Dans l’Hérault, Rezo Pouce donne un nouveau souffle à l’autostop
Et si l'autostop devenait une pratique encadrée et sécurisée ? C'est l'idée derrière Rezo Pouce, un service opéré par Mobicoop. Ce dispositif, en plus de séduire de nouveaux autostoppeurs, enrichit l'offre de mobilité en milieu rural et périurbain, tout en tissant des liens au sein de la communauté locale. Pour comprendre comment cela fonctionne, nous nous sommes rendus dans l'Hérault, où plus de 600 arrêts "sur le pouce" ont déjà été installés.
Si on vous dit « autostop », à quoi pensez-vous ? Aujourd’hui et depuis quelques années, cette pratique n’est pas forcément vue d’un bon œil en France. Dans les années 1970 pourtant, l’autostop a connu son âge d’or grâce au mouvement hippie et à son esprit de liberté et d’aventure… Mais depuis l’avènement de la voiture individuelle et avec la mise en avant des faits divers dans les médias, faire de l’autostop peut en rebuter plus d'un. Et le développement du covoiturage organisé dans les années 2000 et 2010 a fini de donner à l’autostop, un air désuet.
Encadrer la pratique pour la rendre plus attractive
Cette pratique peut en effet paraître intimidante et aléatoire, sans garantie d’effectuer le trajet souhaité en temps voulu. Alors afin de redorer le blason de l’autostop, des initiatives voient le jour dans les territoires en France : l’une d’entre elles se nomme Rezo Pouce, un service initié par l'entreprise coopérative Mobicoop, qui déploie des solutions de mobilité avec les communautés de communes.
Bon à savoir
Rezo Pouce existe dans une cinquantaine de communautés de communes en France, notamment dans les Alpes et la région de Grenoble, dans le Gâtinais et près d’Orléans, en Occitanie près de Montpellier et dans le parc des Grands Causses, dans le Sud-Ouest du côté de Toulouse et près de la Rochelle, mais aussi en Normandie et en Lorraine.
« Rezo Pouce a été créé en 2010. C’est parti du constat qu’il y avait des problèmes de mobilité dans certains territoires où il n’y a pas – ou pas assez – de transports en commun », explique Jean-Sébastien Lopez, animateur de transition chez Mobicoop. Dans les villages en zone rurale ou périurbaine, des arrêts « sur le pouce » sont ainsi déployés à des endroits stratégiques. Et pour compléter ces infrastructures, une application permet aux usagers de s’inscrire, de proposer ou de demander des trajets : une façon de rassurer les utilisateurs et d’encadrer la pratique. « L’idée est aussi de créer une communauté d’autostop locale », ajoute Jean-Sébastien Lopez. La promesse de Mobicoop pour les autostoppeurs : trouver un conducteur en moins de 10 minutes ! Et c'est le cas pour 90% des utilisateurs du service.
Ça permet de dépasser les appréhensions et d’apporter plus de sérénité, tout en créant une communauté.
Jean-Sébastien Lopez,
animateur transition
Pour construire ce réseau, Mobicoop et le territoire identifient les « spots » propices à l’autostop afin d’y déployer des arrêts « sur le pouce », matérialisés par des panneaux. « Ce qui est important, c’est la sécurité et la visibilité : on ne place pas un panneau sur une route où la vitesse est limitée à 90 km/h, ça n’a pas de sens. Il faut un endroit où on peut facilement s’arrêter », souligne Jean-Sébastien Lopez. Ces panneaux servent de repères pour les autostoppeurs et permettent aux conducteurs d'identifier plus facilement les personnes en attente.
Près de 650 arrêts d’autostop dans l’Hérault
Pour comprendre comment fonctionne ce dispositif, nous nous sommes rendus dans l’Hérault, et plus précisément à Ganges – dans la communauté de communes des Cévennes Gangeoises et Suménoises – puis à Saint-Gély du Fesc – dans la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup. « Le Grand Pic-Saint-Loup est le territoire pionnier dans l’Hérault sur Rezo Pouce : le service y a été déployé en 2016. Puis en 2018, on a signé une convention avec le département », précise l’animateur de communauté.
Aujourd’hui, 7 communautés de communes de l’Hérault situées en zones rurales et périurbaines font partie du « Rezo Pouce » et près de 650 arrêts sont implantés dans le département. « Ce sont les panneaux qui m’ont fait connaître Rezo Pouce », admet Kylian, un jeune héraultais utilisateur du service depuis 2023. « Je faisais déjà du stop avant, car j’habite dans un endroit un peu perdu, je n’avais pas vraiment le choix… », confie-t-il.
Un sentiment de sécurité et de communauté
Depuis qu'il connaît Rezo Pouce, Kylian a trouvé une façon de rendre sa pratique de l’autostop plus sereine : « C’est beaucoup plus sécurisant car on a un suivi et c’est efficace car généralement j’attends moins de 15 minutes. » Même ressenti du côté de Martial, conducteur et utilisateur de Rezo Pouce depuis 2022. « Je fais le même trajet de 45 km tous les jours entre Montpellier et Ganges, à l’aller à 16h, puis au retour à 22h. Donc je prenais déjà des gens, mais avec l’application c’est plus sécurisé, ça crée une communauté, on retombe souvent sur les mêmes personnes », partage-t-il. Désormais, Martial n’imagine plus faire ses trajets quotidiens en étant seul au volant. « C’est tristounet… J’ai 4 places libres dans ma voiture, autant en faire profiter et utiliser moins de voitures ! », estime-t-il.
Une solution de mobilité pour les axes routiers secondaires
Quelque part, le système de Rezo Pouce se rapproche de celui des lignes de covoiturage, avec des arrêts identifiés et matérialisés, ainsi qu’un service numérique de mise en relation et de traçabilité. Après le covoiturage spontané, on peut donc parler d’autostop organisé ! Cependant, les deux services ne répondent pas exactement aux mêmes besoins. « Rezo Pouce vient en complément : les lignes de covoiturage sont installées sur les grands axes assez fréquentés, alors que les arrêts ‘sur le pouce’ sont plus distillés dans les territoires. Ça permet de faire les derniers kilomètres qui séparent les villages ruraux des grands axes routiers, des transports en commun ou des gares », précise Jean-Sébastien Lopez.
Bon à savoir
Rezo Pouce n’est pas qu’un service 100% numérique ! Il est possible d’attendre sous un arrêt « sur le pouce » sans être inscrit : les panneaux favorisent la pratique de l’autostop même en dehors de l’application. Et pour ceux qui n’ont pas accès aux outils numériques, il est possible de s’inscrire en mairie.
Cette complémentarité avec les autres solutions de mobilité sur le territoire a d’ailleurs très vite été relevée par la conductrice qui nous a pris en autostop quand nous avons testé le service. « Les réseaux de bus ont été pas mal développés ces dernières années entre Montpellier et Ganges ou Le Vigan. Mais les axes secondaires ne sont pas assez desservis ! Rezo Pouce peut pallier ce manque », estime-t-elle. Lors de notre test, équipés d’une pancarte sur laquelle nous avions indiqué notre destination, nous avons attendu moins de 5 minutes !
Rezo Pouce compte ainsi donner un nouveau souffle à l’autostop et attirer un nouveau public vers cette pratique. « Ça permet de dépasser les appréhensions et d’apporter plus de sérénité, tout en créant une communauté », résume Jean-Sébastien Lopez. « L’idée n’est pas d’aller jusqu’à Barcelone ! C’est de faire de l’autostop localement, de façon sereine. Et on rencontre plein de gens sur la route, des voisins qu’on ne connaissait pas… C’est aussi un outil de lien social », conclut-il. Dans l’Hérault, ce service a déjà conquis 53 000 utilisateurs inscrits sur l’application.
Bon à savoir
Dans l’Hérault, il existe aussi une ligne de covoiturage baptisée Picholines, qui relie Clermont-l’Hérault à Gignac.