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ZFE de Marseille : qu’en disent les Marseillais et les élus ?

Par Eva Gomez

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Depuis le 19 mars 2024, en raison d'une nette amélioration de la qualité de l'air, la Métropole de Marseille n'est plus dans l'obligation d'interdire la circulation des véhicules Crit'Air 3 à partir du 1er janvier 2025. Que pensent les Marseillais de cette ZFE et quelles sont les perspectives pour la mobilité dans la Métropole ? Nous sommes allés à la rencontre des automobilistes concernés.

Il y a du nouveau sur la mise en œuvre progressive de la Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) à Marseille ! À l’issue du 3e comité ministériel sur la qualité de l’air en ville, qui s’est tenu le mardi 19 mars 2024, l’Etat a autorisé la métropole à laisser circuler les véhicules Crit’Air 3 dans sa ZFE au-delà du 1er janvier 2025, date à partir de laquelle ces véhicules devaient initialement être interdits de circulation dans la zone. La raison ? Une nette amélioration de la qualité de l’air dans la cité phocéenne, qui faisait jusqu’alors partie des agglomérations françaises avec les taux de pollution les plus élevés. Le jeudi 21 mars, soit deux jours après ce comité ministériel, le club automobile Roole tenait une table ronde au sujet du déploiement de cette ZFE-m, lors de laquelle 80 automobilistes du département ont pu poser directement leurs questions aux trois députés et élus locaux qui ont répondu présents. Le média Roole s'est invité à cette rencontre. L’occasion pour nous de donner la parole aux automobilistes marseillais au cœur même du périmètre de la ZFE, plus de deux ans et demi après la mise en œuvre des premières restrictions.

Attention aux risques d’exclusion

C’est une ville qui est pauvre, donc on ne peut pas demander aux gens qui ont des faibles revenus d’acheter une nouvelle automobile.

Une commerçante dans le quartier du Panier

Pour l’ensemble des personnes que nous avons interrogées, cette Zone à faibles émissions semble être une bonne chose, à la fois pour l’environnement et pour la santé des riverains. « C’est bien, pour qu’on respire moins de choses qui sont nocives pour nous », affirme un Marseillais croisé sur le Vieux Port. « Je serais même pour complètement interdire la circulation en centre-ville », pense un autre.

Mais la mise en œuvre de cette ZFE soulève des questions sociales, car elle exclut de la circulation, tous les automobilistes qui roulent avec des voitures Crit’Air 4, 5 et non classées. « C’est aussi une ville qui est pauvre, donc on ne peut pas demander aux gens qui ont des faibles revenus d’acheter une nouvelle automobile », souligne une commerçante du quartier du Panier. « Marseille est cosmopolite, avec des niveaux de vie différents et on n’a pas tous les dernières voitures moins polluantes. Donc [la ZFE], c’est bien, mais à appliquer de manière à ce que tout le monde puisse circuler », confirme une passante rencontrée près de la Cathédrale La Major.

Un manque d’alternatives à la voiture

Et à Marseille, les alternatives à la voiture sont souvent accusées d’être largement insuffisantes. Ce que confirment les habitants qui ont répondu à nos questions. « Il y a le métro, le tram, des bus… (…) Mais si on habite de l’autre côté de Marseille [par rapport au centre-ville et au Vieux Port, Ndlr], c’est mal desservi », estime l’un d’entre eux. « Les transports en commun sont un peu particuliers à Marseille. On a doublé les réseaux, mais on ne les a pas étendus. Le tram fait exactement le même trajet que le métro. (…) Il y a une démarche mais elle n’est pas déployée sur les zones qui en ont besoin », partage une autre habitante de la ville. Malgré tout, certains trouvent des solutions, comme ce Marseillais, qui explique : « Je stationne mon véhicule au parking d’un métro et je fais la ville en métro, tout simplement. » Une solution qui n’est pas évidente pour tout le monde, car « il n’y a pas énormément de parkings et ils sont chers », remarque un autre de nos répondants.

Des élus répondent aux automobilistes

Autant de sujets abordés et débattus lors de la table ronde à laquelle étaient présents environ 80 membres du club auto Roole, ainsi que trois élus : Audrey Gatian, adjointe au maire de Marseille, en charge de la politique de la ville et des mobilités, Claire Pitollat, députée des Bouches-du-Rhône et présidente du Conseil national de l’air, et Jean-Marc Zulesi, député des Bouches-du-Rhône, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. « La ZFE de Marseille couvre un territoire de 19,5 km², avec 314 000 habitants, et au sein même de ce territoire, il y a des quartiers qui sont dits les plus pauvres de France, voire d’Europe, notamment le 3e arrondissement », a rappelé Audrey Gatian. « On a un enjeu de qualité de l’air (…) et de santé, et à côté, on doit faire en sorte que les personnes puissent continuer à se déplacer car on le sait, la mobilité c’est aussi l’accès à l’emploi. (…) Mais on a aussi une vraie question à Marseille sur les transports en commun », a-t-elle confirmé. La mise en place de cette ZFE pose ainsi une question essentielle à la collectivité territoriale : « Comment peut-on proposer des mobilités alternatives à la voiture individuelle lorsque les personnes ne peuvent pas changer de voiture ? », résume Audrey Gatian. Sur cette question des transports, le député Jean-Marc Zulesi a rappelé que l’Etat a engagé 1 milliard d’euros en 2021 pour le développement des transports en commun dans la Métropole Aix-Marseille-Provence. « Beaucoup de villes aimeraient en bénéficier ! Ça se déploie (…), il y a une dizaine de projets qui vont arriver dans les mois à venir et il y a aussi la volonté de travailler sur les services express régionaux métropolitains, (…) pour la complémentarité des modes de transports », a détaillé le député des Bouches-du-Rhône.

L’impact [de la pollution de l’air] sur la santé est 9 fois plus élevé sur les populations en situation de précarité.

Claire Pitollat,
députée des Bouches-du-Rhône et présidente du Conseil national de l’air.

La santé avant tout

Les élus présents, et notamment Claire Pitollat, ont par ailleurs rappelé que la ZFE avait pour objectif prioritaire de protéger la santé respiratoire des Marseillais, et notamment de « faire baisser les niveaux de polluants dans les quartiers les plus pauvres ». « L’impact [de la pollution de l’air, Ndlr] sur la santé est 9 fois plus élevé sur les populations en situation de précarité », a en effet expliqué la présidente du Conseil national de l’air. Pour Jean-Marc Zulesi, la ZFE ne doit pas « être une mesure d’écologie punitive. (…) Et avant de mettre des amendes, il faut faire de la pédagogie, expliquer la mesure et les alternatives ». Mais a priori, les radars de lecture automatique des plaques d’immatriculation ne devraient pas être déployés par l’Etat avant 2026.

Audrey Gatian, Claire Pitollat et Jean-Marc Zulesi ont échangé pendant plus d'une heure avec les automobilistes des Bouches-du-Rhône.  ©Roole
Audrey Gatian, Claire Pitollat et Jean-Marc Zulesi ont échangé pendant plus d'une heure avec les automobilistes des Bouches-du-Rhône. ©Roole

Quelle suite pour la mise en œuvre de cette ZFE-m ?

En ce qui concerne la suite de la mise en œuvre de la zone à faibles émissions, l’adjointe au maire Audrey Gatian affirme que « rien n’est exclu ». Les véhicules Crit’Air 3 pourront en effet continuer de circuler dans la ZFE au-delà du 1er janvier 2025, mais le périmètre de la ZFE pourrait être élargi. « La baisse de la pollution est encourageante, et il y aura sûrement une réflexion sur l’augmentation ou pas du périmètre, mais c’est quelque chose qui était prévu dans les objectifs de la loi climat et résilience », a rappelé Audrey Gatian aux participants de la table ronde, qui ont pu échanger pendant plus d’une heure avec les représentants des pouvoirs publics : la ZFE, mais également le covoiturage, la voiture électrique, la gratuité des transports ou encore les aides à la mobilité durable ont été au cœur du dialogue.

Les prochaines tables rondes de Roole auront lieu à Toulouse le 23 mai 2024, puis à Reims en octobre et à Rennes en novembre 2024.