La voiture sera toujours indispensable dans la mobilité des Français : vrai ou faux ?

De nombreux Français sont dépendants de la voiture pour leur mobilité au quotidien. Mais cela sera-t-il durablement le cas, dans un contexte où moyens de transport alternatifs et nouveaux usages de la voiture émergent dans la société ? Nous avons posé la question à Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports.

Eva Gomez journaliste pour le média Roole
Eva Gomez
Vous l'aimez comment votre voiture ? ©Roole

D’après l’Observatoire Roole mené par l’Ifop et publié en février 2024, 79% des Français sont dépendants de leur voiture pour faire les courses, récupérer les enfants à l’école ou encore se rendre à des rendez-vous médicaux. 75% l’utilisent systématiquement pour se rendre au travail et 80% pour leurs loisirs et rendre visite à leurs proches. Et c’est d’autant plus vrai dans les zones rurales, dans lesquelles 90% des habitants affirment être dépendants de leur voiture (contre 66% dans l’agglomération parisienne). En septembre 2023, une étude menée par Ipsos pour Transdev soulignait aussi que 97% des 65 ans vivant en territoire rural utilisent la voiture pour au moins un déplacement du quotidien, de même que 67% des moins de 35 ans vivant en ville. Aujourd’hui donc, la voiture est réellement centrale dans la mobilité des Français : « Il y a une très forte dépendance à la voiture pour beaucoup de ménages, notamment dans les territoires les moins denses. Ce qui fait que la voiture ne pourra pas être remplacée dans l’ensemble des usages actuels », reconnaît Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports.

Bon à savoir

D’après le rapport 2018 de la Commission des Comptes des Transports de la Nation (CCTN), la voiture représentait cette même année 757 milliards de kilomètres sur un total de 939 milliards de kilomètres parcourus en transports intérieurs en France.

La voiture s’est imposée depuis la Seconde Guerre mondiale

La voiture est devenue particulièrement centrale dans la mobilité des Français après la Seconde Guerre mondiale. « On passe d’environ une voiture pour vingt-cinq habitants en 1950 à une voiture pour deux habitants en 2000 », rappelle Aurélien Bigo dans son livre « Voitures : Fake or not ? ». « Une telle croissance de l’usage est rendue possible par la hausse du niveau de vie, l’aménagement d’infrastructures routières et du territoire pour la voiture, ainsi que l’accès croissant à une énergie abondante », détaille le chercheur. Et au-delà des conjonctures propices à son développement, la voiture a peu à peu gagné le cœur des Français « car [elle] permet un trajet direct de porte à porte, sans temps d’attente ni de correspondance. […] Et s’il s’agit d’un des postes significatifs de dépense (…), sa part reste globalement raisonnable eu égard aux services rendus », souligne le rapport de prospective des transports et de la mobilité 2040-2060 de France Stratégie, publié en février 2022. « Les modes doux et actifs ne sont significatifs que sur des distances très faibles et les modes collectifs ne sont majoritaires que dans les zones ou axes très denses », précise France Stratégie.

Bon à savoir

Dans son livre « Voitures : Fake or not ? », Aurélien Bigo précise que « posséder une voiture revient à environ 4 000 euros par an en moyenne entre le coût du carburant, celui de l’achat du véhicule et son amortissement, mais aussi le coût d’entretien et de réparation, l’assurance, les péages et le stationnement ».

Le nécessaire essor des alternatives à la voiture individuelle

Pourtant, selon Aurélien Bigo, il faut – si l’on veut atteindre les objectifs de neutralité carbone à horizon 2050 – « essayer de remplacer la voiture par d’autres solutions plus sobres et plus pertinentes quand c’est possible : la marche ou le vélo quand les distances le permettent, ou bien les transports en commun quand les flux de déplacements sont suffisants ». Le chercheur évoque également d’autres usages de la voiture, moins individuels, tels que le covoiturage et l’autopartage. « Si, par exemple, on n’a pas de voiture au quotidien mais que de temps en temps, pour un trajet plus long, on a besoin d’une voiture, la louer ponctuellement peut participer à la transition et permettre d’autres pratiques de mobilité au quotidien », estime-t-il.

Toutes les prospectives montrent que la voiture gardera malgré tout une place importante dans les mobilités.

Aurélien Bigo,
chercheur sur la transition énergétique des transports.

La voiture : en retrait mais toujours là

Même avec le développement des alternatives partout en France, l’usage de la voiture devrait rester important à l’avenir. « Toutes les prospectives montrent que la voiture gardera malgré tout une place importante dans les mobilités », confirme le chercheur. « Aujourd’hui, les deux tiers de nos mobilités quotidiennes sont assurés par la voiture*, et dans les scénarios qui font le plus de place à la sobriété avec davantage d’usage du vélo, des transports en commun […], on pourrait aller vers une sorte d’inversion, avec la voiture qui représenterait un tiers des trajets », détaille-t-il.

Dans son scénario « Génération frugale », l’Ademe imagine une réduction de 55% du nombre de trajets en voiture d’ici à 2050 et même une réduction de 26% des déplacements au global**. Dans cette hypothèse, « la voiture n’est plus majoritaire mais malgré tout, elle reste un mode de transport très fortement utilisé », conclut Aurélien Bigo. D'où l'importance, pour se donner les moyens d'atteindre les objectifs de neutralité carbone, d'électrifier progressivement le parc automobile de façon à limiter son impact.

*Donnée retrouvée dans une étude de l’Insee en 2021