Biocarburants : sont-ils vraiment plus écologiques ? Une étude relance le débat

Souvent présentés comme une alternative plus propre aux carburants fossiles, les biocarburants font pourtant l’objet de nombreuses critiques. Une nouvelle étude publiée par l’ONG Transport & Environnement remet en question leur véritable impact environnemental.

Eva Gomez journaliste pour le média Roole
Eva Gomez
Publié le 11/12/2025

Temps de lecture : 6 min

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Le superéthanol-E85 est composé à 85 % de biocarburant. ©Roole

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Une étude de l’ONG Transport & Environnement (T&E) publiée en octobre1↓ dernier vient remettre en question le rôle des biocarburants dans la transition énergétique. Longtemps présentés comme une alternative « verte » aux carburants fossiles, les biocarburants émettraient finalement plus de CO2 que les carburants traditionnels qu’ils sont censés remplacer. Cette étude relance le débat sur leur utilité réelle dans la transition énergétique et pose des questions cruciales pour l’avenir de la voiture « propre ».

Bioéthanol, biodiesel… Comment sont-ils produits en France ?

Rappelons que les biocarburants sont des carburants produits à partir de matière organique – végétale, animale ou issue de déchets – et destinés à être utilisés dans les transports, en complément ou en substitution des carburants fossiles. En France, nous avons principalement recours au bioéthanol et au biodiesel.

Le bioéthanol, destiné aux moteurs essence, est produit à partir de la fermentation de sucres contenus dans des plantes comme la betterave ou le maïs. Il est intégré dans les carburants sous différentes formes : le SP95‑E10, contenant jusqu’à 10 % d’éthanol, ou encore le superéthanol-E85, qui peut en contenir jusqu’à 85 %. Le biodiesel, quant à lui, est incorporé au gazole. Il est issu principalement d’huiles végétales comme le colza ou le tournesol, mais aussi de graisses animales ou d’huiles de cuisson usagées.

Bon à savoir

La production française de biocarburants repose majoritairement sur des cultures alimentaires. Ces biocarburants dits de « première génération » sont distincts de ceux de « deuxième génération », élaborés à partir de déchets ou de résidus, dont la production reste marginale mais prometteuse.

Des émissions de CO2 supérieures à celles des carburants fossiles

L’étude publiée en octobre 2025 par Transport & Environnement dresse un constat inquiétant. En prenant en compte l'ensemble de leur cycle de vie, les biocarburants produits au niveau mondial émettraient en moyenne 16 % de CO2 de plus que les carburants fossiles. Cette surémission s’expliquerait principalement par les changements d’affectation des sols, l’intensification agricole et les intrants nécessaires à leur production.

Bon à savoir

Les biocarburants de deuxième génération, issus de déchets ou de résidus, sont encore peu développés mais pourraient limiter l’impact (emprise terrestre) sur l’agriculture et l’alimentation.

Autre chiffre marquant : 32 millions d’hectares de terres sont aujourd’hui mobilisés dans le monde pour produire des biocarburants, soit l’équivalent de la superficie de l’Italie, pour couvrir à peine 4 % des besoins énergétiques du secteur des transports. « D'ici 2030, cette superficie devrait augmenter de 60 % pour atteindre 52 millions d'hectares, soit la superficie de la France », alerte Transport & Environnement. Toujours en 2030, l’ONG estime que les biocarburants devraient émettre 70 millions de tonnes de CO2 de plus que les combustibles fossiles qu’ils remplacent. « C’est l’équivalent des émissions annuelles de près de 30 millions de voitures diesel », estime l’ONG.

Une vision qui s’oppose à la stratégie française du superéthanol

À rebours de ces conclusions, la stratégie française autour du superéthanol‑E85 s’est construite sur une promesse : celle de concilier réduction des émissions de CO2, soutien aux agriculteurs et baisse du coût du carburant pour les automobilistes. Le bioéthanol français, majoritairement produit à partir de betteraves et de céréales cultivées localement, bénéficie d’un circuit court et d’un encadrement strict. Dans ce cadre, l’E85 a trouvé sa place comme carburant alternatif crédible. Non seulement il est, de loin, le moins cher à la pompe, mais il est aussi perçu comme un levier de transition pour les véhicules thermiques en circulation. Son usage permet, selon la filière, de réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 50 % par rapport à l’essence traditionnelle, tout en limitant les importations d’énergies fossiles.

Bon à savoir

Au 10 décembre 2025 en France, l’E85 est affiché en moyenne à 0,737 € le litre, contre 1,749 € pour le SP95 (E5), 1,697 € pour le SP95 (E10), 1,795 € pour le SP98 (E5) et 1,649 € pour le gazole.

Mais l'étude de T&E nuance les bénéfices de l'E85. L’ONG souligne que, même avec une production locale, son impact global reste discutable lorsque l’on tient compte de la pression sur les terres agricoles, de l’usage d’intrants chimiques et du coût environnemental des cultures intensives. Le modèle français, s’il paraît vertueux à l’échelle nationale, ne serait pas reproductible à grande échelle. Il risquerait de compromettre la sécurité alimentaire ou d’aggraver la déforestation dans d’autres régions du monde.

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