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Le rétrofit : à quand une offre pour les voitures particulières ?

Par Lionel Robert

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Alternative à l’achat d’une voiture électrique neuve, le rétrofit promet une nouvelle vie, en électrique, aux automobiles thermiques toujours aptes au service. Malheureusement, du rêve à la réalité, la marche semble haute : si le législateur a annoncé un plan de soutien à la filière, le rétrofit peine à se concrétiser. On fait le point sur un sujet qui passionne les Français.

La décarbonation du parc automobile est l’un des principaux enjeux de la transition énergétique amorcée. Et pour cause : la France compte actuellement plus de 40 millions de voitures en circulation. Il s’agit, pour la plupart, d’automobiles de plus de dix ans fortement émettrices de CO2, ce gaz à effet de serre responsable du changement climatique.

Une solution réservée aux collectionneurs et aux professionnels

Le rétrofit, qui consiste justement à remplacer le moteur thermique d'un véhicule par un moteur électrique, peut contribuer à réduire l’empreinte carbone du parc roulant. Pourtant, aujourd’hui, cette solution maligne et économique offre surtout aux collectionneurs l’opportunité de remettre à la route une ancienne qui sommeille dans une grange. Comme le confirme Stéphane Wimez, Directeur général de l'entreprise de rétrofit R-Fit et co-président du métier Rétrofit chez Mobilians : « Plusieurs homologations ont déjà été accordées pour permettre de rétrofiter aisément certains véhicules. Dans le deux-roues, la société Noil dispose de trois homologations dont une concernant le Vespa, un scooter populaire bien connu des Français. Dans la voiture ancienne, ma société R-Fit aura bientôt fait homologuer quatre voitures : la 2CV, la 2CV Fourgonette, la 4L et la R5. » Côté voitures du quotidien, l’offre reste limitée. « Aujourd’hui, les professionnels peuvent faire rétrofiter le pick-up Toyota Hilux et l’utilitaire Renault Trafic. Il existe aussi un kit pour un car scolaire », détaille Stéphane Wimez.

Il faut parvenir à mettre en œuvre un process industriel permettant d’abaisser drastiquement le coût de la transformation.

Stéphane Wimez,
co-président du métier Rétrofit chez Mobilians

Certes, c’est un début, mais pourquoi n’y a-t-il pas davantage de véhicules concernés alors que toutes les automobiles de plus de 5 ans sont potentiellement “rétrofitables“ ? Stéphane Wimez livre son explication : « Si les voitures récentes sont assises sur un parc roulant extrêmement important, il faut parvenir à mettre en œuvre un process industriel permettant d’abaisser drastiquement le coût de la transformation. Produire ces kits à grande échelle les rendra accessibles aux populations, souvent modestes, en possession d’une vieille Clio, d’une 206 ou d’une 207 ».

Le rétrofit, combien ça coûte ?

Aujourd’hui, le prix d’un kit, dont le pack batterie de 15 à 18 kWh permet de parcourir 120 kilomètres environ, s’établit à 20 000 €, pose comprise.

La France en avance… contrairement aux apparences

Car les voitures rétrofitées, on en parle beaucoup et depuis plusieurs années, mais on en croise encore trop peu dans nos rues. L’opération n’a pourtant rien de particulièrement complexe. Il suffit de remplacer le moteur thermique et la boîte de vitesses par un moteur électrique, un convertisseur et une batterie, une technologie somme toute bien maitrisée.

L’autre frein à l’essor du rétrofit, c’est la nécessité de créer un cadre réglementaire. « Il a été mis en place en 2020 en pleine crise sanitaire, suivie d’une crise économique, d’une crise sociale et d’une guerre aux portes de l’Europe. L’enchaînement de tous ces événements a ralenti de développement de la filière, et notamment son financement », commente Stéphane Wimez. Plus de deux années ont ainsi été perdues, limitant du même coup les réalisations effectives. « Cependant, il faut se féliciter de l’existence de cette réglementation. La France est le seul pays à disposer d’une loi autorisant le rétrofit en série et, même si elle complique le process - l’homologation répond à une norme européenne nécessitant des tests et un vrai travail d’ingénierie - elle protège avant tout le consommateur » ajoute notre expert. Le client est, en effet, assuré en cas de panne ou d’accident liés à la pose du kit.

Que promet le plan rétrofit ?

S’il existe aujourd’hui un décalage entre le souhait de la population d’accélérer sur la voie du rétrofit et la faiblesse de l’offre, les choses devraient notablement évoluer avec l’appui des Pouvoirs Publics. Comme souvent dans notre pays, la volonté gouvernementale fait office de booster. Or, elle est désormais bien présente. Elle a été révélée lors du Mondial de l’Auto 2022, à travers l’annonce du ministère de l’industrie d’un plan de soutien au développement de l’offre rétrofit. La promesse : une enveloppe de 20 millions d’euros à destination des professionnels de la filière pour leur permettre de financer des solutions industrielles susceptibles de faire baisser le coût unitaire des kits.

Cette annonce a été suivie par le lancement officiel, en avril 2023, d'un ambitieux plan rétrofit reposant sur trois piliers : le financement de la filière en vue de créer une offre concrète, la simplification du process d’homologation sans compromis pour la sécurité, en concertation avec la Direction générale de l’Énergie et du Climat, et le soutien à la vente sous forme de prime ou de bonus. Cette aide à l’achat pourrait s’élever à 2 500 € pour les particuliers et grimper jusqu’à 10 000 € pour les professionnels. En plus, les conditions d’obtention de cette “prime à la conversion“ seront facilitées et les régions auront la liberté de proposer des aides additionnelles afin d’accélérer le “rétrofitage“ du parc.

Pourquoi acheter une voiture dont la batterie permet de parcourir 400 kilomètres si on ne roule qu’une quinzaine de kilomètres par jour ? Ça n'a pas de sens !

Stéphane Wimez,
co-président du métier Rétrofit chez Mobilians

Le rétrofit, pas pour tout le monde

Si le rétrofit semble une solution de bon sens, il n’est pas la solution à tous les besoins. En effet, les kits batterie aujourd’hui sur le marché proposent une autonomie limitée, incompatible avec un usage intensif et/ou longues distances d’un véhicule. « La question de fond, rappelle Stéphane Wimez, c’est l’utilisation véritable que l’on fait de sa voiture. Pourquoi acheter une voiture dont la batterie permet de parcourir 400 kilomètres si vous ne roulez qu’une quinzaine de kilomètres par jour ? Ça n'a pas de sens ! En réalité, l’autonomie idéale, c’est celle dont le client a besoin dans son quotidien… et pas celle dont il se servira une fois dans l’année ».

La solution ? L’industrialisation du process

En matière de transition énergétique, le rétrofit semble donc couler de source. Il favorise l’économie circulaire en donnant une seconde vie à des véhicules promis, prématurément le plus souvent, à la casse. Il offre à des “anciennes“ rouillant dans un garage l’opportunité de retrouver la lumière, au grand bonheur de leur propriétaire. Il permet surtout de décarboner les utilitaires du dernier kilomètre qui sillonnent les centres urbains en saturant l’air qu’ils traversent. Le rétrofit est donc sur la bonne voie. Il faut “juste“ l’industrialiser pour pouvoir le rendre abordable pour le plus grand nombre et cela prend du temps… bref, encore un peu de patience, chers automobilistes.