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Autopartage : les Français sont-ils prêts à partager leur voiture ?

Par Marine Madelmond

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Considéré comme un levier de décarbonation de la mobilité, l’autopartage se répand de plus en plus, notamment dans les grandes agglomérations. Pourtant, beaucoup d'automobilistes ne sont pas encore tout à fait prêts à partager leur véhicule. Où en est-on aujourd’hui et quels sont les freins à l’autopartage ? La réponse avec un échantillon d'automobilistes interrogés en micro-trottoir, éclairée par le sociologue Yoann Demoli.

C'est l'un des objectifs principaux de la Loi d'Orientation des Mobilités (LOM) de 2019 : déployer de nouvelles solutions pour permettre à tous de se déplacer. L'autopartage va dans ce sens, en proposant une solution destinée aux Français ayant un besoin régulier ou ponctuel d’une voiture. En France, il est possible de recourir à l’autopartage informel – entre amis ou au sein de sa famille par exemple – ou plus formel, par le biais d’un opérateur ou d’un usager mettant une ou plusieurs voitures en libre-service.

Les différentes formes d'autopartage en France

Il existe plusieurs formes d’autopartage :

  • L’autopartage dit « en boucle » : un opérateur met à disposition des véhicules en location dans différentes stations. Le locataire peut alors réserver une voiture pour plusieurs heures ou jours, l’utiliser et la rendre à la même station.
  • L’autopartage dit « en trace directe » : un opérateur met à disposition des véhicules en location qui disposent d’une technologie permettant leur ouverture par un système de carte. Le locataire peut alors restituer la voiture ailleurs qu’à l’endroit où il l’a récupérée.
  • L’autopartage dit en « free-floating » : un opérateur met à disposition des véhicules en libre-service en location partout dans la ville, sans station d’attache.
  • L’autopartage entre particuliers : un particulier met à disposition son véhicule en location, via un opérateur ou non.

Bon à savoir

Selon l’enquête nationale « Autopartage 2022 » de l’ADEME, 1 voiture en autopartage remplace 5 à 8 voitures personnelles, supprime entre 10 000 et 19 000 km en voitures personnelles par an et libère 0,9 à 3 places de stationnement en voierie.

L’autopartage sur le territoire : on en est où ?

Selon le dernier baromètre de l’Association des Acteurs de l’Autopartage, 460 000 usagers pratiquent l’autopartage en 2023, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2022. Une croissance qui s'explique par des changements progressifs de comportements en matière de déplacements individuels.

Bon à savoir

Les opérateurs d’autopartage les plus connus sont Getaround, Citiz, Clem', Communauto, Free2Move ou encore ShareNow. D'autres acteurs comme Leo&Go, Iodines, Marguerite, Mobilize Share, Modulauto, Optymo, Otolis, Ubeeqo, Yélomobile et Zity by Mobilize proposent des voitures en libre-service.

Où sont les champions de l'autopartage ?

Quelles sont les villes où les Français ont le plus pratiqué l’autopartage en 2022 ? Getaround* a établi un classement en calculant le nombre de locations de véhicules en autopartage effectuées dans son réseau en 2022, rapporté au nombre d’habitants de chaque ville (ndlr Paris a été exclue de l'étude). Plusieurs métropoles se démarquent à l’image d’Avignon, qui arrive en tête. Selon les chiffres de l’opérateur, 90 % des réservations d’autopartage à Avignon se font près des gares. « Les voyageurs privilégient le train pour les longs trajets, tout en combinant avec des voitures en autopartage aux abords des gares, accessibles rapidement (et sans agence) pour rejoindre leur lieu de vacances », commente la plateforme.

Bordeaux arrive à la deuxième place, suivie de Lille, qui connaît également une forte croissance grâce à « une politique locale favorable à la mobilité durable », selon Getaround. Enfin, Lyon se positionne en quatrième position de ce classement. Mais à la différence d’Avignon, ce ne sont pas les touristes qui pratiquent le plus l’autopartage dans cette ville mais les Lyonnais eux-mêmes. « 60 % des réservations effectués sur Getaround dans la ville de Lyon proviennent des résidents locaux, montrant que l'autopartage y est une option privilégiée au quotidien, en complément des transports publics », peut-on lire dans le communiqué.

L’autopartage boudé dans les zones rurales

Selon le baromètre de l’Association des Acteurs de l’Autopartage, 926 communes étaient desservies par l’autopartage au 1er janvier 2023. Si l’idée de partager sa voiture fait son chemin dans l’esprit des usagers des grandes agglomérations, la pratique est un peu moins évidente dans les campagnes. Les territoires sont moins bien reliés entre eux, et c’est bien en zone rurale que l’on compte le plus de Français en mal de mobilité. C’est précisément pour cette raison qu’il y a encore des obstacles à franchir, selon le sociologue Yoann Demoli. « Dans les zones les moins denses, là où on a le plus besoin de voiture, il est difficile de partager son auto ou d’aller en récupérer une. Si on veut être usager d’un service d’autopartage, il faut d’abord pouvoir se rendre à la station. C’est un peu le serpent qui se mord la queue. »

Une confusion répandue avec le covoiturage

L’autopartage est encore une pratique délaissée – voire méconnue ! – des usagers, comme en témoigne notre micro-trottoir réalisé à Saint-Germain-en-Laye (Ile-de-France) ci-dessus. Entre le covoiturage et l’autopartage, la confusion est fréquente. « Auto, vers soi ? Ou automobile ? », nous demande une Saint-Germanoise. « Ce sont pour les gens qui vont travailler et qui emmènent des personnes, c’est ça ? ». Une confusion alimentée par l'essor du covoiturage en France et les dernières annonces du gouvernement visant à encourager les Français à covoiturer. « Dès lors que ce n’est pas formalisé ou qu’il n’y a pas d’intermédiaire marchand, dans la pratique, les individus oublient qu’ils covoiturent ou qu’ils prêtent leur véhicule, souligne Yoann Demoli. Avoir des gens de son foyer ou de son cercle proche dans sa voiture, c’est du covoiturage. Dans cette même logique, il y a aussi de l’autopartage informel. »

Quels sont les freins à l’autopartage ?

Après réflexion - et la confusion mise de côté ! - les Français sont-ils réellement prêts à partager leur véhicule ou à en louer une à un particulier ? Bien que les chiffres soient en hausse, les freins à l’autopartage sont souvent les mêmes : la crainte de retrouver sa voiture cabossée ou égratignée, la peur de ne pas être couvert par son assurance en cas de pépin… « Je n’ai pas suffisamment confiance en mes voisins pour me dire que je vais leur prêter ma voiture », nous affirme une autre Saint-Germanoise. « J’ai déjà eu de mauvaises expériences en prêtant ma voiture, je dirais que je suis contre, mais ça dépend à qui je prête mon véhicule et les besoins de cette personne », ajoute un interrogé dans notre vidéo.

D’autres aspects contribuent à expliquer la réticence des automobilistes. « Les voitures aujourd’hui sont ultra personnalisables, jusqu’au réglage des sièges, explique Yoann Demoli. Ce phénomène de personnalisation des voitures se diffuse dans le parc auto et vient à l’encontre de l’autopartage, pour lequel la voiture pourrait convenir à tout le monde. D’autant plus qu’on a aussi des rapports différents à la propreté. »

Si les Français se tournent désormais vers d'autres modes de mobilité - dont l’autopartage fait partie -, à contrario, les ménages sont nombreux à posséder et à utiliser quotidiennement au minimum deux véhicules. « On parle beaucoup de démotorisation aujourd’hui alors qu’il y a quand même un indicateur qui augmente toujours, c’est celui du multi-équipement automobile. Les ménages sont de plus nombreux à posséder au moins deux voitures. Ça va à l’encontre de l’autopartage », conclut le sociologue.

* Présent dans plus de 950 villes dans 8 pays, Getaround est le leadeur de l'autopartage en France.

* Baromètre réalisé par l’association des acteurs de l’autopartage, en partenariat avec le laboratoire aménagement économie transport (LAET) et avec le soutien de l’ADEME. Les résultats se basent sur les données de 26 opérateurs français.