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Pollutions, ressources en eau… Pourquoi ne faut-il pas laver sa voiture à la maison ?

Par Eva Gomez

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C’est la rentrée ! Et après un (ou plusieurs) trajets de vacances ou road trips, le moins qu’on puisse dire c’est que votre voiture mérite un bon coup de propre ! Mais attention, le nettoyage des véhicules est très réglementé. Quelles sont les règles en matière de lavage de voiture à domicile et pourquoi existent-elles ? Les raisons sont essentiellement écologiques et sanitaires. On vous explique.

Lavage d'une voiture avec un jet à haute pression

C'est assez peu connu et pourtant : il est interdit de nettoyer son véhicule devant chez soi dans une majorité des départements français. Vous vous êtes déjà demandé pourquoi ? La réponse se trouve en partie dans les règlements sanitaires départementaux.

Que dit la loi ?

Dans les règlements sanitaires départementaux de la Seine-Saint-Denis ou encore de Paris, les articles sur la projection d’eaux usées sur la voie publique précisent que « le lavage des voitures est interdit sur voie publique, les voies privées ouvertes à la circulation publique, les berges, ports et quais ainsi que dans les parcs et jardins publics (…) toute projection d’eaux usées, ménagères ou autre est interdite sur les voies publiques ». Dans le règlement sanitaire départemental de l’Ain, on lit : « Toute projection d'eaux usées, ménagères ou autres est interdite sur les voies publiques, notamment au pied des arbres. Il est fait exception toutefois, sous réserve du respect des horaires fixés par l'autorité municipale, pour les eaux provenant du lavage des façades des maisons et des devantures des boutiques ». En Vendée, « le lavage des véhicules automobiles et de tous engins à moteur » est strictement interdit…

Pour connaître la situation chez vous, reportez-vous au règlement sanitaire de votre département, mais il y a de grandes chances que vous tombiez sur des articles de loi similaires. Le lavage des voitures est en effet une activité qui présente des risques sanitaires et environnementaux avérés.

Bon à savoir

Si vous lavez votre véhicule devant votre maison ou à l’entrée de votre garage, vous vous exposez à une amende de 450 euros. Et s’il est prouvé que votre activité a généré une pollution par déversement d’eaux usées, la sanction peut aller jusqu'à une amende de 75 000 euros et une peine de deux ans de prison (selon l'article L.216-6 du code de l'environnement).

Résidus d’hydrocarbures et métaux lourds

En effet, le nettoyage d’une voiture génère une quantité non négligeable d’eaux usées contenant des résidus d’hydrocarbures, d’huile et même de métaux lourds, qui sont néfastes pour les sols. D’autant plus si les produits de lavage contiennent des agents chimiques ! C’est pourquoi les professionnels du lavage de voiture sont (et c’est une obligation réglementaire !) équipés de systèmes de traitement des eaux usées : traitement par filtration, récupération de l’eau, raccordement direct au réseau d’eaux usées, et plus rarement, recyclage et réutilisation des eaux usées… Les stations de lavage professionnelles, en plus d’utiliser des procédés économes en eau, traitent les eaux de lavage. « Nous recommandons de ne surtout pas laver à grandes eaux une voiture soi-même, car il y a tout un tas d’hydrocarbures qui peuvent s’infiltrer dans les sols par ruissellement… Alors qu’en station de lavage, tout est prévu pour filtrer cette pollution et récupérer les eaux de lavage », appuie Nathalie Davoisne, responsable des relations extérieures du Centre d’Information sur l’Eau (CIEau).

50 000 tonnes de boues d’hydrocarbures collectées par an en station

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Par lavage, on récupère environ 360 grammes de boues fortement hydrocarburées, ce qui représente l’équivalent d’une grosse cannette de soda », détaille Jean-Christophe Rogez, responsable de réseau Eléphant Bleu. « Dans ces boues, on retrouve des émanations de pot d’échappement, qui viennent se coller à la carrosserie, sur les roues, les jantes… Mais on trouve aussi 1 gramme de métaux lourds. Si on ne les traite pas et qu’on les laisse s’infiltrer dans les nappes phréatiques, la nature ne sait pas quoi en faire et ils sont extrêmement néfastes pour la santé », ajoute-t-il. Des quantités très loin d’être anodines si on les reporte aux 30 à 40 000 lavages réalisés annuellement dans chacune des 10 000 stations françaises. Chaque année, environ 5 tonnes de boues d’hydrocarbures seraient collectées par station de lavage*, soit 50 000 tonnes à l’échelle des 10 000 centres de lavage en France.

Dépollution : mode d'emploi

Que se passe-t-il une fois les boues collectées en station de lavage ? Pour commencer, l’eau de lavage s’écoule dans une fosse de décantation, où la gravité la sépare des boues. « Ensuite, l’eau file en sous-terrain vers un séparateur d’hydrocarbures, un filtre grâce auquel on récupère les polluants qui ne se sont pas déposés au fond de la fosse. Puis l’eau passe par un déshuileur, qui la filtre encore une fois », explique Jean-Christophe Rogez. Après ces étapes de dépollution, l’eau rejoint le réseau d’eaux usées, au même titre que celle d’une douche ou d’une chasse d’eau. « 95% de l’eau utilisée pour un lavage est récupérée puis renvoyée vers les réseaux d’eaux usées », assure-t-il. Les boues chargées en polluants sont quant à elles déclarées comme déchets dangereux et collectées par des entreprises spécialisées, qui les retraitent et les recyclent pour des usages dans le bâtiment et les travaux publics. On commence à comprendre pourquoi laver sa voiture à domicile est interdit…

L’eau, une ressource à économiser

Mais au-delà des risques de pollution sur l'environnement, le lavage auto pose un problème de ressources en eau, étant donné les importantes quantités qu’il requiert. En effet, pour laver une voiture, il faut compter en moyenne 50 litres au jet d’eau haute pression, 170 litres aux rouleaux et jusqu’à 350 litres à domicile. En période de sécheresse, il s’agit donc d’une activité soumise à restrictions via des arrêtés préfectoraux, selon le niveau des nappes phréatiques. « En station, si on fait une moyenne entre le lavage au portique et le jet à haute pression, on peut compter 130 litres d’eau pour le lavage d’une voiture. Sur ces 130 litres, on en rend 95%, dépollués, au réseau d’eaux usées », souligne le responsable réseau Eléphant Bleu. « On consomme donc réellement 6 litres d’eau par lavage, ce qui est moins qu’une chasse d’eau, qui consomme 8 litres d’eau. » C’est donc un moindre mal, et faire le choix de ne pas laver sa voiture pour économiser de l’eau et éviter les déversements de polluants n’est pas non plus une solution : la prochaine pluie se chargera de les faire s’écouler dans les nappes phréatiques.

Quid du lavage sans eau ?

Quant au lavage sans eau, qui se pratique avec plusieurs chiffons micro-fibres ou lingettes, du produit nettoyant et beaucoup d'huile de coude, « il n’est pas vraiment sans eau », fait remarquer Jean-Christophe Rogez. « Les lingettes ne sont pas jetables, mais nettoyées, donc on utilise de l’eau. Et le lavage d’une voiture repose sur l’équilibre de trois éléments : le mouvement mécanique, le produit chimique et la température de l’eau. Si on enlève l’eau, on doit augmenter la chimie pour trouver une efficacité. Tous ces produits sont collectés par la lingette et finit dans le lave-linge », souligne-t-il. Toutefois, de plus en plus d’acteurs du lavage à sec assurent n’utiliser que des gammes de produits biodégradables et écoresponsables, mais il faut s’attendre à une facture plus élevée qu’en station de lavage : lors de notre test du lavage sans eau, nous avions déboursé 34,90 euros, alors qu’il faut compter entre 3 et 5 euros pour un lavage manuel à haute pression, et entre 5 et 15 euros pour un lavage aux rouleaux.

*Chiffres Eléphant Bleu