À Rennes, les habitants face à une mobilité en pleine transformation

À Rennes, la mobilité est en pleine mutation. Avec la mise en place d’une Zone à Faibles Émissions (ZFE) en 2025, la ville repense les déplacements des habitants, en misant sur des alternatives à la voiture. Mais comment ces changements influencent-ils le quotidien des Rennais ? Nous sommes allés sur place pour leur poser la question.

Marine Madelmond
Les Rennais sont inquiets de l'impact de la ZFE sur leur mobilité. ©Roole

Avec l’instauration d’une Zone à Trafic Limité dans le centre historique de Rennes en février 2023, la généralisation des 30 km/h partout en ville en septembre de la même année, la suppression de places de stationnement et l’annonce de la mise en place d’une Zone à Faibles Émissions (ZFE-m) au 1er janvier 2025, les Rennais sont confrontés à d’importants changements en matière de réglementation automobile. Ces règles de circulation impliquent de nouvelles habitudes pour les automobilistes de Rennes, qui choisissent parfois de laisser leur véhicule au garage. « J’ai le sentiment que ça devient de plus en plus complexe en voiture, nous a confié un habitant dans notre micro-trottoir (à découvrir ci-dessus ou ici). La complexité est accrue par les voies pénétrantes dans Rennes, qui sont saturées. » Même son de cloche pour un autre administré, qui souligne toutefois l’importance du déploiement d’alternatives à la voiture. « Ça devient de plus en plus compliqué en voiture parce que la priorité est de privilégier les transports en commun ou le vélo. »

Le soir même de ce micro-trottoir, jeudi 28 novembre 2024, Roole organisait une table ronde lors de laquelle les 80 automobilistes conviés ont pu poser toutes leurs questions sur la mobilité dans la Métropole à trois intervenants : Alexandre Dupont, chef de service infrastructures, sécurité et transport à la DREAL* Bretagne, Armel Guenneugues, directeur marketing, commercial et innovation chez Keolis Rennes et Matthieu Theurier, vice-président de Rennes Métropole en charge de la mobilité et des transports.

De gauche à droite : Matthieu Theurier, Alexandre Dupont et Armel Guenneugues sont intervenus durant la table ronde organisée par Roole. ©Roole
De gauche à droite : Matthieu Theurier, Alexandre Dupont et Armel Guenneugues sont intervenus durant la table ronde organisée par Roole. ©Roole

L’ombre de la ZFE plane sur la ville

Le périmètre de la ZFE de Rennes. ©Rennes Métropole
Le périmètre de la ZFE de Rennes. ©Rennes Métropole

Dès le 1er janvier 2025, les véhicules non classés seront interdits dans la Zone à Faibles Émissions (ZFE) de Rennes Métropole, visant à réduire les émissions polluantes. Sont concernées par ces restrictions : les voitures immatriculées avant le 31 décembre 1996, les véhicules utilitaires légers immatriculés avant le 30 septembre 1997 et les poids lourds immatriculés avant le 30 septembre 2001. Cette réglementation suscite des inquiétudes : certains habitants craignent un impact économique, notamment pour ceux qui ne peuvent pas se permettre de changer d’auto. « Je suis plutôt mitigé parce que tout le monde n’a pas forcément les moyens de changer de voiture, a déploré un interviewé dans notre micro-trottoir. Et au vu de ce qui a été annoncé par le gouvernement avec les baisses des aides pour pouvoir racheter une voiture… Tout le monde ne va pas pouvoir rouler avec une voiture qui rentre dans les critères. » « Il faut aller regarder de plus près du côté des gens en situation de précarité, que ce ne soit pas un frein à leur mobilité », a affirmé un autre habitant.

Bon à savoir

Pour circuler dans une ZFE, vous devez commander obligatoirement une vignette Crit’Air à apposer sur le pare-brise du véhicule. Il est possible de la commander en ligne sur le site officiel du gouvernement pour un coût de 3,77 euros.

« Avec 8 Français sur 10 qui affirment être dépendants de leur voiture, la voiture ne va pas disparaître demain et ce n’est pas notre objectif, a affirmé Matthieu Theurier, vice-président de Rennes Métropole, pour tenter de rassurer les invités dans la salle. En revanche, on a un enjeu, celui de tenir compte du dérèglement climatique. Sur un territoire comme le nôtre, environ 47 % des émissions de gaz à effet de serre sont liées aux mobilités, et notamment à la voiture individuelle. » Un constat partagé par son voisin de table au service infrastructures, sécurité et transport à la DREAL* Bretagne. « Le but du jeu est de diminuer la pollution atmosphérique locale, a renchéri Alexandre Dupont. Rennes a la particularité de ne pas avoir de grands pics de pollution, c’est pour cela que le calendrier est plus progressif que dans d'autres métropoles. »

Cette Zone à Faibles Émissions sera délimitée par la rocade rennaise mais ne devrait pas toucher certains axes stratégiques, notamment pour permettre l'accès aux parcs relais. « Pour la ZFE rennaise, on a fait en sorte que ce ne soit pas un bouleversement, a ajouté Matthieu Theurier. On a exclu tous les parcs relais et leurs voies d’accès du périmètre. Il faut dire aussi que les véhicules dits non classés représentent moins de 1 500 véhicules sur le territoire. Un certain nombre de dérogations sont prévues pour les acteurs économiques, les travailleurs atypiques, les résidents de la ZFE, ou encore les personnes ayant besoin de se rendre à l’hôpital pour des soins… Pour eux, il y aura un Pass petit rouleur, activable 52 fois par an sur une durée de 24 heures. »

Le meilleur moyen d’avoir une place dans un parc relais, c’est de venir à deux ou plus dans une voiture.

Armel Guenneugues.

« Covoit’STAR » : le transport partagé comme solution

Selon les chiffres de la Métropole, en 2023, sur des trajets domicile-travail, 100 voitures ne transportaient que 104 passagers. Alors pour limiter l’autosolisme et encourager le covoiturage au quotidien, le projet « Covoit'STAR » sera lancé dès le 1er janvier 2025. Ce nouveau service sera accompagné de nouvelles aires de covoiturage déployées sur le territoire. Mais en quoi consiste ce projet ? Intégré au réseau STAR, ce service est déployé via une application dédiée en partenariat avec la plateforme BlablaCar Daily. Les conducteurs inscrits pourront recevoir jusqu’à 3 euros par passager en fonction de la distance parcourue. Les passagers, eux, ne paieront que 50 centimes par trajet, quel que soit le nombre de kilomètres, avec une gratuité proposée jusqu’au 30 juin 2025. À quelques semaines du lancement du projet, « Covoit'STAR » semble déjà faire des curieux : « J’utilisais l’application Karos, nous a expliqué une jeune Rennaise. Au début, c’était gratuit mais maintenant c’est payant. Covoit’Star serait une alternative intéressante. »

Bon à savoir

Pour que votre trajet puisse être pris en charge dans le cadre de « Covoit’STAR », il devra être compris entre 5 km et 60 km.

Toujours dans l'objectif de limiter l’autosolisme, la Métropole a misé sur d’autres initiatives, comme des places réservées aux covoitureurs dans les parcs relais. « Le meilleur moyen d’avoir une place dans un parc relais c’est de venir à deux ou plus dans une voiture, a souligné Armel Guenneugues, directeur marketing, commercial et innovation chez Keolis Rennes. Une caméra à l’entrée du parking va détecter s’il y a bien plusieurs personnes dans la voiture et la borne va sélectionner une place réservée au covoiturage. »

D’autres expérimentations liées au transport partagé sont toujours en cours à Rennes. « Il existe une ligne régulière de covoiturage mise en place depuis 2021 entre plusieurs communes de la Métropole, a-t-il ajouté. Elle fonctionne comme une ligne de bus mais l'usager est pris en charge par une voiture, via une application. Ce sont des axes routiers très fréquentés, sur lesquels on compte environ 30 passagers par jour. » Et pour ceux qui n'optent pas (encore !) pour le covoiturage, il y a d'autres solutions de mobilité comme les transports en commun, dont la ligne B du métro, très attendue par les Rennais…

La ligne B du métro en renfort

Après huit ans de travaux, la ligne B du métro a finalement vu le jour en septembre 2022 et offre la possibilité aux Rennais de relier Cesson Via Silvia à Saint-Jacques Gaîté. « On traverse le cœur de la Métropole en moins de 20 minutes, a souligné le vice-président. Cela permet de relier des grands pôles économiques entre eux. »

Depuis l’inauguration de cette ligne B (et malgré six mois d’interruption), ce mode de transport semble faire de plus en plus d’adeptes. « Le métro est un mode qui permet de conquérir des actifs, a ajouté Armel Guenneugues. Les gens sont plus facilement prêts à laisser leur voiture pour le métro. Les abonnés au réseau STAR sont en forte augmentation, notamment chez les 27-64 ans. Cela montre la portée de cet investissement. »

Vers une multimodalité renforcée à Rennes

Comment les acteurs de la mobilité à Rennes imaginent-ils le futur des déplacements quotidiens des habitants ? « La tendance est lancée, a conclu Alexandre Dupont, chef de service infrastructures, sécurité et transport à la DREAL Bretagne. Il ne s’agit pas de détruire toutes les voitures. Un automobiliste qui affirme que tous ses déplacements aujourd’hui ne peuvent être faits qu'en voiture est un peu de mauvaise foi. On s’oriente de plus en plus vers de la multimodalité. L’enjeu est de trouver les outils numériques qui permettent d’aider les gens, d’optimiser et de construire pour eux leurs déplacements. »

Ainsi, le covoiturage, l’utilisation des nouvelles lignes Trambus et de la ligne B du métro offrent plusieurs alternatives pour repenser les déplacements. « Le profil de l’irréductible automobiliste a quasiment disparu, a poursuivi Armel Guenneugues. C’est une base positive. On voit qu’on a aussi des offres de mobilité d’un bon niveau et qui vont continuer de se développer. Les fondamentaux pour que les choses changent sont là. La voiture peut être un problème mais elle est aussi une partie de la solution. » À condition que chacun s’engage dans cette transition.

En action

- Commander ma vignette Crit'Air sur le site gouvernemental.
- En savoir plus sur le site de la Métropole de Rennes.

* La Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).