Fausses cartes de stationnement pour personnes handicapées : le ras-le-bol des usagers
En France, les fraudes aux cartes de stationnement pour personnes handicapées se multiplient, privant les bénéficiaires légitimes de leur droit essentiel à un stationnement facilité. Cet état des lieux soulève des questions sur l’efficacité des contrôles. Les principaux concernés tirent la sonnette d'alarme.
Pour se garer en toute légalité sur une place de stationnement handicapé, il faut être titulaire d'une Carte Européenne de Stationnement (CES) ou d'une Carte Mobilité Inclusion Stationnement (CMI-S). Mais les personnes en situation de handicap en témoignent régulièrement : les places de stationnement qui leur sont réservées sont souvent occupées par des fraudeurs usant de cartes volées, falsifiées, caduques suite à un décès ou même empruntées à un proche. En conséquence, de nombreux bénéficiaires peinent à trouver une place adaptée.
Des abus toujours plus nombreux
Depuis quelques années, des pratiques frauduleuses se multiplient, favorisant l’exclusion des usagers qui en ont le plus besoin. Ces fraudes se traduisent souvent par l'utilisation de cartes falsifiées, détournées ou encore volées. « On a déjà cassé deux fois les vitres de ma voiture pour voler ma carte de stationnement », déplore Ryadh Sallem, champion paralympique qui nous a accordé un entretien. Même son de cloche pour Dorothée, exaspérée par le comportement incivique de certains usagers. « Les fraudeurs devraient vraiment retenir le slogan ‘Si vous prenez ma place, prenez aussi mon handicap’ ! »
En 2018, un reportage de L’Œil du 20 heures sur France 2 révélait que 6,7 % des conducteurs parisiens étaient en situation de handicap. La même année, la société Moovia, chargée du contrôle du stationnement payant, constatait que 13 % des véhicules stationnés à Paris affichaient une carte réservée aux personnes handicapées… soit une proportion multipliée par deux !
Bon à savoir
Les personnes handicapées ou à mobilité réduite munies d'une des deux cartes de stationnement peuvent utiliser gratuitement et sans limitation de durée toutes les places de stationnement ouvertes au public.
Jusqu'à 5 ans de prison pour les fraudeurs
En France, les sanctions pour le stationnement abusif sur une place dédiée aux personnes détentrices d'une CES ou CMI-S existent. Selon l’article R417-11 du Code de la route, les contrevenants s’exposent à une amende de 135 euros. En cas de fraude avérée, les sanctions peuvent inclure des peines supplémentaires comme :
- La confiscation du véhicule.
- Jusqu'à 5 ans de prison pour falsification ou usage de faux.
Les véhicules affichant une CES ou CMI-S doivent obligatoirement transporter la personne à laquelle la carte est attribuée. Toute utilisation de la carte en l'absence de son titulaire est considérée comme un abus. Un contrevenant qui utilise une CES ou CMI-S en l'absence de son titulaire s'expose à une amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros.
Des fraudes persistantes malgré un flash code
En 2017, pour lutter contre les fraudes, la Carte Mobilité Inclusion Stationnement (CMI-S) a adopté un format plus sécurisé, comparable à une carte de crédit, et intégré un flash code (2D-DOC) permettant de vérifier son authenticité. Toutefois, malgré ces avancées, il est encore trop fréquent de voir des usagers utiliser une CMI-S d'un défunt, emprunter celle d'un proche consentant ou imprimer des copies à l'aide d'un logiciel de retouche…
Des contrôles renforcés
Devant l’ampleur des fraudes, les municipalités se mobilisent. De plus en plus d'agents chargés de contrôler le stationnement payant reçoivent une formation continue pour détecter les cartes falsifiées et sanctionner les contrevenants. Récemment, certaines collectivités ont aussi intensifié leurs efforts en lançant des campagnes de contrôle renforcé afin de réprimer ces pratiques. Quant aux véhicules équipés du système LAPI (Lecteur Automatique de Plaques d’Immatriculation) utilisés pour contrôler le stationnement, ils présentent certaines limites puisqu'ils ne sont pas en mesure de vérifier la présence d'une carte dédiée aux personnes en situation de handicap sur le pare-brise…
Dans certaines villes qui ont mis en place un système de « ticket virtuel », les personnes détentrices d'une CES ou CMI-S doivent se déclarer au préalable en ligne sur une plateforme dédiée - Handi’Stat à Paris par exemple - pour bénéficier de la gratuité du stationnement et ne pas recevoir de Forfait Post-Stationnement (FPS). Une procédure loin d'être généralisée sur le territoire car méconnue des usagers. « Après avoir reçu plusieurs amendes malgré l'utilisation des tickets destinés à la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées délivrés par les parcmètres, on m'a parlé d'Handi'Stat, nous raconte Elie. J'ai enregistré sur Internet toutes les informations sur la voiture. Maintenant, je me gare et je n'ai pas besoin de mettre de ticket. Mais cette procédure n'est pas assez connue. Je ne savais même pas que ça existait avant qu'une amie ne m'en parle. »
Pour Ryadh Sallem, « Pour résoudre le problème, il faudrait mettre en place un système qui contrôle les places réservées via la plaque d’immatriculation du véhicule. Comme ça, on n'aurait plus besoin de cette fameuse carte sur le pare-brise. »
2 % de places réservées en ville : ça suffit ?
En vertu de la loi, les détenteurs d'une CES ou CMI-S bénéficient de la gratuité du stationnement. Les municipalités doivent par ailleurs réserver au minimum 2 % des places aux personnes en situation de handicap. L’article L.2213-2 du Code général des collectivités territoriales précise aussi que le maire est le seul habilité à dédier des emplacements de stationnement, sur la voie publique ou dans d'autres lieux accessibles au public, aux véhicules des titulaires de ces cartes. Mais ce n'est pas suffisant. « Lorsque je travaillais dans le XVIe arrondissement de Paris, j'avais fréquemment des rendez-vous dans ce secteur. À plusieurs reprises, il m’a été impossible de trouver une place pour me garer », nous confie Elie, qui déplore un manque de places de stationnement réservées aux personnes en situation de handicap. Et il n'est sans doute pas le seul.
Théo Curin nous parle de son quotidien au volant d'une voiture adaptée et des difficultés qu'il rencontre pour se stationner dans cette vidéo :