Évènement - Vélos, voitures, piétons : à Nantes, le partage de la rue reste un défi

Entre les voies dédiées aux cyclistes, les rues piétonnes, les restrictions de circulation pour les voitures et la montée en puissance de l’autopartage, Nantes assume une idée simple : la voiture individuelle n’est plus le mode de transport dominant, elle devient une option parmi d’autres. Lors d’une table ronde organisée par Roole jeudi 27 novembre 2025, l’adjoint au maire en charge des déplacements doux, Simon Citeau, et le président de Citiz Nantes, François-Xavier Dugué, ont défendu une mobilité « à la nantaise », basée sur une complémentarité des modes de déplacement.

Marine Madelmond
Publié le 28/11/2025

Temps de lecture : 9 min

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Roole a réuni jeudi 27 novembre 2025 une cinquantaine d’automobilistes nantais, résidant en centre-ville ou en périphérie, pour une conférence consacrée aux évolutions des mobilités locales. Deux intervenants étaient au cœur des échanges : Simon Citeau, adjoint au maire chargé des déplacements doux, et François-Xavier Dugué, président du service d’autopartage Citiz Nantes. L’objectif de cet événement : faire le point sur la mutation des mobilités du territoire, alors que la ville reconfigure l’espace public pour favoriser les modes de déplacement doux et les transports en commun. En marge de cette rencontre, Roole Média a mené un micro-trottoir afin de recueillir la parole des habitants : quelle place tient encore la voiture dans leur quotidien ? Comment perçoivent-ils les alternatives existantes ? Quelles pistes imaginent-ils pour la mobilité nantaise de demain ? Leurs réponses sont à retrouver dans notre vidéo ci-dessus.

François-Xavier Dugué, président de Citiz Nantes (à gauche) et Simon Citeau, adjoint au maire chargé des déplacements doux (à droite). ©Roole
François-Xavier Dugué, président de Citiz Nantes (à gauche) et Simon Citeau, adjoint au maire chargé des déplacements doux (à droite). ©Roole
François-Xavier Dugué, président de Citiz Nantes (à gauche) et Simon Citeau, adjoint au maire chargé des déplacements doux (à droite). ©Roole

Priorité aux mobilités douces à Nantes

Pour Simon Citeau, l’enjeu n’est pas d’opposer les modes de transport mais de les rendre complémentaires. « Il faut accélérer sur les alternatives à la voiture individuelle », insiste l’adjoint au maire : la marche et le vélo bien sûr, mais aussi toutes les mobilités partagées, du covoiturage à l’autopartage. Cette définition large des mobilités douces s’accompagne d’une transformation de l’espace public. L’idée : libérer de la place pour permettre de circuler autrement, mais aussi de mieux « vivre la ville » - flâner, profiter de terrasses, accueillir des événements - grâce à une voirie mieux partagée et plus sûre pour tous.

Cette stratégie se traduit dans les chiffres. Depuis 2020, environ 800 kilomètres d'aménagements cyclables ont été réalisés à l’échelle de Nantes Métropole. La pratique a suivi : selon France Bleu Nantes, le vélo, qui représentait 3 % des déplacements en 2018, pèse autour de 10 % des trajets en 2025. La métropole mise aussi sur les services pour accompagner ce changement : plus de 1 230 vélos en libre-service, 3 600 vélos proposés à la location moyenne et longue durée, et plus de 30 000 places de stationnement vélo.

Bon à savoir

En novembre 2025, Nantes a atteint la 10e position mondiale du Copenhagenize Index, qui établit depuis 2011 un classement des différentes villes du monde en fonction de leurs actions pour faciliter et sécuriser la pratique du vélo.

En parallèle, l’offre de transports en commun se modernise et s’étend, avec l’arrivée de nouvelles rames de tramway depuis fin 2024 et le prolongement de la ligne 1 jusqu’à Babinière, à La Chapelle-sur-Erdre. Nantes Métropole a par ailleurs instauré une tarification solidaire sur le réseau de transports en commun Naolib pour réduire le coût des abonnements des foyers modestes. Elle propose aussi des formules et des réductions adaptées aux différents profils d’usagers, ainsi qu’une gratuité le week-end mise en place depuis 2021.

La voiture oui, mais autrement

L'idée n'est pas de bannir la voiture, mais de lui donner sa juste place. « Une ville sans voiture, non : ce n’est pas l’objectif de la Métropole, poursuit Simon Citeau. Mais il faut bien comprendre qu'avec la croissance démographique, le nombre de déplacements augmente. Si l’on ne change rien, on va vers une saturation générale du trafic. Or, la réponse ne peut plus être d’élargir les routes ou de reconstruire la ville pour créer de grands boulevards : ce n’est ni la culture actuelle ni une solution réaliste. L’enjeu est donc de faire circuler plus de monde sur un réseau déjà contraint. »

Pour éviter des kilomètres d'embouteillages, Nantes opte pour une réorganisation des déplacements qui favorise d’abord les modes les plus économes en espace. « Nous retravaillons les plans de circulation en donnant la priorité aux mobilités actives, qui prennent moins de place dans l’espace public, explique l'adjoint au maire. D’autant que, aujourd’hui encore, la moitié des trajets font moins de 3 kilomètres, l’équivalent de 40 minutes à pied ou 10 minutes à vélo, et ces déplacements restent très souvent réalisés en voiture. »

Une cohabitation compliquée entre les usagers

Dans les rues de Nantes, la cohabitation de tous les usagers ne se fait pas sans frictions. Plusieurs habitants interrogés dans notre micro-trottoir dénoncent une insécurité sur la route. « Ce n'est pas toujours très serein, pour avoir été d'un côté comme de l'autre. » Pour certains automobilistes, la réduction de l’espace dédié à la voiture peut aussi accroître les crispations : « Vu que les routes pour les voitures se rétrécissent, les incivilités peuvent aussi arriver », confie un habitant du centre-ville.

Le sentiment d’insécurité n'est pas toujours lié à la voiture : « Le danger vient plutôt des cyclistes/piétons», note un passant, qui pointe du doigt des conflits d’usage entre modes doux. La forte affluence quotidienne dans certaines zones accentue aussi ces tensions : « Quand il y a du monde à des endroits précis, comme sur la place du Commerce où ça se croise entre les trams, les bus, les voitures et les vélos, tout devient compliqué », regrette un passant, tandis qu’un autre Nantais confie, à propos du même secteur : « Je l'appelle le carrefour de la mort. »

Un Nantais va même plus loin ; selon lui, le partage des modes de transport n'est pas idéal : « Aujourd'hui à Nantes, je pense qu'on mélange trop les différents moyens de mobilité. Je ne me sens pas en sécurité à vélo. Ce n'est pas plus serein finalement que la voiture ! » Autant de témoignages qui montrent que, malgré l’essor des alternatives, le partage de la rue reste un défi.

L'autopartage, une alternative envisageable

Pour les habitants qui ont besoin d’une voiture, l’autopartage offre une alternative à la possession d’un véhicule. Nantes s'est engagée à proposer ce service dès 2008 avec la plateforme Marguerite, aujourd’hui complétée par l’arrivée d’un second opérateur, Citiz, qui vient élargir le réseau et les usages possibles.

Bon à savoir

Selon les derniers chiffres de Nantes Métropoles, la ville est équipée de 61 stations d'autopartage en libre-service (66 voitures Marguerite et 55 voitures Citiz).

L’arrivée de Citiz à Nantes s’inscrit dans une logique de densification de l’autopartage : plus le réseau compte de stations, plus il devient visible et facile à utiliser au quotidien. Ce maillage renforcé commence d’ailleurs à produire des effets, avec une hausse des utilisateurs chez Citiz comme chez l’opérateur historique. Mais pour François-Xavier Dugué, la voiture partagée n’a pas vocation à remplacer la voiture principale de tous les ménages. « Chez Citiz, on n’a pas la prétention de dire qu’on doit supprimer la voiture principale. Même si 70 % de nos utilisateurs sont démotorisés, ce n’est pas notre vision. En revanche, une deuxième voiture peut très bien être remplacée : pour des raisons économiques, mais aussi parce qu’on propose une offre alternative pour les trajets occasionnels. » Mais l’autopartage, insiste-t-il, ne peut fonctionner seul : pour être optimal, ce service doit pouvoir s'appuyer sur un usage suffisamment développé des transports en commun, de la marche et du vélo.

Les parkings-relais à la rescousse des pro-voitures

C’est aussi dans cette logique que s’inscrivent les parkings-relais, présentés par la Métropole comme un pilier de la stratégie de report modal. L’objectif est de diriger les automobilistes à l’entrée de l’agglomération, pour éviter que la voiture ne sature l’hyper-centre. Aux parkings historiques du Cardo et de la Haluchère s’ajoutent des parkings plus récents situés au sud de la Loire, comme la Porte de Vertou (2 000 places connectées à la ligne 4 du tramway) ou Neustrie (1 000 places reliées à la ligne 3).

Et la Métropole cherche désormais à aller plus loin : ces parkings, jusqu’ici pensés pour les automobilistes venant de l’extérieur et poursuivant leur trajet en transports en commun, intègrent progressivement du stationnement vélo sécurisé. L’idée, à terme, est de permettre aux usagers de laisser leur voiture en périphérie et de terminer leur trajet à vélo, en complément du tram ou du bus. Une manière de pousser la logique « multimodale » jusqu’au bout, en faisant de la voiture un appui ponctuel plutôt qu’un passage obligé.

Bon à savoir

Deux lignes de covoiturage vont être lancées au premier trimestre 2026 et seront expérimentées pendant 3 ans.

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