Sur la Nationale 10, des passionnés redonnent vie à une station-service abandonnée

Dans la commune de Sainte-Maure-de-Touraine en Indre-et-Loire, une ancienne station-service implantée le long de la Nationale 10 a retrouvé son éclat et ses couleurs, grâce à la mobilisation d'une trentaine de bénévoles de l'association Nostal10. Une véritable aventure pour ces passionnés de voitures de collection, qui carburent aux coups de pinceau pour redonner vie à ce bâtiment, symbole d'une époque.

Marine Madelmond
La station-service OZO rénovée par des bénévoles.
La station-service se trouve sur la mythique Nationale 10 ! ©Laurent Carré Facebook

À l'heure où les autoroutes voient défiler des automobilistes pressés, les nationales continuent d'être empruntées par des voyageurs adeptes d'un tourisme plus lent et plus durable, et curieux de découvrir les belles régions de France. Plus anciennes que les grands axes, ces routes secondaires qui quadrillent le pays évoquent bien des souvenirs au plus anciens. Elles sont parsemées de lieux devenus emblématiques au fil des décennies.

La Nationale 10 : l'autre grande route des vacances

C'est à l'un de ces lieux, qu'il considère comme un trésor du patrimoine, que Laurent Carré, président de l'association Nostal10, décide un jour de redonner vie. Il s'agit d'une ancienne station-service localisée à Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire), entre Tours et Châtellerault, sur la Nationale 10 qui va de Paris à la frontière espagnole. « Je suis passé devant des centaines de fois. Je ne pouvais pas ne rien faire pour la sauver », nous confie Laurent Carré.

Ce professeur d'histoire-géographie passionné d'automobile s'entoure d'autres amoureux de voitures d'époque pour restaurer ce bâtiment et ainsi contribuer à redynamiser la portion de Nationale 10 qui passe près de chez lui. « Notre objectif est de promouvoir le patrimoine, l'histoire et la mémoire de cette autre grande route, nous raconte-t-il. En France, c'est la Nationale 7 (qui relie Paris et Avignon en passant par Lyon, ndlr) qui prédomine dans l'imaginaire de la route des vacances. Mais pour aller sur la Côte Atlantique depuis la région parisienne, c'est bien la Nationale 10 que l'on emprunte. » Ou plutôt que l'on empruntait. Car depuis le début des années 1960, la Nationale 10 est délaissée des automobilistes, qui lui préfèrent l'autoroute A10.

La station-service a fermé ses portes dans les années 1980. ©Laurent Carré Facebook
La station-service a fermé ses portes dans les années 1980. ©Laurent Carré Facebook

Nostalgie, quand tu nous tiens… 

Laurent Carré commence par sensibiliser le maire de Sainte-Maure-de Touraine. Convaincu par ce projet de restauration de l'ancienne station-service, celui-ci décide de l'inscrire dans le PLU (Plan Local d'Urbanisme). En 2016, le ministère de la Culture labellise le bâtiment « patrimoine du XXe siècle » en Touraine. La station-service ne pourra pas être détruite. En parallèle, Laurent Carré entre en contact avec les propriétaires de la parcelle, qui habitent à côté. Ces derniers, qui ne dépenseront pas un centime, acceptent que l'ancienne station-service soit rénovée et devienne un lieu de rassemblement automobile pour les collectionneurs.

La station-service a été imaginée par l'architecte Paul Lagneau. ©Archives municipales de Sainte-Maure-de-Touraine. 
La station-service a été imaginée par l'architecte Paul Lagneau. ©Archives municipales de Sainte-Maure-de-Touraine. 

La station-service OZO Bellevue : toute une histoire !

En 1955, la société Huilcombus obtient l'autorisation d'implanter une station-service sur une parcelle de la Nationale 10. Un an plus tard, elle accueille ses premiers clients, qu'elle plonge le temps d'un plein dans un univers à l'américaine, imaginé par Paul Lagneau. « Dans les années 1950, la France vit le rêve américain, se rappelle Laurent Carré. À cette époque, il y a d'ailleurs beaucoup d'Américains dans la région. En Touraine, il y avait deux bases de l'OTAN, où vivaient des familles de militaires américains. La France vivait aussi les débuts de la consommation de masse et l'émergence des dîners américains. Les États-Unis faisaient rêver, ils étaient synonymes de progrès. »

Notre association veut faire de cette ancienne station-service un lieu de mémoire.

Laurent Carré,
président de l'association Nostal10.

Localisée en haut d'une côte, la station-service OZO Bellevue (OZO est une ancienne enseigne de réseaux de distribution de carburants, ndlr) n'est pas facilement accessible aux poids lourds qui, pour se ravitailler, sont contraints d'effectuer un demi-tour. Pour plus de sécurité, une deuxième station-service est ouverte de l'autre côté de la Nationale 10. Dans les années 1970, les deux stations sont rachetées par Total pour former le Relais Charles Martel. Elles ferment leurs pompes au début des années 1980.

Le coût des travaux est estimé à 22 000 euros. ©Laurent Carré Facebook
Le coût des travaux est estimé à 22 000 euros. ©Laurent Carré Facebook

2024 : la renaissance

Depuis 2022, Laurent Carré et les autres bénévoles de l'association Nostal10 s'affairent pour restaurer cette station-service abandonnée : travaux d'étanchéité, de peinture, de vitrerie, de paysages… Rien n'est laissé de côté. Tous ces travaux ont un coût : 22 000 euros, financés en grande partie par le Conseil départemental d'Indre-et-Loire, qui a désigné le projet de Nostal10 lauréat, au côté de trois autres projets, dans le cadre d'un appel à projets.

« Elle ne sera plus jamais fonctionnelle en tant que station-service », confirme Laurent Carré. Mais qu'importe, l'idée n'est pas là. « Notre association veut en faire un lieu de mémoire, un lieu de rassemblement qui montrera aux générations futures, lorsque les mobilités auront profondément changé, ce à quoi ressemblait une station-service », poursuit-il.

Près de 4 000 personnes sont abonnées à la page Facebook de la station-service ! ©Laurent Carré Facebook
Près de 4 000 personnes sont abonnées à la page Facebook de la station-service ! ©Laurent Carré Facebook

Aujourd'hui, 4 000 personnes suivent les aventures de cette station-service de Sainte-Maure-de-Touraine sur Facebook. Alors comme aime à le dire Laurent Carré, « ce n'est pas le Château de Versailles » mais cette station-service d'un autre temps n'a pas à rougir de sa célébrité !