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Recyclage automobile : que deviennent nos vieilles voitures ?

Par Lionel Robert

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Vous avez peut-être déjà conduit un véhicule en fin de vie jusque dans une casse automobile ou abandonné votre ancienne voiture chez un concessionnaire pour repartir avec une neuve. Et sans doute vous êtes-vous posé la question de savoir ce qu’elle allait devenir. A-t-elle été broyée, réduite à l’état de cube de ferraille ? En a-t-on prélevé certains organes pour leur donner une seconde vie ? Pour le savoir, nous sommes allés consulter un expert de la « déconstruction » et du recyclage automobile depuis trois générations, la société GPA, basée dans la Drôme.

Le centre de recyclage agréé : dernière demeure des VHU

Située le long de la Nationale 7, à une trentaine de kilomètres de Montélimar, l’entreprise familiale s’apparente, à première vue, à un parking géant surplombé d’ombrières fournissant du courant à l’agglomération de Livron, toute proche. Mais à y regarder de plus près, la plupart de ces voitures, proprement garées en rang d’oignons, sont dans un sale état. On appelle ça : des Véhicules Hors d’Usage. « Un VHU, c'est un véhicule destiné à être démonté pour en prélever des pièces détachées, qui seront remises sur le marché, et différentes matières, ferreuses, plastiques ou autres, qui vont être recyclées pour fabriquer de nouveaux objets », explique Johan Renaud, dirigeant de GPA.

Si les voitures mises au rebut contre une prime à la conversion deviennent des VHU et connaissent le même sort, l’essentiel des automobiles prises en charge chez GPA sont issues des compagnies d’assurance qui, à la suite d’un dommage, considèrent le véhicule non réparable et le cèdent à une société de recyclage. Charge à cette dernière d’entreprendre sa remise en état, si elle la juge réalisable, en vue d’une revente future, ou bien sa déconstruction si la voiture est trop endommagée.

Objectif : doper l’utilisation de la pièce de réemploi

Chaque année, 1,2 à 1,5 millions d’automobiles sont traitées dans des centres de recyclage agréés tels que GPA. « Notre rôle est de tracer toutes les pièces prélevées en leur appliquant un code barre et de nous assurer que chaque matière récupérée soit acheminée vers la bonne filière », ajoute Johan Renaud.

Cependant, à peine 50 % de ces sites de stockage ont prélevé des pièces détachées à réutiliser en 2022, la plupart se contentant de trier la matière… sans chercher à promouvoir la pièce de réemploi. Aujourd’hui, moins de 4 % des pièces détachées installées sur nos véhicules réparés sont des pièces d’occasion. Le potentiel de ce marché est donc énorme.

"Une pièce détachée a toujours un meilleur impact environnemental si elle est réutilisée telle quelle."

Johan Renaud,
dirigeant de GPA

Le choix écologique par excellence

« La profession va devoir évoluer », assure le dirigeant de GPA. « À l’avenir, les entreprises agréées devront d’abord démonter les véhicules pour leurs pièces détachées avant de penser à en récupérer simplement la matière. Une pièce détachée a toujours un meilleur impact environnemental si elle est réutilisée telle quelle. C’est plus écologique et plus économique. C’est aussi plus social. La démonter, la stocker, l'expédier et la vendre permet de faire travailler tout un écosystème, en territoire rural le plus souvent ». Et cela permet également à tout un chacun d'entretenir sa voiture et de la réparer à moindres frais.

GPA traite jusqu’à 25 000 véhicules par an, des voitures essentiellement, mais aussi des utilitaires légers, des deux roues, quelques quads, des voitures sans permis et même quelques caravanes. Tous ne sont pas recyclés, certains sont réparés sous le contrôle d’un expert avant d’être revendus ; la réparation demeurant le choix le plus rationnel qui soit. Dans leur grande majorité, cependant, ces engins sont démontés, le recycleur prélevant les pièces qu’il sait pouvoir revendre en fonction des besoins de ses clients, professionnels - carrossiers et mécaniciens - et particuliers. En moyenne, une vingtaine de pièces sont récupérées par véhicule. Dans le cas de GPA, cela représente environ 1 200 pièces récupérées par jour et à peu près autant réexpédiées dans toute la France. Des pièces de qualité vendues à prix réduit, qui bénéficient à un public plus ou moins fragiles, pour qui la voiture est essentielle.

Des producteurs plus impliqués depuis le 1er janvier

Activité encore méconnue et peu valorisée, le recyclage automobile est donc promis à bel avenir, surtout depuis la mise en place, en début d’année 2022, de la REP, la Responsabilité Élargie des Producteurs. Concrètement, les constructeurs, qu’ils soient français ou étrangers, sont désormais responsables du recyclage des produits qu'ils mettent sur le marché ou qu’ils importent sur notre sol. En déléguant cette obligation à de grandes entreprises privées, l’État espère éradiquer le recyclage sauvage et encourager l’usage de la pièce de réemploi. Chaque marque va devoir s’impliquer en signant des accords avec des acteurs du recyclage, mais également en concevant des voitures à la recyclabilité optimisée, un sujet crucial dans le cas des batteries des véhicules électriques, notamment.

Selon une directive européenne, les entreprises agréées sont tenues de réemployer ou de recycler 85 % de la masse totale de chaque véhicule et jusqu’à 95 % du véhicule si l’on compte la valorisation énergétique. Le reste est enfouissable. « Ce sont des déchets inertes qui vont être mis en décharge », explique notre expert.

Une économie circulaire aux belles perspectives financières

Chez GPA, on est fier d’annoncer un taux de recyclage et revalorisation de 99,7 %, une prouesse possible grâce à la qualité du démontage du centre et à l’efficacité de son partenaire broyeur pour le tri des matières. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » disait Lavoisier. La citation vaut pour le recyclage automobile. Chez GPA, par exemple, le carburant récupéré permet de chauffer le bâtiment et d’alimenter les chariots élévateurs. Cela représente une économie annuelle de 150 000 € sur la facture énergétique de la société. Le gaz des climatiseurs est purifié et remis en bonbonne pour être réutilisé. L'huile de vidange est régénérée par un pétrolier qui en fait de l'huile à nouveau prête à l’emploi.

Côté matières premières, les métaux ferreux prélevés servent à refabriquer des pièces détachées ou des ronds à béton pour la construction de bâtiments. Les pneus sont broyés et transformés en combustible pour les cimenteries. Les pare-chocs en polypropylène sont transformés en sièges auto. Quant aux matières précieuses contenues dans les batteries (aluminium, nickel, cobalt, manganèse, etc.), les connecteurs (or, argent…) ou les catalyseurs (rhodium, platine…), elles sont, bien sûr, minutieusement mises de côté car leur prix au gramme a tendance à exploser en temps de crise. Autant dire qu’en plus d’être vertueux, social et économique, le recyclage a tout pour devenir une activité rentable. Sa plus belle perspective de développement se situe sans doute là.