La voiture est un moyen de transport individuel : vrai ou faux ?
Chaque jour, 100 millions de trajets sont effectués en voiture, dont une grande majorité avec une seule personne à bord. La voiture, qui peut accueillir jusqu'à 5 passagers, doit-elle être considérée comme un moyen de transport individuel ? Nous avons posé la question à Thomas Matagne, président-fondateur d’Ecov.
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Alors que 70% des déplacements domicile-travail sont réalisés en autosolisme, c’est-à-dire avec une seule personne par voiture, on peut estimer qu’aujourd’hui, la voiture est un moyen de transport individuel. D’après le ministère de la transition écologique, seuls 3% des trajets du quotidien sont effectués en covoiturage. « Le taux d’occupation moyen des véhicules est de l’ordre de 1,4 personne par voiture pour les trajets du quotidien et ça descend même à 1,07 personne pour les trajets domicile-travail, qui constituent l’une des catégories des trajets du quotidien », explique Thomas Matagne, président fondateur de la société Ecov, qui développe des solutions de covoiturage.
Dix voitures, ce sont 36 places libres
Pour comprendre la réalité qui se cache derrière ce taux d’occupation, il faut imaginer dix voitures qui, à raison de cinq places par voiture, représentent à peu près 50 places. Ces dix voitures véhiculent 14 personnes en tout : 10 conducteurs et 4 passagers, ce qui laisse 36 places libres. Il y a donc « énormément de capacités de transport qui sont inutilisées », souligne Thomas Matagne. Sur les trajets de longues distances (plus de 100 km), ce taux d’occupation augmente pour atteindre 2,2 (données 2019 CGDD/SDES). Mais cela reste insuffisant pour considérer la voiture comme un moyen de transport collectif. D’après une étude publiée par le ministère de la transition écologique en juillet 2022, les loisirs et les vacances sont les deux motifs de déplacement pour lesquels les voitures sont le plus remplies, avec, on peut l’imaginer, davantage de trajets longs effectués en famille. « A l’inverse, les déplacements professionnels en voiture concernent très majoritairement un conducteur seul, aussi bien sur courte que sur longue distance et l’autosolisme est également assez fréquent pour d’autres motifs de déplacements locaux non récréatifs, comme faire ses courses, se faire soigner ou effectuer une démarche administrative », précise l’étude.
Pourquoi arrive-t-on à mettre 300 personnes dans un train, 30 personnes dans un bus, mais pas 3 personnes dans une voiture ?
Thomas Matagne,
président fondateur d’Ecov
Basculer vers une notion de transport collectif
« Pourquoi arrive-t-on à mettre 300 personnes dans un train, 30 personnes dans un bus, mais pas 3 personnes dans une voiture ? », s'interroge le président fondateur d’Ecov. Selon lui, la voiture n’est plus pensée pour être partageable depuis des décennies en France. « Petit à petit, chacun a pu s’équiper de sa propre voiture, et donc chacun prend sa voiture pour faire son trajet de bout en bout : c’est devenu un moyen de transport complètement individuel », regrette Thomas Matagne.
Car c'est bien là la définition du transport individuel : un moyen de transport dans lequel on fait un trajet de bout en bout. Contrairement au moyen de transport collectif, dont les passagers font un trajet qui correspond à une partie du trajet global du véhicule : « Si je prends un bus, le bus vient de plus loin et il continuera après que je suis descendu. Dans un moyen de transport collectif, on découple les trajectoires des véhicules et des personnes qui les empruntent », précise notre expert. Pour Thomas Matagne, l'enjeu est de faire basculer la voiture « d’une notion de transport individuel à une notion de transport collectif, pour augmenter structurellement le taux d’occupation ».
Une politique d’incitation
Pour encourager les Français à pratiquer le covoiturage, le gouvernement a lancé fin 2022 une prime covoiturage de 100 euros pour les nouveaux inscrits sur les plateformes de covoiturage. De nombreuses applications voient en effet le jour depuis une dizaine d’années : la notoriété de Blablacar sur les trajets de longue distance a participé à démocratiser cette pratique, qui reste toutefois un peu plus complexe à développer sur les trajets du quotidien. Des acteurs se positionnent néanmoins pour faciliter cet usage, comme Karos et Klaxit, qui développent des partenariats avec des entreprises qui souhaitent encourager le covoiturage auprès de leurs salariés, ou encore Blablacar Daily. Ecov va même plus loin, en développant des lignes de covoiturage qui fonctionnent de la même manière que des lignes de bus, pour un covoiturage spontané, sans réservation. Une façon de transformer ce moyen de transport aujourd’hui individuel en moyen de transport collectif !
Pour l’année 2024, la prime covoiturage du gouvernement est reconduite pour les trajets de courte distance, afin de renforcer la pratique sur les trajets domicile-travail notamment. Cette incitation financière s’accompagne de mesures destinées à accélérer le développement du covoiturage avec les collectivités et les entreprises. L’objectif est d’atteindre 3 millions de covoiturages quotidiens en 2030 – contre 900 000 fin 2022.