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Le SUV : plus bancal que bankable ?

Par Marine Madelmond

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Une voiture neuve sur deux vendue dans le monde est… un SUV ! Largement mis en avant par les constructeurs ces dernières années, cette catégorie de véhicules s’impose comme LA voiture à la mode. Et pourtant, elle ne s’adresse pas à tous les profils de conducteurs et présente des points faibles. Alors, pourquoi un tel succès et quelles sont ses limites ? On fait le point avec un conseiller commercial automobile et un sociologue.

Ils roulent en masse sur les routes. Les « Véhicules Utilitaires Sport » - dits SUV - sont devenus en quelques années les voitures vedettes du parc automobile en France comme à l’étranger. En 2013, ils représentaient 19 % du marché en Europe. Sept ans plus tard, ces voitures ont atteint des sommets : 38 % du marché en Europe et 45 % dans le monde.

Évolution de la part de marché du SUV dans les ventes de véhicules particuliers neufs :

Évolution de la part de marché du SUV dans les ventes de véhicules particuliers neufs ©C-Ways
Évolution de la part de marché du SUV dans les ventes de véhicules particuliers neufs ©C-Ways

SUV : pourquoi un tel succès ?

Pour comprendre l’engouement des automobilistes pour les SUV, penchons-nous sur ses avantages. En premier lieu : l’habitabilité. Les SUV sont surélevés par rapport à des véhicules plus classiques tels que les citadines et les berlines, et offrent une meilleure visibilité grâce à une assise rehaussée. Ils proposent également un volume important de chargement et une modularité des sièges.

Des atouts indéniables pour les adeptes de « grosses voitures », qui trouvent dans le SUV un bon compromis entre l’esthétique et le confort. « Le design et la position de conduite sont les premiers critères des acheteurs, explique Julien Bernard, conseiller commercial chez Ford. Selon eux, le SUV est une voiture plus attrayante, voire plus ‘sexy’ que les autres. Elle est aussi plus statutaire. » Un constat partagé par Yoann Demoli, maître de conférences en sociologie : « Le SUV s’inscrit dans une logique de distinction, affirme-t-il. Tout comme quelqu’un qui va porter un chapeau sans en avoir besoin, un conducteur de SUV n'a pas forcément la nécessité d’en avoir un. On peut tout à fait posséder des choses coûteuses sans qu’elles nous servent totalement. Conduire un SUV est une forme de position dans l’espace social, ça veut dire quelque chose. » Quitte à acheter une voiture dont l’usage n’est pas forcément adapté aux besoins du conducteur : « C’est le paradoxe du SUV ; en réalité, il est très peu utilisé pour ces capacités tout-terrain », souligne le sociologue.

L’étiquette d’un véhicule résistant et protecteur semble aussi coller à la carrosserie des SUV : « Les clients mettent en avant le sentiment de sécurité proposé par ce type de véhicules. Le SUV s’adresse aux personnes qui recherchent une sensation de dominance sur la route », ajoute Julien Bernard. Yoann Demoli va même plus loin et rappelle qu’aux États-Unis dans les 90, avant même de connaitre son succès en France, le SUV se présentait déjà comme une « forteresse, un rempart contre le danger et les agressions extérieures ». Lorsque le pays renforçait sa lutte contre la délinquance, cette catégorie de voitures surélevées faisait figure d'alliée de taille sur les routes.

SUV : une voiture « à la mode »

Notons qu’aujourd’hui, si les SUV sont aussi nombreux sur les routes, c’est aussi parce que tous les constructeurs, ou presque, proposent ce type de voitures. À grand renfort de publicités télévisées, magazines, panneaux publicitaires… Ils sont partout ! Le SUV jouit d’une réputation de compagnon de route audacieux et tendance : « Aujourd’hui, le SUV représente la voiture d’un jeune cadre dynamique qui part faire du VTT et qui dîne dans des restaurants huppés », souligne Julien Bernard.

Au fil des années, le SUV a remplacé le monospace, désormais considéré comme démodé, voire ringard : « Un monospace évoque plutôt le bon pépère au volant de sa voiture familiale », ajoute le conseiller commercial. En 2020, les monospaces ne représentaient d’ailleurs qu’environ 5 %* des ventes de voitures neuves en France. Par leur taille imposante et leur capacité d’accueil, les SUV répondent aux attentes des familles : « Le SUV est ce qu’il y a de plus complet en termes de volume, encombrement, assise, confort et sécurité », assure le conseiller commercial.

Conducteur de SUV : le portrait-robot

D’après les études réalisées par Yoann Demoli à partir de 2008, les propriétaires des SUV sont généralement péri-urbains, habitent majoritairement des pavillons – signe d’un désir de grands espaces – et sont le plus souvent cadres du privé, indépendants ou professions libérales. Et les femmes sont largement représentées parmi ces conducteurs. Selon le sociologue, elles représentent environ 30 à 40 % des détenteurs de SUV. Cela s'explique en partie par l’habitabilité de cette catégorie de véhicules, idéale pour les trajets liés au travail domestique, encore majoritairement féminins.

Autre élément intéressant : selon l’étude menée par Julien Gros à partir de l’enquête « Styles de vie et environnement », il y aurait une corrélation entre la préoccupation environnementale et le fait de posséder un SUV.

Degré de préoccupation vis-à-vis du changement climatique des propriétaires d'un SUV ©Julien Gros & Yoann Demoli
Degré de préoccupation vis-à-vis du changement climatique des propriétaires d'un SUV ©Julien Gros & Yoann Demoli

Le SUV est-il vraiment le mauvais élève ?

Plus lourd et doté d’une silhouette moins aérodynamique, le SUV est logiquement plus gourmand en carburant qu’une berline ou une citadine. Pour faire face à cette problématique, les constructeurs se penchent sur la question et produisent de plus en plus de SUV « urbains », avec des moteurs plus petits. Certains modèles sont aussi équipés de motorisations hybrides, voire même 100 % électriques. « En termes de consommation, un SUV récent consomme évidemment beaucoup moins qu’un monospace vieux de 10 ou 15 ans », nuance Julien Bernard.

Bon à savoir

Les SUV, plus lourds que les autres catégories de véhicules, sont dans le viseur du gouvernement. Depuis février 2021, les véhicules neufs de plus de 1 800 kg sont concernés par un nouveau malus au poids.

A l’heure où la réduction de l’empreinte carbone est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics, des constructeurs et des particuliers, quel horizon se dessine pour le SUV ? Yoann Demoli ne lui prédit pas un avenir radieux : « Les SUV neufs seront les mauvaises occasions de demain. Ils seront lourds et coûteux à entretenir, déclare le sociologue. Dans 10 ou 15 ans, lorsqu’ils auront changé de propriétaire, ces véhicules arriveront aux mains de ménages qui devront faire avec des logiques environnementales de plus en plus contraignantes. »

*Essor des ventes de voitures neuves à motorisations alternatives en 2020 -https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/essor-des-ventes-de-voitures-neuves-motorisations-alternatives-en-2020