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Particules fines : 59 % des émissions ne proviennent pas de l’échappement

Par Eva Gomez

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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la majorité des émissions de particules fines des véhicules ne proviennent pas de l’échappement. C’est en tout cas la conclusion d’une note d’expertise publiée en avril 2022 par l’Agence de la transition écologique (Ademe). Selon elle, 59 % des particules fines (PM10 et PM2,5) proviendraient de l’abrasion des freins et du contact entre les pneumatiques et la chaussée. Décryptage.

Les particules fines ne proviennent pas uniquement de l'échappement mais aussi des pneus

En avril dernier, l’Ademe a publié une note d’expertise à la conclusion contre-intuitive : 59 % des particules fines PM10 (de diamètre inférieur à 10 µm) et PM2,5 (de diamètre inférieur à 2,5 µm) ne proviennent pas de l’échappement, mais de l’abrasion des freins et du contact pneu-chaussée.

Tous les véhicules sont concernés par les particules fines

Les émissions de particules ne sont donc pas l’apanage des véhicules à moteur thermique et concernent tous les véhicules. Plus surprenant : les véhicules électriques ont même de plus mauvais résultats en ce qui concerne les particules issues du contact pneu-chaussée. « Si les véhicules électriques, grâce au freinage régénératif, émettent moins de particules de frein que leurs équivalents thermiques, la tendance s’inverse pour les particules issues du contact pneu-chaussée et de la remise en suspension, du fait de leur plus grande taille de pneumatique due à leur masse véhicule supérieure », relève l’Ademe. Et ceci est d’autant plus vrai que l’autonomie du véhicule est importante : « Cela impacte la largeur des pneus et donc augmente les émissions de particules pneus-chaussée et celles remises en suspension », précise la note. Les particules remises en suspension désignent les particules émises dans l'air qui se sont déposées sur la chaussée, et qui sont remises en suspension au passage de nouveaux véhicules.

Inverser la tendance avec de nouvelles réglementations

« En France, la part PM10 du transport routier due à l’abrasion est passée de 15 % en 1990 à 59 % en 2019 et pour les PM2,5, respectivement de 9 à 45 %, en raison principalement de la généralisation du filtre à particules sur les véhicules diesel et la sortie progressive du parc des véhicules diesel les plus anciens et à un degré moindre, l’augmentation de la masse des véhicules », indique le rapport d’expertise de l’Ademe. Une tendance qui devrait s’accentuer si aucune réglementation sur les émissions de frein et de pneus n’est mise en œuvre.

« Il est indispensable d’associer à l’électrification du parc d’autres actions pouvant faciliter l’atteinte de la neutralité carbone ayant des co-bénéfices sur les particules hors échappement. »

L’Agence de la transition écologique (Ademe)

En effet, aucune réglementation n’existe aujourd’hui sur les émissions de particules d’abrasion des freins et des pneumatiques et très peu de solutions sont proposées pour les réduire. « La possible prise en compte de ces particules dans la future norme Euro 7/VII pourrait faire évoluer la situation », estime néanmoins l’Ademe. « Afin de réduire la pollution par les particules liées au trafic routier, il est donc indispensable d’associer à l’électrification du parc d’autres actions pouvant faciliter l’atteinte de la neutralité carbone ayant des co-bénéfices sur les particules hors échappement : allégement des véhicules, développement de l’éco-conduite et des modes actifs… », est-il ajouté.

Comparatif des émissions de particules hors échappement d’un véhicule thermique et d’un véhicule électrique

Emissions de particules PM10 issues du système de freinageEmissions de particules PM10 issues du contact pneu-chausséeEmissions remises en suspension
Véhicule thermique25 %47 %28 %
Véhicule électrique3 %61 %36 %

Source : Ademe à partir de la bibliographie de la notice technique et de résultats de projets financés par l’agence.

« On ne note pas un écart significatif des émissions totales de particules entre les véhicules électriques à forte autonomie et les véhicules thermiques neufs actuels, qui n’émettent quasiment plus de particules à l’échappement », explique la note d’expertise, qui souligne aussi que : « (…) les véhicules thermiques émettent des oxydes d’azote et des composés organiques volatils qui peuvent contribuer, suivant les conditions atmosphériques, à la formation de particules secondes, ce qui n’est pas le cas des véhicules électriques. »

« Sur les 12 millions de tonnes de plastiques rejetées chaque année dans les océans, 28 % proviendraient des pneus. »

L’Agence de la transition écologique (Ademe)

Un impact significatif sur l’environnement…

Ces phénomènes ont des conséquences environnementales notables, qui vont au-delà de l’impact sur la qualité de l’air. En effet, selon une étude de l’IUCN en 2017 et une autre menée par l’UBA en 2015(1), sur les 12 millions de tonnes de plastiques rejetées chaque année dans les océans, 1,5 million seraient des microparticules primaires de plastique de diamètre inférieur à 5mm. « 28 % proviendraient des pneus, ce qui en ferait la deuxième source après le lavage des textiles synthétiques », relève l’Ademe. Le lavage des chaussées et les eaux de pluie contribuent à la dispersion de ces microparticules de caoutchouc et autres éléments métalliques provenant de l’abrasion des freins et des pneumatiques dans les réseaux d’assainissement. « Cette pollution est ensuite piégée dans le sol lorsque les boues d’épuration sont utilisées comme fertilisants. En zones non imperméabilisées ou rurales, cette pollution, via les eaux de ruissellement, atteint les sols, les nappes phréatiques et les cours d’eau, voire les océans », indique l’Ademe.

… Et sur la santé humaine

« L’impact sur la santé humaine des particules émises hors échappement par les systèmes de freinage ou le contact pneu-chaussée a fait l’objet d’un nombre d’études toxicologiques et épidémiologiques assez limité », fait remarquer la note d’expertise. Les effets néfastes de l’exposition au trafic automobile, à son intensité et aux concentrations de polluants atmosphériques qui en sont issues sont, pour leur part, prouvés. « Mais il n’est pas très clair de savoir dans quelle mesure les particules hors échappement contribuent à ces associations : quelques études toxicologiques suggèrent que ces particules pourraient constituer un danger pour la santé, notamment à cause de leur teneur en éléments métalliques comme le cuivre, le baryum, le zinc ou le fer », est-il ajouté. Rien n’atteste que ces nuisances soient du même ordre que celles dues aux émissions des gaz d’échappement, « même si des travaux récents semblent montrer que le potentiel oxydant des particules de frein serait supérieur à celui des particules diesel (2)(3)(4) ».

Quelles solutions pour réduire ces émissions hors échappement ?

Côté constructeurs et équipementiers

  • Améliorer les systèmes de freinage ;
  • Piloter le freinage pour soulager le freinage mécanique ;
  • Développer des solutions de captage et filtration des particules de frein à la source ;
  • Indiquer la durée de vie des pneus sur leur étiquette énergie pour encourager les recherches visant à diminuer le taux d’abrasion ;
  • Travailler sur les choix de revêtements routiers et leur renouvellement ;
  • Développer des systèmes de captations de particules embarqués (sur le toit ou sous le véhicule) ;
  • Alléger les véhicules et ainsi, la largeur des pneus.

Côté pouvoirs publics et automobilistes

  • Développer l’éco-conduite (accélération et décélération moins fortes) ;
  • Réduire les vitesses limites afin de diminuer le freinage ;
  • Diminuer les déplacements en véhicule individuel ;
  • Privilégier les modes actifs.

Pour aller plus loin : comprendre l’origine des émissions hors échappement

A quel moment sont émises ces particules hors échappement ?

Les particules de frein

« Au début de la phase de freinage, on observe un arrachement de particules fines (autour de 1 à 2 μm) puis, avec l’augmentation de la force de freinage et l’élévation de la température, une formation importante de particules autour de 200nm se produit par évaporation et condensation des composants carbonés des plaquettes de freins », détaille la note d’expertise. « Un freinage intensif caractérisé par une répétition de freinages et/ou une forte décélération peut conduire à une élévation de la température des plaquettes plus importante provoquant, au-delà de 250°C, l’émission de particules ultrafines autour de 10nm. »

Les particules issues du contact pneu-chaussée

Les particules collectées près du pneu lors d’essais « à vitesse constante comprise entre 50 et 90 km/h » sont « bimodales » : un mode ultrafin majoritaire autour de 30 nm et un mode fin autour de 200 nm. Le nombre de particules augmente significativement avec la vitesse pour les particules de taille comprise entre 1 et 10 μm. Les accélérations et décélérations font également croître ces émissions.

Source : Consulter l’intégralité de la note d’expertise de l’Ademe « Emissions des véhicules routiers – Les particules hors échappement » (Emissions des Véhicules routiers - Les particules hors échappement - La librairie ADEME)

(1) Microplastiques primaires dans les océans, IUCN 2017 et Sources of microplastiques relevant to marine protection in Germany, UBA, Report N°(UBA-FB) 002147/E, 2015

(2) Evaluation de la toxicité des particules issues des dispositifs de freinage par friction- 2022 (Projet ToxBrake) Evaluation de la toxicité des particules issues des dispositifs de freinage par friction - La librairie ADEME

(3) Caractérisations toxicologiques in vitro, chimiques et physiques de particules prélevées dans l’air d’habitacles de transport en roulage – 2022 (Projet ToxinTransport) Caractérisations toxicologiques in vitro, chimiques et physiques de particules prélevées dans l'air d'habitacles de transport en roulage - La librairie ADEME

(4) Daellenbach, K.R., Uzu, G., Jiang, J et al. Sources of particulate-matter air pollution and its oxidative potentiel in Europe – Nature 587, 414-419 – 2020. Sources of particulate-matter air pollution and its oxidative potential in Europe | Nature