Les e-carburants : une solution pour une automobile plus propre ?
Par Eva Gomez
Les e-carburants : qu’est-ce que c’est ? Début mars dernier, l’Allemagne avait obtenu le report du vote de l’interdiction de vente de voitures thermiques en 2035 en Europe, en faisant valoir la pertinence de ces carburants de synthèse pour la transition de la mobilité automobile. Comment ces carburants de synthèse sont-ils produits ? Sont-ils une solution viable pour l’avenir ? On fait le point.
Le 27 mars dernier, après plusieurs rebondissements, l’Union européenne a définitivement voté l’interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique dès 2035. Quelques semaines avant, ce vote avait été reporté car l’Allemagne – soutenue par l’Italie – s’était abstenue, réclamant à la Commission Européenne qu’elle ouvre la voie aux carburants de synthèse comme alternative « propre » aux carburants fossiles. Une réclamation qui a porté ses fruits : les voitures à moteur thermique utilisant exclusivement des e-carburants pourront être immatriculées après 2035. Mais faut-il se réjouir de cette exemption accordée aux carburants de synthèse ? Pour se faire une idée, il faut comprendre ce que sont les e-carburants et les enjeux qu’ils soulèvent.
Qu’est-ce que le e-carburant ?
E-carburant (pour électro-carburant), e-fuel, carburants synthétiques, carburants de synthèse… Toutes ces expressions désignent une même typologie de carburant, qui pourrait représenter une alternative aux carburants classiques, compatible avec les moteurs thermiques à combustion mais neutre en émissions de CO2.
Ces carburants de synthèse sont produits à partir de CO2 et d’hydrogène, lequel est obtenu dans le meilleur des cas grâce à de l’électricité décarbonée (hydrogène vert).
Comment sont produits les e-carburants ?
Les carburants de synthèse sont produits en laboratoire grâce à un procédé d’électrolyse de l’eau qui permet d’obtenir de l’oxygène et de l’hydrogène. Cet hydrogène est ensuite mélangé à du dioxyde de carbone récupéré dans l’atmosphère ou sur les sites industriels émetteurs de CO2.
Ce procédé n’utilise donc aucune énergie fossile et selon une étude publiée par l’ONG Transport & Environnement, sa production aurait une empreinte carbone 70% moins élevée que celle des carburants fossiles. A condition évidemment que l’électrolyse soit alimentée par de l'électricité renouvelable ou bas carbone.
Les e-carburants sont-ils une solution viable pour l’industrie automobile ?
Sur le papier donc, ces e-carburants répondraient aux objectifs nationaux et européens de décarbonation des transports. D’autant qu’ils pourraient être employés sans modification majeure sur les moteurs thermiques et que les infrastructures sont déjà existantes.
Un carburant coûteux ?
Mais la possibilité de développer cette solution à grande échelle est compromise par des coûts de production très élevés, en raison des grandes quantités d'énergie qu'elle requiert. Des coûts qui se répercuteraient inévitablement sur les usagers, souligne le rapport d’analyse de l’IFP Energies Nouvelles pour Transport & Environnement : « Faire rouler une voiture avec des e-carburants sur cinq ans coûtera au conducteur 10 000 € de plus que faire rouler une voiture à batterie électrique ».
Le e-carburant : loin d’être zéro émission
Les carburants de synthèse ne font par ailleurs pas des voitures zéro émission. Les véhicules roulant au e-fuel rejettent en effet des oxydes d’azote (NOx), de l’ammoniac, ou encore du monoxyde de carbone. Selon des tests effectués par l’organisme de recherche IFP Energies Nouvelles pour Transport & Environnement, les quantités d’oxyde d’azote émises par une voiture à e-carburant seraient égales à celles émises par une voiture à essence classique. Pire : elles émettraient beaucoup plus de monoxyde de carbone et d’ammoniac qu’une voiture à essence.
Les carburants de synthèse ne peuvent pas remettre en cause le développement de la voiture électrique d’ici 2035.
Valery Michaux, enseignante chercheuse à la Neoma Business School
Une efficacité énergétique incapable de concurrencer l'électrique
Mais étant donné qu’ils ne résolvent pas les problèmes de pollution de l’air, « les carburants de synthèse ne peuvent pas remettre en cause le développement de la voiture électrique d’ici 2035 » affirme Valery Michaux, enseignante chercheuse à la Neoma Business School, dans un article pour The Conversation. Dans sa démonstration, elle souligne aussi la faible efficacité énergétique du e-fuel, en comparant le nombre de kilomètres que permettent de parcourir les différentes technologies vertes. Avec 15 kWh d’énergie verte, une voiture électrique peut parcourir 100 km, une voiture à hydrogène vert 35 km, tandis qu'une voiture alimentée en carburant synthétique parcourra 20 km. Cela revient à dire qu'il faut 5 fois plus d'énergie pour parcourir la même distance au e-fuel qu'à l'électrique. « Une progression spectaculaire [des e-carburants] peut être crédible si le monde entier misait sur eux mais cela poserait beaucoup plus de problèmes que la voiture électrique en termes énergétiques. Cela ne veut pas dire qu’on ne roulera jamais avec des carburants de synthèse puisqu’on a déjà misé sur eux pour l’aviation de demain et que la mobilité lourde qui commence tout juste sa transition peut être également très intéressée. »
Les e-carburants : une solution transitoire pour l’automobile ?
L’équipe Energie Environnement Mobilité d’Alcimed conclut que les e-carburants « se placent comme des solutions transitoires permettant aux industriels du transport de continuer à utiliser leur flotte en réduisant leurs émissions ». Mais à quel prix ?