INTERVIEW - « Ville 30 » : ce que change vraiment la généralisation du 30 km/h

De plus en plus de villes françaises généralisent la limitation de vitesse à 30 km/h. Ce concept, appelé , s’impose aujourd'hui comme un nouveau modèle d'aménagement de la route au service de la sécurité routière. Mais que recouvre exactement cette notion et comment la « Ville 30 » se met-elle en place concrètement sur le territoire ? Éléments de réponse avec une experte.

Marine Madelmond
Publié le 04/12/2025

Temps de lecture : 7 min

La ville de Paris est passée à 30 km/h.
Depuis 2021, la circulation des véhicules motorisés à Paris est limitée à 30 km/h. ©Roole

La généralisation du 30 km/h à toute la ville est de plus en plus courante : des centaines de collectivités s’engagent dans cette voie, souvent dans le cadre de politiques plus larges d’apaisement de l’espace public. Mais que recouvre exactement la notion de « Ville 30 » ? Nous avons posé la question à Éline Allier, Directrice de projets aménagement de la voirie urbaine au Cerema1↓.

Quelles différences entre « Ville 30 » et Zone 30 ?

Éline Allier : « La « Ville 30 », c’est une zone 30 généralisée à l’échelle de la commune, avec des dérogations sur certains axes structurants qui restent à 50 km/h, voire davantage selon les cas. Cette baisse de vitesse s’articule aussi avec d’autres dispositifs, comme les aires piétonnes et les zones de rencontre limitées à 20 km/h. À la différence de la « Ville 30 », qui est un concept, la Zone 30 est quant à elle clairement définie dans le Code de la route, par l'article R110-2. On considère qu’une commune est « Ville 30 » lorsque la vitesse à 50 km/h ou plus ne concerne pas plus de 30 % du linéaire de voiries urbaines : le 30 km/h devient alors la norme sur l'essentiel du réseau. »

Bon à savoir

Depuis la loi NOTRe du 7 août 2015, les autorités locales ont une assise légale claire pour fixer une vitesse maximale différente de 50 km/h sur tout ou une partie de la voirie communale.

Combien de « Villes 30 » existe-t-il aujourd’hui en France ?

Eline Allier : « Il n’y a pas de chiffre national consolidé, puisque cette politique publique se décide au niveau local, commune par commune. Le Cerema a toutefois lancé son propre recensement, mais les données restent encore partielles : d’abord parce que ce recensement est toujours en cours, et aussi parce que de nouvelles communes basculent régulièrement en « Ville 30 ». Les chiffres disponibles sont donc sous-estimés. En revanche, on sait qu’il y a plus de 400 communes qui ont généralisé le 30 km/h, dont 35 villes préfectures de départements, comme Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Grenoble… Si on rapporte ce chiffre à la population, plus de 10 % des Français vivent dans une « Ville 30 », selon nos estimations.

Le risque de décès d’un piéton est divisé par six quand on passe de 50 à 30 km/h.

Éline Allier

Quel est le premier objectif d'une « Ville 30 » ?

Eline Allier : « En France, l’enjeu principal est d’abord la sécurité routière. Réduire la vitesse diminue les distances de freinage et améliore les conditions de perception : plus on roule vite, plus le champ de vision du conducteur se rétrécit. À 30 km/h, si un automobiliste voit un piéton s’engager à 13 mètres devant lui sur chaussée sèche, il peut s’arrêter. Dans la même situation à 50 km/h, il n’a pas le temps de freiner et le piéton est percuté à pleine vitesse.

Bon à savoir

Selon les chiffres du Cerema, à Grenoble, après la mise en place de la « Métropole apaisée », l’accidentalité a reculé sur trois ans, en nombre et en gravité, notamment pour les piétons. La baisse ne s’explique pas uniquement par le 30 km/h généralisé, mais celui-ci y contribue : le nombre d’accidents impliquant un piéton a baissé de 24 % depuis l’application de la mesure (de 63 cas par an entre 2011 et 2015, à 48 cas entre 2016 et 2017).

Abaisser la vitesse permet-il vraiment de limiter la gravité des accidents ?

Eline Allier : « La violence d’un choc dépend directement de la vitesse. Le risque de décès d’un piéton est divisé par six quand on passe de 50 à 30 km/h.

Les Bordelais ont donné leur avis sur la « Ville 30 » !

Au-delà de la sécurité routière, qu’est-ce que la « Ville 30 » apporte à la vie urbaine ?

Eline Allier : « La « Ville 30 » permet une meilleure cohabitation entre usagers. L’idée est de rééquilibrer l’espace public en faveur des piétons et des cyclistes, pour une ville plus agréable à vivre.

Quels effets concrets observez-vous pour les usagers ?

Eline Allier : « Quand une rue passe à 30 km/h, les piétons ressentent souvent une amélioration de la traversée : les échanges entre les deux côtés de la rue deviennent plus faciles et plus fréquents. Sur le bruit aussi, on peut observer une diminution de l’ordre de 1,5 à 4,8 décibels selon les contextes : type de rue, revêtement, circulation… La ville de Lausanne en Suisse, par exemple, a instauré le 30 km/h la nuit dans cet objectif.

Quelles sont les étapes pour mettre en place une « Ville 30 » ?

Eline Allier : « Une « Ville 30 » doit être encadrée par un arrêté de voirie puis mise en place par une signalisation adaptée. Mais surtout, la « Ville 30 » doit s’inscrire dans une démarche globale d’apaisement de l’espace public. La première étape consiste donc à hiérarchiser le réseau, avec des axes structurants et de transit qui peuvent rester à 50 km/h. En parallèle, il faut travailler sur un plan de circulation pour que le trafic de transit reste sur ces axes.

À l'occasion du Salon des Maires 2025, des élus ont donné leur avis sur la généralisation du 30 km/h :

  1.  : Le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) est un établissement public placé sous la tutelle conjointe du ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche et du ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation.
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