Permis de conduire : vers un rattrapage sans repasser l’examen pour les candidats recalés de peu ?
Alors que les délais pour repasser le permis de conduire atteignent plusieurs mois en moyenne en France, une proposition défendue par une fédération d'auto-écoles pourrait changer la donne : permettre aux élèves recalés pour une faute éliminatoire de valider leur permis après cinq heures de formation supplémentaires, sans repasser l’examen pratique. Rencontre avec Édouard, CEO de l'auto-école en ligne En Voiture Simone.

Chaque année, 1,6 million d’examens du permis B sont organisés en France, avec un taux de réussite avoisinant les 50 %. Mais depuis de longs mois, la machine s’enraye. Entre une démographie en hausse, l’élargissement du financement du permis via le CPF et l’abaissement de l’âge à 17 ans, la pression sur le système ne cesse d’augmenter. Conséquence directe : pour de nombreux apprentis conducteurs, rater l’examen revient à s’engager dans une véritable course contre-la-montre. Le délai médian pour repasser le permis dépasse désormais les 80 jours, soit presque deux fois les 45 jours prévus par la loi, selon le ministère de l’Intérieur. Un constat d’autant plus préoccupant que la demande reste forte. « Les jeunes continuent massivement de passer le permis. Ils le passent un peu plus tard, mais ils en ont toujours besoin », observe Édouard Rudolf, dirigeant d’En Voiture Simone et vice-président de la Fédération des Enseignants et Auto-écoles d’Avenir (FENAA).
Trop peu d'inspecteurs
Au cœur du problème lié au délai d'attente entre deux examens, un maillon clé : les inspecteurs du permis de conduire, qui sont environ 1 100 pour l’ensemble du territoire français. Un effectif insuffisant pour absorber le volume d’examens. Le métier souffre aussi d’un sérieux déficit d’attractivité, avec une moyenne d’âge d’environ 55 ans selon Édouard Rudolf. « On est aujourd’hui sur un coefficient de un pour un, une personne qui entre pour une qui sort. On manque clairement d’inspecteurs, et le métier n’attire pas », résume-t-il. Peu valorisée et « pas suffisamment rémunérée », la profession peine à recruter. Et malgré les annonces gouvernementales visant à renforcer les effectifs, les recrutements ne compensent
Et si la solution c'était un rattrapage en cinq heures ?
Selon les services de l’État, en 2024, 40 % des candidats ont échoué lors de leur premier examen du permis de conduire. Mais ce chiffre masque une réalité moins connue : environ 15 % d’entre eux échouent à cause d’une seule faute éliminatoire, selon Édouard Rudolf. « Aujourd’hui, si vous glissez un stop sans le franchir, vous êtes systématiquement recalé et vous devrez attendre de repasser le permis de conduire pendant des mois. » Pour ce type d’erreurs, jugées « bêtes et méchantes », la FENAA propose un système plus nuancé.
Inspirée du principe du rattrapage au baccalauréat, la proposition du groupe de professionnels est simple : en cas d’échec dû uniquement à une faute éliminatoire mineure, le candidat devrait suivre 5 heures de formation complémentaires sur la thématique concernée avant d'obtenir son permis sans repasser l’épreuve pratique. « Ce système serait un filet de sécurité pour des candidats déjà prêts. Il permettrait de libérer entre 100 000 et 150 000 places d’examen chaque année », explique le vice-président de la FENAA. Selon lui, la Direction de la sécurité routière (DSR), dont la mission prioritaire reste la prévention, aurait déjà reconnu qu’un assouplissement ciblé était possible « sans compromettre la sécurité ».
Une alternative à l'augmentation des heures obligatoires
À contre-courant de cette idée de rattrapage, certains syndicats d’auto-écoles défendent au contraire l’instauration d’un minimum obligatoire de 28 heures de conduite pour tous les candidats. Une piste que rejette fermement Édouard Rudolf, qui y voit une fausse bonne solution et un surcoût inutile pour les élèves. « Les Français obtiennent déjà leur permis en moyenne en 30 heures, mais cette moyenne est trompeuse, explique-t-il. Elle est gonflée par les longs délais d’examen qui obligent les candidats à reprendre des heures avant le jour J. Dire à ces élèves qui peuvent réussir l'examen après 20 heures de conduite qu’ils devront payer huit heures supplémentaires, c’est injuste et inefficace. Cela revient à faire supporter aux candidats le coût d’un système qui ne fonctionne pas. »
Selon les données du ministère de l’Intérieur, parmi les candidats inscrits entre juin et septembre 2024 :
- 8 % ont passé l’examen après 20 heures de conduite. Dans cette catégorie, le taux de réussite est de 70 % ;
- 36 % se sont présentés avec moins de 25 heures de conduite (taux de réussite supérieur à 62 %).
Dans un contexte où les files d’attente s’allongent, la question n’est donc plus seulement technique : elle devient sociale. Reste à savoir quelle proposition le gouvernement retiendra pour désengorger un examen devenu, année après année, un véritable goulot d’étranglement pour les futures générations de conducteurs.



