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Autopartage en France : « Cette pratique résout une problématique de pouvoir d’achat »

Par Marine Madelmond

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De plus en plus d’automobilistes pratiquent l’autopartage, en louant des véhicules via des plateformes dédiées. Quels sont les leviers de développement de l’autopartage ? On a posé la question à Nicolas Frasie, co-fondateur de l’AAA (Association des Acteurs de l’Autopartage).

Quelqu'un ouvre une voiture grâce à une application mobile

Qu’est-ce que l’autopartage ? Cette pratique recouvre essentiellement la mise à disposition de véhicules (appartenant à un opérateur d’autopartage ou à une collectivité) en libre-service, au profit d’usagers et pour la durée et la destination de leur choix. Elle peut aussi se pratiquer de particulier à particulier, avec ou sans intermédiation.

Alternative à la possession d’une voiture individuelle, l’autopartage est un véritable levier de décarbonation. Mais pour que ce nouvel usage de la voiture change véritablement la donne, cette pratique doit se développer, en ville mais aussi dans les campagnes, là où les opérateurs d’autopartage peinent à s’installer. Quelles sont les perspectives pour cette pratique ultra-vertueuse ? C’est la question que nous avons posée à Nicolas Frasie, cofondateur de l’Association des Acteurs de l’Autopartage (AAA), qui a pour mission de promouvoir l’autopartage à l’échelle nationale et locale en sensibilisant les pouvoirs publics à l’impact positif de la pratique.

Selon le dernier baromètre national de l’Autopartage, 460 000 usagers actifs ont recours à cette pratique, soit une croissance de 43 % au 1er janvier 2023. Quelle est la réalité derrière ces chiffres ?

Nicolas Frasie : Les chiffres communiqués dans ce baromètre témoignent d’une augmentation des usagers qui ont recours, occasionnellement ou régulièrement, à un véhicule en libre-service. Ils ne comptabilisent pas l’autopartage de particulier à particulier, qui reste une pratique très minoritaire. L’autopartage au sens « j’ai un véhicule que je loue à mes voisins ou à un autre particulier » est une pratique peu courante que l’on ne représente pas dans le cadre de l’Association.

Comment différencier l’autopartage et la location traditionnelle ?

N.F : L’un et l’autre répondent à des besoins différents. L’autopartage c’est : vous habitez à un endroit, vous accédez à des véhicules quand vous en avez besoin sur une base régulière. Vous pouvez aussi partir en vacances avec mais ce n’est pas l’usage principal. D’ailleurs, la moitié des trajets en autopartage dure moins de 4 heures. Lorsqu’on souhaite louer une voiture à la sortie d’une gare ou d’un aéroport par exemple, on paye sa location selon une tarification à la journée. L’autopartage offre plus de flexibilité avec une tarification sur-mesure. Vous pouvez louer un véhicule en autopartage pour 15 minutes si vous le souhaitez.

Quels sont les autres avantages de l’autopartage ?

N.F : L’autopartage résout une problématique de pouvoir d’achat pour les Français. Ça coûte moins cher de louer occasionnellement un véhicule, et d’utiliser en complément la marche, le vélo, les transports publics, que de posséder sa propre voiture ! Cela permet ainsi de dépenser son budget mobilité comme on le souhaite et potentiellement de faire des économies. L’autopartage permet d’avoir accès à un véhicule lorsqu’on en a besoin, tout en réduisant ses coûts et son impact environnemental.

L’intérêt de l’autopartage est aussi de préserver en grande partie les déplacements des Français. L’idée n’est pas de dire aux gens de moins se déplacer mais de se déplacer autrement. Il n’y a pas non plus d’obligation sur le long terme. Les usagers peuvent avoir recours à l’autopartage pendant plusieurs semaines, mois ou années et arrêter la pratique si ça ne leur convient plus.

Bon à savoir

Selon l’ADEME, chaque voiture partagée (dans le cadre de l'autopartage en boucle) permet de remplacer 5 à 8 voitures personnelles, de supprimer 10 000 à 19 000 kilomètres en voiture personnelle par an, et de libérer entre 1 et 3 places de stationnement en voirie.

À quels profils d’usagers s’adresse l’autopartage et quelles sont leurs principales motivations ?

N.F : L'autopartage s’adresse à des usagers qui ont besoin d’un véhicule, à titre professionnel ou personnel, de façon occasionnelle ; le week-end, le mercredi pour s’occuper des enfants, lors d’une soirée par exemple… Il faut qu’on propose à ces automobilistes un véhicule qui soit assez propre et disponible à proximité de chez eux. Les aspects financiers et pratiques sont les deux sources de motivation des usagers de l’autopartage. Y avoir recours permet de ne pas se soucier des problématiques d’entretien d’un véhicule ou de son stationnement sur la voirie.

Pourquoi l’usage de l’autopartage en milieu rural peine à se développer ?

N.F : En territoire rural, le modèle économique est plus difficile. Une entreprise n’aura pas la capacité de financer les coûts en proposant des véhicules en territoire rural, en particulier pour des questions de densité. L’autopartage ne fonctionne que si les usagers habitent à proximité du véhicule. Et dans un territoire où la population est peu dense, vous avez peu de gens qui habitent à 500 mètres d’une voiture en libre-service. En revanche, il y a un certain nombre de territoires où les collectivités proposent de l’autopartage en partenariat avec un opérateur. Cela répond aux usages des Français qui vivent dans des zones périurbaines, voire rurales.

Quelles sont les missions de l’Association des Acteurs de l’Autopartage ?

N.F : Donner une voix à la filière de l’autopartage, tel est notre objectif. L’association souhaite porter cette voix jusqu’aux pouvoirs publics. Aujourd’hui, on n’a pas de financement. L’autopartage est une activité qui est souvent réglementée mais rarement soutenue. Pour pouvoir se développer, les opérateurs d’autopartage ont besoin d’avoir accès à des places en voirie. Il est nécessaire d’avoir une impulsion de la puissance publique pour pouvoir permettre le déploiement de l’autopartage partout en France.

Bon à savoir

L’Association des Acteurs de l’Autopartage (AAA) regroupe 17 acteurs majeurs de la filière dans l’Hexagone, à savoir Citiz, Clem’, Communauto, Enterprise CarShare, Free2Move, Getaround, Glide.io, INVERS, Keematic, Mobilize Share, Modulauto, OpenFleet, Optymo, Marguerite, SofdiCar, Ubeeqo, Yea! et Zity.

Notre idée est de pouvoir transformer cette prime à la conversion en une carte de crédit mobilité.

Nicolas Frasie,
cofondateur de l’AAA.

Quelles solutions proposez-vous pour développer l’offre d’autopartage ?

N.F : Il y a quelques mois, le Gouvernement a mis en place un bonus covoiturage pour inciter les Français à se déplacer à plusieurs en voiture. Sur ce même modèle, on souhaite proposer un bonus autopartage. En parallèle, on a également présenté un projet en lien avec la prime à la conversion. Notre idée est de pouvoir transformer cette prime à la conversion en une carte de crédit mobilité. Sur ce principe, après avoir mis votre ancien véhicule à la casse, vous ne serez pas obligé d’acheter un véhicule peu polluant par exemple, vous pourrez utiliser le montant de la prime pour emprunter d’autres moyens de transport ou pour adopter d’autres habitudes de déplacement, tel que l’autopartage. Ce sont des propositions qu’on a transmises au gouvernement et qui sont étudiées aujourd’hui par l’Inspection générale environnement et développement durable (IGEDD). Nous attendons les résultats dans les prochaines semaines.