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Voitures électriques : quelles sont les différentes technologies de batteries ?

Par Eva Gomez

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Les voitures électriques fonctionnent grâce à un moteur électrique et une batterie de traction. Mais cette dernière n’est pas la même dans tous les modèles de véhicules, qui utilisent différentes technologies de batteries : LFP, NMC, NCA… Que veulent dire ces acronymes ? Quelles différences ? Quels enjeux pour chaque technologie ? Décryptage.

une batterie de voiture électrique

La batterie d’une voiture électrique est « un accumulateur qui transforme de l’énergie chimique en énergie électrique. L’énergie chimique est transformée en énergie électrique lors des phases de décharge, et une petite partie en chaleur », explique l’association Avere-France. Une batterie est composée de cellules et chaque cellule est elle-même composée d’une cathode, d’une anode, d’un séparateur et d’un électrolyte, qui peut être liquide, solide ou semi-solide.

Pour les voitures électriques, la technologie de batterie prédominante est celle du lithium-ion, dont le principe repose sur l'échange réversible de l'ion lithium entre une électrode positive et une électrode négative pour créer et stocker de l'électricité. « 99,9% des batteries de voitures électriques aujourd’hui sont des batteries lithium-ion », confirme Yvan Reynier, expert batteries au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Mais pour cette même technologie, il existe différentes chimies de batteries, qui n’utilisent pas les mêmes matériaux pour les électrodes positives. « Dans l’automobile aujourd’hui, il y a 3 chimies d’électrodes positives : le lithium-fer-phosphate (LFP), le nickel-manganèse-cobalt (NMC) et le nickel-cobalt-aluminium (NCA) », précise Yvan Reynier.

Bon à savoir

Les électrodes négatives des batteries de voitures électriques sont composées de graphite ou de graphite et silicium.

Batterie Lithium-ion – NMC et NCA

Les chimies NMC et NCA utilisent toutes deux du cobalt et du nickel comme base dans la cathode. Le cobalt est un métal qui permet d’obtenir une grande densité énergétique. « La densité d’énergie, c’est l’énergie par unité de masse ou de volume. Sur des batteries NMC ou NCA, on a une densité de 250 Wh/kg au niveau de la cellule, et 700 Wh/litre », précise Yvan Reynier. Les batteries qui utilisent cette chimie ont donc une plus grande autonomie, mais leur coût est également plus élevé par rapport à des batteries utilisant la chimie LFP (voir paragraphe suivant), car le nickel et le cobalt sont deux métaux dont le cours ne cesse d’augmenter. Entre janvier 2021 et mars 2022 par exemple, le prix du cobalt a augmenté de 150%.

« Ces batteries peuvent aussi avoir des emballements thermiques plus violents du fait de leur haute densité énergétique », souligne par ailleurs Yvan Reynier. Ces emballements thermiques peuvent être à l’origine d’incendies, qui restent tout de même très rares – et même plus rares que les feux de voitures thermiques – bien qu’impressionnants lorsqu’ils se produisent.

Et entre les deux chimies NMC et NCA, hormis les métaux utilisés, il n’existe pas de différence majeure. « La chimie NCA permettrait un vieillissement calendaire légèrement meilleur que les batteries NMC, mais ça reste encore à prouver pour l'application automobile », explique l’expert batteries du CEA. « Cela dépend aussi du taux de nickel dans la composition de l’électrode, qui est différent chez tous les fabricants. Globalement, plus le taux de nickel est élevé, plus la stabilité est faible », poursuit-il.

Bon à savoir

Toutes les batteries ont des performances différentes, même lorsqu'elles utilisent la même technologie et la même chimie. Les compositions peuvent varier et ainsi impacter les performances.

Batterie Lithium-ion – LFP

Les batteries lithium-fer-phosphate (LFP) ont émergé après les batteries NMC et NCA, pour des raisons économiques. « Au début de la commercialisation des voitures électriques à batteries lithium-ion, on visait les meilleures performances. Donc ce sont les batteries NMC et NCA qui ont gagné le marché. Mais aujourd’hui, on veut aussi des voitures d’entrée et milieu de gamme, donc on cherche à diminuer les coûts », explique Yvan Reynier. En évitant l’utilisation des métaux les plus onéreux, la chimie LFP permet en effet aux fabricants de réduire leurs coûts de 30 à 40% selon la puissance de la batterie, par rapport à une technologie NMC. « Mais la densité d’énergie est plus faible dans une batterie LFP : 180 Wh/kg et 400 Wh/litre au maximum », précise l’expert du CEA.

Quelles sont les différences à la recharge ?

Au-delà de la densité d'énergie et du coût de production, il existe des différences de comportement à la recharge entre les chimies lithium-ion. Les électrolytes des batteries lithium-ion sont stables jusqu’à environ 4,2 volts. Avec une batterie NMC, la fin de charge se situe autour de 4,2 volts, ce qui peut provoquer une oxydation de l’électrolyte et donc un vieillissement plus rapide de la batterie. C’est la raison pour laquelle il faut éviter de souvent recharger une batterie NMC à 100%, et préférer la maintenir à un niveau de charge compris entre 20 et 80%. « Pour les batteries LFP, c’est un peu différent : la fin de charge se situe autour de 3,7 volts, donc il n’y a pas de souci de stabilité avec l’électrolyte », indique Yvan Reynier. Quoi qu’il en soit, il faut éviter de recharger trop souvent une batterie lithium-ion à 100%, même si sur une batterie LFP, un tel comportement a moins d’impact sur la durée de vie.

L'évolution des technologies de batteries électriques : un peu d'histoire

Dans le passé, d’autres technologies que le lithium-ion ont tracté des voitures électriques. Les premiers véhicules électriques, au début du 20e siècle, roulaient grâce à des batteries au plomb. « La première voiture qui a dépassé les 100 km/h était une voiture électrique avec une batterie au plomb qui s’appelait "la Jamais Contente" ! » rappelle Yvan Reynier. Mais l’autonomie de ces batteries au plomb était très limitée, avec une faible densité d’énergie pour un poids très élevé. Ce sont donc les moteurs thermiques qui ont déferlé sur le marché. « Plus tard, dans les années 1990, il y a eu une deuxième vague de voitures électriques, avec des batteries nickel-cadmium. Mais là aussi, la densité d’énergie était trop faible, avec des autonomies réelles et des puissances très faibles, pour un coût important », raconte l’expert batteries du CEA. C’est seulement depuis la troisième vague, à partir de 2010, que la voiture électrique prend une vraie place sur le marché. « L’Autolib était l’un des premiers modèles de cette troisième vague, avec des batteries solides lithium-métal-polymère (LMP) », souligne Yvan Reynier.

Les technologies émergentes

Quel avenir pour les batteries sodium-ion ?

Il existe donc d’autres technologies que le lithium-ion pour propulser une voiture électrique. Si certaines ont été abandonnées au fil du temps, d’autres pourraient émerger (ou faire leur retour) dans les années à venir. Les premiers véhicules avec des batteries sodium-ion commencent d’ailleurs déjà à être commercialisés en Chine. « Le sodium est une option qui peut devenir intéressante si les cours des matières et la disponibilité des matériaux utilisés dans les batteries lithium-ion deviennent problématiques. C’est une belle voie de diversification », commente Yvan Reynier. D’autant que le sodium est présent en grandes quantités sur l’ensemble de la planète, pour des coûts de production relativement faibles. Néanmoins, les batteries sodium-ion ont des performances plus faibles encore que le LFP (140 Wh/kg). « C’est une bonne solution pour la petite mobilité et les voiturettes », estime le chercheur du CEA.

Le LMFP : une chimie LFP améliorée

Une variante de la chimie LFP est également en instance de commercialisation depuis plusieurs années : le LMFP (lithium-manganèse-fer-phosphate). « On substitue le fer par du manganèse, ce qui augmente la tension de la cellule, son potentiel et la densité de l’énergie de 10 à 20% par rapport au LFP », précise-t-il. La densité n’atteint pas celle des batteries NMC mais s’en approche, tout en n'utilisant ni nickel, ni cobalt, ce qui diminue donc considérablement le coût de production. Le LMFP apparaît donc comme une chimie de batterie lithium-ion intermédiaire entre le LFP et le NMC.

Vers des batteries solides ou semi-solides ?

D’autres expérimentations visent à transformer les batteries lithium-ion en batteries solides ou semi-solides (ou hybrides). Aujourd’hui, dans une batterie lithium-ion, tout est solide sauf l’électrolyte, qui est liquide. « Pour une batterie solide, on remplace l’électrolyte liquide par un électrolyte solide. Mais il est très difficile de faire fonctionner cette technologie car un solide conduit moins bien qu’un liquide », souligne Yvan Reynier. « Par ailleurs, une telle technologie a tendance à avoir de moins bonnes performances en puissance. Il existe donc des approches hybrides, où on enlève une fraction de liquide et on mixe avec du solide, pour garder une bonne performance », explique le chercheur. L’objectif ? Renforcer la sécurité en remplaçant l’électrolyte liquide qui est inflammable et augmente ainsi les niveaux d’énergie lors d’un emballement thermique.

Enfin, « des recherches sont menées sur des technologies de rupture, mais dont on ne sait pas encore grand-chose. Globalement, il peut se passer 10, voire 20 ans, entre les annonces de recherche et la production de masse », relève Yvan Reynier. « Par exemple le CEA a travaillé sur la chimie LFP au début des années 2000, et a fabriqué les premières preuves de concept de cellules sodium-ion en 2015. Nous avons déjà plusieurs années d’expérience sur le tout solide mais la maturité n’est pas encore suffisante pour être commercialisé », poursuit-il. Selon l’expert donc, « même si une nouvelle technologie arrivait, il faudrait une petite dizaine d’années pour qu’elle intègre le marché, en commençant par le marché haut de gamme ».