant que conducteur ?

R.S. : Mon premier trajet en voiture, c’était un Paris-Barcelone pour mes premiers Jeux Paralympiques en 1992. J’étais au volant et je découvrais la France. Arrivé en Espagne, j’ai été agréablement surpris de voir comment le handicap était considéré. Certains pays avaient pris de l’avance sur le sujet. Lorsque je me garais sur une place réservée, pas une voiture non autorisée n'occupait l’espace. L'aménagement était pleinement respecté.

Quel automobiliste êtes-vous ?

R.S. : Je fatigue mes voitures (rires). Avec mon statut de sportif de haut niveau, je me balade un peu partout. J'ai déjà fait plusieurs fois le tour de France et une partie de l'Europe. Ma voiture est une partie de mon autonomie et de ma vie : je l'utilise pour aller aux entraînements, au travail, sur les lieux de compétition.

Dès que vous êtes handicapé, vous payez toujours plus cher.

Ryadh Sallem.

Comment se passe l’entretien de votre véhicule aménagé ?

R.S. : Tant que les problèmes du véhicule sont classiques, il n’y a pas de sujet. Tous les garagistes peuvent faire l'entretien de la voiture. Mais si vous avez un souci avec l’élévateur pour faire monter le fauteuil, avec votre joystick ou avec tout autre aménagement lié à votre handicap, vous devez aller chez un garagiste spécialisé. C'est du sur-mesure. Et vous payez donc plus cher.

Rencontrez-vous des difficultés en tant qu’automobiliste en situation de handicap ?

R.S. : Il y a encore des progrès à faire... Quand vous êtes en fauteuil roulant, seul et que votre véhicule tombe en panne, vous devez ouvrir la portière, descendre avec votre fauteuil et sortir sur la bande d’arrêt d’urgence, c’est compliqué et dangereux. En fauteuil roulant, on ne peut pas non plus enjamber la glissière de sécurité… Aux barrières de péage, il est préférable d’avoir un badge, sinon c’est compliqué d’insérer le ticket. À la station-service également, il n’est pas toujours évident d’appeler le pompiste pour nous aider à faire le plein.

De plus en plus de fraudes à la carte d’invalidité sont recensées. Avez-vous déjà été confronté à ce problème ?

R.S. : Ça m’impacte forcément. On a déjà cassé deux fois les vitres de ma voiture pour me voler cette carte de stationnement réservé aux handicapés. Pour résoudre le problème, il faudrait mettre en place un système qui contrôle les places réservées via la plaque d’immatriculation du véhicule. Comme ça, on n'aurait plus besoin de cette fameuse carte.

En 2018, Ryadh Sallem a participé au salon Autonomic Paris dédié au handicap. ©X

Pourquoi la voiture est essentielle pour vous ?

R.S. : J’aime utiliser les transports en commun, mais c’est très vite limité. Vous n’avez pas beaucoup de place, dans le train ça peut rapidement devenir compliqué. En cas d'imprévus, on se retrouve d'emblée en difficulté. Il y a aussi de nombreux territoires en France qui ne sont pas desservis par les transports en commun. Or, on ne peut pas empêcher les gens en situation de handicap de travailler, de se déplacer, de vivre tout simplement. Il faut trouver le bon équilibre.

Il faut applaudir ceux qui ont déjà œuvré pour notre cause, même si ce n’est pas assez.

Ryadh Sallem.

Que pensez-vous de l’évolution de la mobilité pour les personnes en situation de handicap ?

R.S. : Il faut saluer tout ce qui a déjà été fait, sans occulter ce qui reste à faire. Il faut applaudir ceux qui ont déjà œuvré pour notre cause, même si ce n’est pas assez. La société et les lois ont évolué. Il y a 30 ans, tous les permis ne m’étaient pas accessibles. Aujourd’hui, les personnes handicapées peuvent obtenir leur permis de conduire, que ce soit pour une voiture, un poids lourd, un véhicule de transport en commun ou même un bateau. C'est encourageant. »

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