ZFE de Rouen : qu’en pensent les Rouennais ?
Le 22 juin dernier, alors que Roole organisait une table ronde à Rouen au sujet de la mise en place de la Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), nous sommes allés à la rencontre des habitants, pour leur demander leur avis sur ce dispositif.
Alors que les premières restrictions de circulation liées à la Zone à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m) sont entrées en vigueur le 1er septembre 2022 dans 13 communes de la métropole, les Rouennais ne semblent pas accueillir ce dispositif à bras ouverts. Fin juin, le président de la métropole a pourtant annoncé un possible assouplissement de l’application des restrictions après le constat d’une amélioration de la qualité de l’air : l’interdiction de circulation des véhicules Crit’Air 3 devrait être repoussée, voire annulée, si les voyants de la qualité de l’air continuent d’être au vert. De nouvelles dérogations ont également été introduites et pourtant, les avis restent tranchés. « Une bonne idée pour lutter contre la pollution » pour les piétons, « très embêtant et contraignant » pour les automobilistes…
Dans le centre-ville de Rouen, nous avons posé la question aux passants : que pensent-ils de ce dispositif mis en place pour lutter contre la pollution atmosphérique ? « Je ne suis pas d’accord car on met beaucoup de gens en difficulté… Il y a des gens qui n’ont pas les moyens d'acheter un nouveau véhicule », nous répond une retraitée ; « Je pense que c’est très pénalisant pour les gens qui veulent venir travailler à Rouen », estime une mère dont les enfants sont directement impactés par les restrictions de circulation. « C’est ridicule. Nous on n’a pas le droit de circuler avec des voitures Crit’Air 4 ou autre mais les bateaux de l’Armada ont le droit d’être là », relève une jeune automobiliste.
Pour les Rouennais moins dépendants de la voiture, le discours est un peu plus nuancé : « Pour la circulation des piétons et des transports en commun, c’est une bonne chose. Mais pour les gens qui viennent de plus loin, de banlieues un peu plus éloignées, c’est un peu compliqué pour eux : il y a du bon et du moins bon », partage un jeune citoyen.
Les commerçants en première ligne
C’est chez les commerçants du centre-ville que les conséquences de cette ZFE-m se font le plus ressentir. Ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ont refusé de le faire devant la caméra pour éviter tout conflit avec la mairie, mais tiennent tout de même à faire passer le message. A la seule évocation de la ZFE, une commerçante du centre-ville réagit immédiatement : « C’est catastrophique. J’ai perdu une employée qui travaillait avec moi depuis 5 ans, car elle ne peut plus rouler et a peur de prendre des amendes. Elle a préféré arrêter car elle n’avait pas les moyens de changer de voiture », raconte-t-elle. « Même nos clients les plus fidèles comme les personnes âgées qui viennent de Mont-Saint-Aignan, on ne les voit plus car ils n’ont pas les moyens de changer de voiture. » Même son de cloche chez un autre commerçant quelques mètres plus loin. « J’entends mes clients en parler tous les jours. Certains sont artisans ou retraités, ils se demandent comment ils vont faire… Il y en a qu’on ne voit plus non plus car ils vivent loin et n’ont pas la voiture qu’il faut pour circuler », partage-t-il.
Bon à savoir
Si vous êtes amenés à circuler dans une ou plusieurs ZFE, la plateforme ZFE.green vous aide à y voir plus clair.
Des alternatives satisfaisantes
Les inquiétudes sont palpables et pourtant, quand on parle des alternatives à la voiture, tout le monde semble s’accorder sur le fait que les transports en commun sont assez efficaces dans la métropole. « J’habite Sotteville-lès-Rouen, je suis venue en transports. C’est limite plus rapide en transports en commun qu’en voiture », remarque l’une de nos répondantes. « On se demande pourquoi on va passer notre permis avec les transports », abonde une jeune utilisatrice des transports en commun. Seule critique adressée à ce réseau de transports : ses limites au-delà des alentours directs de Rouen. « Quand on habite Rouen et autour de Rouen c’est très bien distribué (…) Par contre, c’est toujours un problème pour les gens qui habitent à 25 km : on ne peut pas venir sans voiture », conclut une habitante de la métropole.
Elus et automobilistes s’expriment en table ronde
Le soir même, ces témoignages ont été diffusés en introduction de la table ronde organisée par Roole à Rouen, en présence d’environ 80 de ses membres résidant dans l'agglomération et de deux élus locaux qui ont accepté de jouer le jeu de la rencontre : Damien Adam, député Renaissance de la 1re circonscription de la Seine-Maritime et Gérard Leseul, député socialiste de la 5e circonscription de la Seine-Maritime. L’occasion pour ces élus de réexpliquer les enjeux de cette ZFE-m à leurs administrés et de répondre à leurs doutes et interrogations. « Notre mission d’élus est de donner de la visibilité à long terme aux citoyens pour leur donner les moyens d’anticiper », estime Damien Adam, qui a rappelé les dernières évolutions de ce dispositif. « Le président de la métropole vient d’annoncer de nouvelles mesures : la qualité de l’air s’améliorant, il y aura des exemptions pour les maladies longue durée, des laissez-passer de 24h… L’exclusion des Crit’Air 4 et 5 a permis cette baisse de concentration des particules fines et si elle est durable, la suite des exclusions pourrait ne pas s’appliquer. C’est un assouplissement », a-t-il détaillé.
Bon à savoir
Lors de la présentation de son projet de ZFE, la métropole de Rouen a rappelé qu’en 2014, plus de 50% des émissions d’oxydes d’azote (Nox) étaient liées au trafic routier.
De son côté, Gérard Leseul, qui a été rapporteur de la mission flash de l’Assemblée nationale sur la création des ZFE-m en 2022, a confirmé cette nécessité de souplesse. « On ne peut pas avoir l’impression de ne plus pouvoir accéder au centre-ville. Il ne faut pas demander aux automobilistes de faire tous les efforts : on doit renforcer les contraintes sur les zones portuaires et industrielles pour avoir le sentiment d’un effort partagé », estime-t-il. Il a également reproché à la majorité présidentielle de « refiler la patate chaude aux métropoles, sans mise en place du prêt à taux zéro, sans refonte du système des vignettes Crit’Air ». Le député socialiste compte justement déposer une proposition de loi « pour améliorer l’exécution des ZFE ». Selon lui, « les vignettes Crit’Air ne sont pas le bon critère, il faut considérer l’entretien du véhicule et revoir ce système de classement ».
Cette table ronde, qui a donné lieu à des échanges passionnés, a permis d’éclaircir de nombreux points autour de ce dispositif, mais aussi d’aborder d’autres thématiques telles que les voitures électriques ou encore le covoiturage.