La voiture électrique est-elle vraiment écologique ? L’avis de l’ADEME
L’agence de la transition écologique (ADEME) a publié cette semaine son « avis sur le véhicule électrique », six ans après le dernier. L’occasion de rappeler que la voiture électrique n’est pas neutre en carbone et de détailler les conditions dans lesquelles elle affiche un bilan vraiment favorable.
Avec le vote du Parlement européen en juin 2022 en faveur de la fin des ventes de voitures thermiques neuves à horizon 2035, l’électrification du parc automobile a entamé une nouvelle accélération en France. Un « levier incontournable » pour l’ADEME, mais qui ne suffit pas pour que « la transition soit pleinement efficace sur les plans environnementaux, sociaux et économiques ». Explications.
Une capacité de batterie de 60 kWh maximum
Le véhicule électrique part avec une « dette carbone » 2 fois supérieure à celle d’un véhicule thermique, du fait de sa fabrication. Une tendance qui s’inverse à l’usage : on estime que sur l’ensemble de son cycle de vie, une voiture électrique aura un impact carbone 2 à 3 fois inférieur à celui d’un modèle thermique équivalent. Ceci est vrai en France, où le mix électrique est largement décarboné... Et à condition que la batterie embarquée soit de taille raisonnable ! Par raisonnable, l’ADEME entend inférieure ou égale à 60 kWh.
Le rapport estime en effet que comparé à une berline compacte diesel, un petit véhicule de type citadine électrique aura remboursé sa « dette carbone » au bout d’environ 15 000 km, contre 100 000 km pour un SUV électrique haut de gamme. « L’impact carbone d’un véhicule électrique augmente quasiment proportionnellement à son poids, lui-même fortement impacté par la capacité de stockage de sa batterie » explique l’ADEME.
Il convient de [sélectionner] un modèle de véhicule le plus petit et léger possible, qui saura offrir l’autonomie la plus élevée à partir de cette capacité de batterie.
Se baser sur son usage le plus fréquent… pas sur le plus contraignant !
Une batterie de 60 kWh, c’est jusqu’à 450 km d’autonomie WLTP sur une berline compacte. Une autonomie qui permet d’assurer l’essentiel des déplacements des automobilistes : les trajets quotidiens, notamment domicile-travail, et même les escapades le week-end.
« Il convient de choisir une batterie juste adaptée à l’usage majoritaire du véhicule, en sélectionnant un modèle de véhicule le plus petit et léger possible, qui saura offrir l’autonomie la plus élevée à partir de cette capacité de batterie » recommande l’ADEME.
Une logique écologique ET économique
Le raisonnement vaut aussi bien du point de vue économique que du point de vue écologique.
Sur sa durée de vie, le coût de revient global - aides déduites - d’un véhicule électrique doté d’une batterie d’environ 60 kWh est inférieur à celui d’un véhicule thermique comparable. A condition, bien sûr, qu’il soit rechargé à domicile. A l’heure actuelle, on estime à 10 € le coût énergétique pour 300 km rechargés à domicile (40 € pour une charge rapide sur autoroute), contre 30 € pour la même distance en thermique. Et on peut imaginer qu’avec le bouclier tarifaire, l’augmentation des prix reste contenue pour la charge à domicile, qui permet par ailleurs de recharger au meilleur moment, à savoir la nuit.
Pour que le véhicule électrique puisse être adopté par le plus grand nombre, il est important que se développe « une offre de véhicules plus petits, plus sobres, plus abordables et adaptés aux déplacements du quotidien, ainsi que de véhicules intermédiaires. »
« Répliquer le modèle d’utilisation du véhicule thermique sur le véhicule électrique ne suffira pas. »
Les longs trajets en question
Restent les trajets de longue distance, et notamment les trajets de vacances : un besoin occasionnel qui n’est pas couvert de façon satisfaisante par l’offre de véhicules électriques, selon l’ADEME. Du moins pas dans les conditions que connaissaient les automobilistes jusqu’à présent avec leur voiture thermique.
Pour autant, l’agence souligne que le déploiement de véhicules à forte autonomie associés à des bornes de recharges ultra-rapides pose de nombreuses questions en termes d’impact CO2, de prix et de pression sur le réseau électrique. « Recharger une batterie de 60 kWh en 2 minutes comme on refait le plein d’un véhicule thermique représenterait un appel de puissance de 1,8 MW électrique, soit l’équivalent de la puissance électrique moyenne appelée simultanément par 1 500 foyers », explique l’ADEME.
« Répliquer le modèle d’utilisation du véhicule thermique sur le véhicule électrique ne suffira pas » pointe le rapport, avançant plusieurs pistes de réflexion pour les grands déplacements, comme le développement de l’offre ferroviaire et le recours accru au train, le développement de services de véhicules adaptés sur les lieux touristiques ou encore le déploiement d’alternatives aux besoins ponctuels d’autonomie des véhicules électriques (prolongateur d’autonomie par exemple).
En conclusion, l’ADEME invite à « réinterroger la place de l’automobile dans nos déplacements (sobriété et report modal) et faire du véhicule électrique une brique parmi une offre de services de mobilité plus large et diversifiée ».