Événement : à Grenoble, les mobilités douces et le covoiturage au cœur des débats

Grenoble multiplie les initiatives pour encourager les mobilités douces. Mais entre voitures, vélos et transports en commun, la cohabitation est parfois électrique. Jeudi 16 octobre dernier, Roole a organisé une table ronde rassemblant des acteurs locaux de la mobilité et des automobilistes grenoblois. L'occasion de recueillir des témoignages d’habitants en première ligne.

Eva Gomez journaliste pour le média Roole
Eva Gomez
Publié le 21/10/2025

Temps de lecture : 8 min

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À Grenoble, les acteurs locaux de la mobilité œuvrent pour le développement de l'intermodalité des transports. ©Roole

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Devant plus de 70 automobilistes de la métropole grenobloise, Roole a réuni le 16 octobre trois acteurs locaux de la mobilité : Guillaume Gontard, sénateur écologiste de l’Isère, Benjamin Arnaud, animateur de communauté chez Ecov et Bruno Besançon, de l’association Ageden, qui œuvre pour une gestion durable de l'énergie. Objectif : débattre des défis de la transition vers des mobilités plus durables, dans une ville où le partage de l’espace public est un sujet sensible. En parallèle, la rédaction de Roole Média a tendu son micro dans le centre-ville pour recueillir le point de vue des Grenoblois et mettre en lumière la diversité des pratiques de mobilité et des avis.

Plus de 70 automobilistes de la Mmétropole sont venus assister à la table ronde du 16 octobre 2025. ©Roole
Plus de 70 automobilistes de la Mmétropole sont venus assister à la table ronde du 16 octobre 2025. ©Roole
Plus de 70 automobilistes de la Mmétropole sont venus assister à la table ronde du 16 octobre 2025. ©Roole

Grenoble, capitale du vélo… mais pas sans frictions

En quelques années, Grenoble s’est imposée comme un modèle national pour sa politique cyclable et son réseau Chronovélo, ces « autoroutes à vélo » qui sillonnent la métropole. Avec plus de 500 km d’itinéraires cyclables, la métropole grenobloise est la 2e ville cyclable (après Strasbourg) pour les actifs, avec plus de 15 % de trajets domicile-travail effectués à vélo1↓. Mais cette transformation ne se fait pas sans heurts. Dans les rues de Grenoble, certains habitants nous ont fait part de leur agacement : « Depuis qu’ils ont mis les voies de vélo, je trouve ça bien, mais les voitures n’ont plus de place », déplore un habitant de la métropole. « Les cyclistes grillent les feux, roulent sur les trottoirs et injurient ceux qui osent leur dire quelque chose », ajoute-t-il.

Dans une ville où le tramway, la marche et le vélo gagnent du terrain, la cohabitation est délicate. « Le centre-ville, c’est l’enfer pour circuler en voiture. Il ne faut surtout pas s’y aventurer aux heures de pointe », lâche un autre habitant. Les automobilistes présents à la table ronde confirment ce sentiment : la voiture, selon eux, est peu à peu chassée de la métropole au profit d’autres modes de transport.

Bon à savoir

Avec 5 lignes de tram et plus de 100 lignes de bus, l’ensemble des communes du Grésivaudan et du Pays Voironnais sont desservies par les transports en commun.

Moins de voitures : plus d’espace et moins de pollution

« Diminuer le nombre de voitures, ce n’est pas juste un caprice d’écologiste, c’est une nécessité », a cependant rappelé Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère et président du groupe écologiste au Sénat. Au-delà de ses conséquences sur la santé respiratoire, la voiture prend de la place : « 27 % de l’espace est occupé par les transports, dont 50 à 60 % par les voitures (routes et stationnement) », souligne le sénateur. Sans oublier les problèmes d'accessibilité.« La voiture coûte très cher. Et elle n’est pas accessible à tout le monde : dans les territoires ruraux 15 millions de personnes sont assignées à résidence car elles n’ont pas de transports en commun, ni les moyens d’avoir une voiture ou de passer leur permis », martèle-t-il.

Pourquoi arrive-t-on à mettre 500 personnes dans un train, 50 personnes dans un bus, mais pas 5 personnes dans une voiture ?

Benjamin Arnaud,
animateur de communauté,
Ecov.

De gauche à droite : Benjamin Arnaud, Bruno Besançon et Guillaume Gontard. ©Roole
De gauche à droite : Benjamin Arnaud, Bruno Besançon et Guillaume Gontard. ©Roole
De gauche à droite : Benjamin Arnaud, Bruno Besançon et Guillaume Gontard. ©Roole

Avec le covoiturage, la voiture devient un transport collectif

Pour répondre à ces enjeux et diminuer le nombre de voitures en circulation, le syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG) porte depuis 2019 un projet de développement du covoiturage, avec notamment le réseau M’Covoit Lignes + : un réseau de lignes de covoiturage opéré par la société Ecov. « Pourquoi arrive-t-on à mettre 500 personnes dans un train, 50 personnes dans un bus, mais pas 5 personnes dans une voiture ? », interroge Benjamin Arnaud, animateur de communauté de covoiturage chez Ecov. Alors qu’une voiture transporte en moyenne 1,6 personne, les lignes de covoiturage ont pour objectif de la transformer en un transport collectif : sans réservation préalable, elle permet à ses usagers d'attendre un conducteur à un arrêt, comme ils attendraient le bus. « En heure de pointe sur les grands axes, je vous garantis que vous partez en moins de 5 minutes ! », rassure Benjamin Arnaud.

Aujourd’hui, le réseau de l’aire grenobloise est le premier de France, avec 38 arrêts et 19 lignes de covoiturage dans les territoires périurbains du Voironnais, du Grésivaudan et du Vercors. Mais malgré les 26 000 trajets passagers enregistrés en 2024, le service reste encore méconnu des habitants. Lors de notre micro-trottoir, tous les répondants connaissaient le covoiturage longue distance, mais une seule d’entre eux avait identifié le service M’Covoit Lignes +, sans savoir exactement comment cela fonctionnait.

Bon à savoir

Le service M’Covoit Lignes + fonctionne de 6 h à 21 h.

Plus largement, le covoiturage est identifié comme « une bonne idée », mais ne séduit pas tout le monde. « Tout dépend avec qui vous montez. J'ai plus de 70 ans, et je ne suis pas très rassurée pour faire du covoiturage, mais c'est peut-être idiot parce que beaucoup de gens le font », confie une retraitée.

Changer progressivement les habitudes

Pour accompagner les citoyens dans la transition de leurs modes de déplacement, l’association Ageden propose des ateliers de sensibilisation et porte des projets de mobilité solidaire. « On requestionne, et on accompagne les personnes selon leur parcours de vie, leur situation et leurs besoins », explique Bruno Besançon, responsable des relations institutionnelles de l’Ageden. « Pour des trajets en dessous de 4 ou 5 km, on peut facilement réorienter vers le vélo, mais selon les horaires, les distances… Ce n’est pas toujours possible de se passer de la voiture », poursuit-il. Et pour bousculer cette dépendance à la voiture, l’Ageden propose une fois par an un « Challenge Mobilité » : lors de cette journée annuelle, les participants sont invités à se rendre au travail autrement que seuls en voiture. La moitié d’entre eux, selon l’association, modifient durablement leurs habitudes par la suite.

Des modes de transport complémentaires

« La priorité, c’est de travailler sur l’intermodalité pour mieux connecter les différents moyens de transport », souligne Bruno Besançon. Un objectif partagé par les trois acteurs locaux présents à la table ronde, qui doivent encore convaincre les habitants du territoire. Et Benjamin Arnaud le confirme : l’objectif des lignes de covoiturage n’est pas de remplacer les transports en commun mais d’agir en complémentarité. « Et au-delà des moyens de transport et des infrastructures, il faut également penser à la “démobilité” et réfléchir à un aménagement du territoire grâce auquel on aurait moins besoin de se déplacer, avec des services et commerces de proximité », conclut Guillaume Gontard. Moins de voitures, moins de déplacements, plus d’intermodalité : c’est le cap affiché par la métropole grenobloise, qui cherche à réconcilier écologie, accessibilité et enjeux sociétaux.

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