SUV électrique : solution écologique ou fausse bonne idée ?

Les SUV semblent séduire de plus en plus les automobilistes français, mais leur impact écologique soulève des questions. Même si ces modèles s'électrifient progressivement, sont-ils un bon choix face aux SUV thermiques pour une mobilité durable ? Nous avons posé la question à Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports.

Eva Gomez journaliste pour le média Roole
Eva Gomez
En 2023, les SUV représentaient environ 45 % des ventes de voitures neuves, contre 40% en 2010. ©iStock

Alors qu’en 2035, la vente de véhicules thermiques neufs sera interdite dans l'Union européenne, le marché évolue progressivement pour imposer la motorisation électrique. En 2023, les véhicules électrifiés (100% électriques et hybrides rechargeables) représentaient 26 % des ventes de véhicules neufs, contre 2,7 % en 2019 (source PFA). En quelques années, le marché a explosé, malgré une perte de vitesse constatée sur l’année 2024 : en septembre 2024, les véhicules électrifiés représentaient 24,3 % de parts de marché (source Avere-France), soit 2 points de moins que l’année précédente. Malgré tout, il y a désormais plus de 1,2 million de véhicules 100 % électriques en circulation en France. Cette motorisation a d’ailleurs brillé par son omniprésence au Mondial de l’auto de Paris en octobre dernier.

Bon à savoir

La première voiture à avoir dépassé les 100 km/h était une voiture électrique, en 1899 !

Le SUV : aussi contesté qu'adoré

Les constructeurs investissent massivement dans leurs nouveaux modèles électriques, et cette motorisation bénéficie d’une forte visibilité dans les campagnes publicitaires récentes. Parmi les modèles électriques les plus exposés, on trouve les SUV, présentés comme des voitures familiales au confort inégalé. Les Français raffolent de plus en plus de ce format : en 2023, les SUV représentaient environ 45 % des ventes de voitures neuves, contre 40 % en 2010.

Bon à savoir

Un SUV pèse entre 1200 et 1800 kg. Certains atteignent même les 2 tonnes.

Passer à l’électrique est indispensable dans la transition, pour atteindre les objectifs climatiques de la France, mais il faut le faire avec sobriété.

Aurélien Bigo,
chercheur sur la transition énergétique des transports.

Mais ces véhicules et leur taille conséquente n’ont pas que des adeptes. Dans certaines villes comme Paris ou Lyon, ils sont même soumis à des tarifs de stationnement prohibitifs. Le problème ? La pollution qu’ils émettent (surtout quand ils sont thermiques), l’espace public qu’ils occupent et l’impact environnemental de leur fabrication. Car qui dit grosse voiture dit grandes quantités de ressources et de matières premières : un SUV électrique émet par exemple 2,2 fois plus de CO2 sur l’ensemble de son cycle de vie qu’une citadine électrique. Sa fabrication nécessite 3 fois plus du cuivre et d’aluminium et même 5 fois plus de lithium, de nickel, de cobalt, de manganèse et de graphite (source : WWF France).

Le meilleur choix n'est pas le SUV

Mais un SUV électrique est-il malgré tout un meilleur choix qu’un SUV thermique ? « Oui et non », nuance Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports. « Sur le plan du bilan carbone, passer à l’électrique est favorable pour toutes les tailles de véhicules : cela permet de réduire de 2 à 5 fois les émissions [de polluants, Ndlr] sur l’ensemble du cycle de vie par rapport à une voiture thermique ». Le SUV électrique est donc selon lui un meilleur choix que le SUV thermique, mais pas LE meilleur choix.

Selon le chercheur, le mieux reste de ne pas choisir un SUV. « Passer à l’électrique est indispensable dans la transition, pour atteindre les objectifs climatiques de la France, soutient Aurélien Bigo. Pour autant, il faut le faire avec sobriété », estime-t-il. Cette sobriété, en plus de passer par des technologies moins émettrices, repose sur des mobilités plus douces telles que la marche, le vélo et les transports en commun ; ainsi que sur une utilisation durable de la voiture individuelle, avec le développement du covoiturage et de l’autopartage. « Et il faut se tourner vers des véhicules plus sobres, plus légers et plus aérodynamiques », ajoute le chercheur. « Les SUV sont plus gros, plus lourds, ont de plus gros besoins énergétiques et ne répondent pas aux besoins de sobriété que l’on a dans les transports », assure-t-il.

Les véhicules intermédiaires, une alternative sobre à la voiture

Pour répondre à cet enjeu de sobriété dans la mobilité, Aurélien Bigo fait valoir le développement des véhicules intermédiaires, nommés ainsi car ils constituent le chaînon manquant entre le vélo et la voiture. « Cela peut être des mini voitures de moins de 100 kg, à l’intérieur desquelles il y a un pédalage (…) assisté à 25 ou 45 km/h », décrit-il. Ces petits véhicules ont aussi des batteries électriques, mais d’une capacité de 1 kWh environ. Et pour les véhicules intermédiaires les plus proches des voitures (comme la Microlino par exemple), la batterie a généralement une capacité de 6 ou 7 kWh. On est donc bien loin de la batterie de 100 kWh contenue dans un SUV électrique. « Ces véhicules ressemblent un peu à la voiture en termes de conditions de confort, de protection contre les intempéries, etc. mais avec des consommations de ressources et des impacts environnementaux bien moins élevés », confirme Aurélien Bigo. « Il faut donc à la fois aller vers l’électrique, mais aussi vers plus de sobriété », conclut-il.

Les véhicules intermédiaires sont à mi-chemin entre le vélo et la voiture. ©Ademe/Fabrique des Mobilités/Roole
Les véhicules intermédiaires sont à mi-chemin entre le vélo et la voiture. ©Ademe/Fabrique des Mobilités/Roole

Bon à savoir

Pour les véhicules intermédiaires les plus proches du vélo, les batteries ont une capacité de 200 Wh à 1 kWh. Les voiturettes électriques ont des batteries de 6 à 7 kWh et les citadines électriques ont des batteries de 50 kWh. Plus la batterie a une grosse capacité, plus elle est imposante, lourde et gourmande en matières premières.