Les véhicules intermédiaires roulent au secours de la mobilité rurale

A mi-chemin entre le vélo et la voiture, les véhicules intermédiaires ouvrent une nouvelle voie à la mobilité, en particulier dans les territoires ruraux. Mais à quoi ressemblent-ils et à quels usages répondent-ils ? Quelles sont leurs perspectives de déploiement ? Des acteurs qui œuvrent pour le développement de ces "vélis" répondent à ces questions.

Eva Gomez journaliste pour le média Roole
Eva Gomez
Les véhicules intermédiaires, à mi-chemin entre le vélo et la voiture, répondent aux besoins de mobilité dans les territoires ruraux. ©Association In'VD

Vous les avez peut-être aperçus au détour d’une route de campagne… Avec leur design tantôt rétro, tantôt futuriste, qui leur donne des airs de calèche ou de fusée, ces objets roulants non identifiés peuvent avoir deux, trois ou quatre roues. Les véhicules légers intermédiaires (ou vélis) sont en réalité le chaînon manquant entre le vélo et la voiture. Leur objectif : « remplacer une partie des voitures, en répondant à un grand nombre d’usages du quotidien », explique Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports. Et entre le vélo et la voiture, l’éventail des possibles est large ! Du vélo à assistance électrique (VAE) à la voiturette du type Citroën Ami, de plus en plus d’acteurs de la mobilité se penchent sur le développement et l’industrialisation de ces « vélis ». Du vélo augmenté roulant jusqu'à 45 km/h, à la mini-voiture roulant à 80 ou 90 km/h, l'éventail des vélis est large et entend répondre aux besoins de différents profils d'usagers.

Par rapport à la voiture, c’est un véhicule beaucoup plus léger, beaucoup plus sobre et donc beaucoup moins impactant pour l’environnement et beaucoup moins coûteux.

Aurélien Bigo,
chercheur sur la transition énergétique des transports.

Bon à savoir

Jusqu’à 25 km/h, un véhicule à deux ou trois roues, avec ou sans assistance motorisée, peut rouler sur une piste cyclable. Pour les quadricycles et les véhicules allant jusqu’à 45 km/h, rouler sur une piste cyclable est interdit : il faut partager la route avec les voitures et autres véhicules motorisés. Et au-delà de 45 km/h, le véhicule appartient à la même catégorie routière que les voitures sans permis.

Consommer moins de ressources pour la mobilité du quotidien

Ces véhicules s’inscrivent en particulier dans une nouvelle approche des mobilités en milieu rural, où les alternatives à la voiture individuelle sont rares. En Aveyron, l’association In’VD – pour « Innovation Véhicules Doux » – sensibilise la population à l’écomobilité et permet à des volontaires de tester des véhicules intermédiaires pendant quelques mois. Hélène Jacquemin, co-présidente de l’association, revient sur la classification de ces véhicules : « Ce sont des véhicules qui appartiennent aux catégories réglementaires comprises entre L1e [les deux-roues légers, Ndlr] et L7e [les quadricycles lourds, Ndlr] : tout ce qui se situe entre le vélo et la catégorie M des voitures telles qu’on les connaît », explique-t-elle.

Dans l'ordre en partant d'en haut à gauche : L'Urbaner par HPR Solutions, Biro par Estrima Biro France, MOB 4.0 par EV4 France, Vhéliotech par Vhélio, Weez par Eon motors et Kilow La Bagnole par Kilow. ©Ademe/Fabrique des Mobilités/Roole
Dans l'ordre en partant d'en haut à gauche : L'Urbaner par HPR Solutions, Biro par Estrima Biro France, MOB 4.0 par EV4 France, Vhéliotech par Vhélio, Weez par Eon motors et Kilow La Bagnole par Kilow. ©Ademe/Fabrique des Mobilités/Roole
Dans l'ordre en partant d'en haut à gauche : L'Urbaner par HPR Solutions, Biro par Estrima Biro France, MOB 4.0 par EV4 France, Vhéliotech par Vhélio, Weez par Eon motors et Kilow La Bagnole par Kilow. ©Ademe/Fabrique des Mobilités/Roole

« Tous ces véhicules ont pour caractéristique commune de chercher à être les plus légers et les plus sobres de leurs catégories, car c’est une aberration d’avoir des véhicules de 1,3 tonne en moyenne pour déplacer 100 kg ! », poursuit Hélène Jacquemin. L’ambition pour ces véhicules légers intermédiaires est en effet de venir se substituer à la voiture individuelle, en réduisant la taille et le poids et en favorisant la réparation et le recyclage des pièces, afin de consommer le moins de ressources possible. « Un gros SUV ou un pick-up électrique a une batterie d’une capacité d’environ 100 kWh, une citadine électrique a une batterie de 50 kWh, et pour une mini-voiture ou une voiturette, on est autour de 6 ou 7 kWh », donne pour ordre de grandeur Aurélien Bigo. Pour les vélis les plus proches du vélo, les batteries ont une capacité de 200 Wh à 1 kWh. L’autonomie de ces petits véhicules ne permet certes pas de parcourir 400 km d’une traite, mais elle est suffisante pour effectuer les trajets du quotidien : selon le baromètre 2023 de l’Ifop pour Alphabet Mobilité, la distance moyenne des trajets domicile-travail est de 18 km en France.

« Et pour les longs trajets ? », pourrait-on se demander. « C’est seulement 20% de nos usages ! », répond Hélène Jacquemin. « Être propriétaire d’une voiture pour faire des longs trajets 6 fois par an, ça revient très cher le trajet... L’idée, c’est de ne plus être propriétaire d’une voiture, mais d’en louer une spontanément quand on en a besoin pour ces longs trajets », défend la co-présidente d’In’VD.

Bon à savoir

L’Agence de la transition écologique (Ademe) estime que 65% des trajets du quotidien pourraient se faire sans voiture, les trajets du quotidien faisant entre 2 et 5 km en moyenne.

L’objectif est de réunir les petits constructeurs, de créer un écosystème et d’identifier les possibilités de mutualisation de la fabrication et de l’assemblage des pièces et des véhicules.

Johana Casallas,
ingénieur pour l’Extrême Défi de l’Ademe.

Un appel à projets financé par l’État

Mais ces véhicules insolites ne vont pas pouvoir inonder tout de suite les routes rurales, car leur mise en circulation est soumise à conditions. « Pour les vélos jusqu’à 25 km/h, une certification suffit à lancer la production et la commercialisation. Mais pour les quadricycles électriques, l’homologation est obligatoire et c’est un parcours long et coûteux », regrette Hélène Jacquemin. L’association In’VD travaille justement avec l’Agence de la transition écologique (Ademe) et Avéli (l’association des acteurs des véhicules légers intermédiaires) sur ces homologations dans le cadre de « l’Extrême Défi », un appel à projets de l’Ademe pour le développement des véhicules intermédiaires. Lancé en 2022, ce dernier a pour but « d’accompagner la création, l’industrialisation et l’expérimentation de ces véhicules intermédiaires », explique Johana Casallas, ingénieure pour l’Extrême Défi. Après deux appels à projets d’idéation de ces véhicules, puis deux appels à projets de prototypes, l’Ademe a lancé, courant 2024, un appel à projets d’industrialisation qui a permis d'identifier 10 lauréats pour le développement de sites d'assemblage, de micro-usines, l'industrialisation de batteries durables, ou encore l'industrialisation de nouveaux véhicules intermédiaires utilitaires ou destinés au transport scolaire. « L’objectif est de réunir les petits constructeurs, de créer un écosystème et d’identifier les possibilités de mutualisation de la fabrication et de l’assemblage des pièces et des véhicules », détaille-t-elle.

Bon à savoir

Pour conduire un véhicule à deux ou trois roues qui roule jusqu’à 45 km/h ou un quadricycle électrique dont la puissance n’excède pas 1 kW, il n’est pas nécessaire d’avoir un permis. En revanche, pour tous les véhicules qui roulent au-delà de 45 km/h, il est impératif de détenir un permis : AM pour les quadricycles légers, B1 pour les quadricycles lourds par exemple.

Des expérimentations dans une vingtaine de territoires en France

En attendant ce passage à l’échelle, 22 territoires français participent à l’expérimentation 10 types de véhicules intermédiaires déjà homologués, dont la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup, la métropole de Brest, Nantes, Le Mans, ou encore le Parc Naturel Régional des Grands Causses. « Chaque collectivité travaille avec des associations relais [comme In’VD dans le Parc Naturel Régional des Grands Causses, Ndlr] qui permettent un déploiement au plus près des habitants, avec des approches différentes selon les spécificités et les besoins du territoire », explique Johana Casallas. Parmi les véhicules testés, on trouve la Biro, une voiturette électrique d’une puissance de 3,3 kW aux allures de voiturette de golf, l’Urbaner, un tricycle avec pédalier à assistance électrique pouvant accueillir deux personnes et un chargement de 40 litres, ou encore la Weez, une microvoiture électrique pour 2 personnes qui peut accueillir 160 kg de chargement.

Les véhicules intermédiaires se tracent donc progressivement un chemin vers une mobilité plus sobre – et souvent plus active. Dans les années à venir, ils devraient faire de plus en plus partie des paysages de nos belles routes françaises !

Exposition de véhicules intermédiaires lors du salon Grand Défi Ecologique au Havre en avril 2024 ©Ademe
Exposition de véhicules intermédiaires lors du salon Grand Défi Ecologique au Havre en avril 2024 ©Ademe
Exposition de véhicules intermédiaires lors du salon Grand Défi Ecologique au Havre en avril 2024 ©Ademe
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