• Accueil
  • Vidéos

Réemploi, valorisation, recyclage... Que deviennent nos vieux pneus ?

Par Eva Gomez

Partager cet article

Rouler avec des pneus usés peut compromettre votre sécurité, augmenter votre consommation de carburant et vous exposer à des contraventions. Il est donc très important de surveiller l’état de ses pneus et d’en changer quand c’est nécessaire. Mais que deviennent les vieux pneus qui doivent quitter la circulation ?

Pneus usagés de voitures

Les déchets de pneumatiques sont classés « non dangereux » mais peuvent quand même être source de nuisances s’ils sont entassés dans des dépôts sauvages ou laissés à l’abandon. Ils peuvent même être dangereux pour la santé en cas d’incendie. Il est donc important de les collecter, mais aussi de les valoriser et/ou de les recycler pour leur donner une deuxième vie. Comment ? C’est ce que nous explique Guillaume Pech, président du GIE France Recyclage Pneumatiques, l'un des deux éco-organismes de la filière française de recyclage des pneumatiques.

Combien de pneumatiques usagés sont collectés chaque année en France ?

Guillaume Pech : « Chez France Recyclage Pneumatique nous avons collecté 100 000 tonnes de déchets de pneus en 2022. Nous sommes deux éco-organismes sur cette filière : le GIE FRP et Aliapur. L’Ademe affiche un peu plus de 100% de taux de collecte pour Aliapur et un peu moins pour FRP car il y a une partie des pneus qui sont directement valorisés dans les centres de VHU (véhicules hors d’usage). Nous sommes l’une des rares filières qui atteint 100% de sa mission : c’est une filière ancienne, qui fonctionne bien.

A noter

En 2022, Aliapur a collecté 376 360 tonnes de pneus. Si l’on additionne les volumes des deux éco-organismes français, on obtient presque 500 000 tonnes de déchets de pneumatiques collectés en France l’année dernière.

Déchargement sur tapis de tri après collecte (Photo Aliapur, DR)
Déchargement sur tapis de tri après collecte (Photo Aliapur, DR)

Comment se passe la collecte ?

G.P. : Les pneus sont collectés chez les détenteurs : garages, déchèteries, et tous les acteurs qui font des pneumatiques. Ils sont ensuite transférés dans des centres de regroupement et de tri. Une partie du gisement est trié pour le réemploi. L’exemple type de ce réemploi, c’est la voiture accidentée dont les pneus ont été récemment changés et qui arrive à la casse avec des pneus neufs. Si on peut les réutiliser en l’état, on les sort donc du statut de déchet : c’est le meilleur recyclage, quand ils peuvent continuer à rouler en respectant les normes de sécurité. Si ce n’est pas possible car le pneu est trop usé, on l’envoie sur des filières de réparation ou “rechapage”, mais cela ne représente pas un gros volume.

Quand les pneus ne peuvent pas être réutilisés ou réparés, quelles sont les autres alternatives ?

G.P. : La valorisation matière est intéressante ! Le pneu est broyé pour être transformé en broyats  : il est ensuite utilisé dans le bâtiment et les travaux publics, où on s’en sert comme matériel drainant pour des bassins de rétention, ou bien pour du remblai technique. Quand les granulats sont encore plus fins, il existe d’autres applications, pour des sols sportifs par exemple. Aliapur a fait de cette façon, la pelouse du stade du club de rugby toulousain : la pelouse synthétique est composée en partie de granulats de déchets pneumatiques !

L'ordre le plus vertueux, c'est le réemploi en priorité, puis la valorisation matière et enfin la valorisation énergétique.

Guillaume Pech,
président du GIE FRP

D’autres pistes de valorisation matière sont en cours de recherche avec des unités pilotes sur un procédé de thermolyse qui vient casser les liaisons chimiques entre les composants du pneumatique pour en faire ressortir la matière première. Avec ce processus, on peut récupérer trois produits : le fioul dérivé de pneu, l’équivalent d’un noir de carbone recyclé et une partie de ferraille. Mais il ne s’agit que d’un pilote industriel pour l’instant. Enfin, il existe une troisième façon de recycler les déchets de pneumatiques : la valorisation énergétique. Ici, le pneu est broyé et part en cimenterie, où les broyats sont utilisés à la place du fioul. L’ordre le plus vertueux, qui correspond aux objectifs de la filière, c’est le réemploi en priorité, puis la valorisation matière et enfin, la valorisation énergétique.

Comment se répartissent ces trois filières de valorisation en termes de volume ?

G.P. : La part de réemploi est assez stable car statistiquement, sur l'ensemble des pneus collectés, on aura toujours entre 10 et 15% de pneus valorisables : on ne peut pas remettre sur la route des pneus qui ne peuvent plus rouler et les gens font globalement attention à les changer lorsqu’ils sont vraiment bien usés. Et on ne peut réparer qu’une certaine typologie de pneus. La valorisation matière représente aujourd’hui environ 35% des déchets de pneus collectés et la valorisation énergétique représente la part la plus importante : un peu moins de 50%. Il faut savoir que la réglementation nous contraint à faire moins de 50% de valorisation énergétique. Avec cette limite réglementaire et en considérant que la part de réemploi est assez fixe, il est évident qu’il faudra faire émerger de nouvelles filières pour les 35% de valorisation de matière ! D’autant qu’une directive européenne remet en question l’utilisation des granulats de déchets pour la fabrication de pelouses synthétiques (voir le focus en fin d’interview), ce qui menace la filière.

Ligne de broyage (Photo Aliapur, DR)
Ligne de broyage (Photo Aliapur, DR)

Quels sont les objectifs pour la collecte et le recyclage de pneumatiques en France ?

G.P. : Nous sommes en pleine période de réorganisation dans le cadre de la loi Agec, qui encadre la filière REP (responsabilité élargie du producteur). Le cahier des charges associé à ce décret n’est pas encore disponible mais globalement l’objectif est d’aller vers le plus de recyclage possible. Les objectifs globaux de la filière sont toujours de collecter l’ensemble des déchets et les valoriser de la meilleure des façons. Mais aussi de s’assurer que l’écocontribution est correctement appliquée.

Bon à savoir

Les déchets de pneumatiques sont gérés selon le principe de la responsabilité élargie des producteurs (REP) : ceux qui mettent des pneus sur le marché (manufacturiers, importateurs…) doivent assurer la collecte et le traitement de ces déchets.

Quel est le montant de cette écocontribution ?

G.P. : Sur une voiture, son montant est de 1,40 €. Aujourd’hui, il ne figure pas sur les factures et la filière recommande de rendre cette mention obligatoire. L’écocontribution est obligatoire mais le fait de l’inscrire sur les factures permettrait aux automobilistes d’en prendre conscience. Il existe malheureusement des dérives, certains ne déclarent pas les pneus mis sur le marché, d’autres trichent en assurant à leurs clients qu’ils paieront eux-mêmes cette écocontribution, sans jamais la reverser. Nous pouvons faire remonter les grosses anomalies, mais nous ne pouvons pas tout contrôler… Il faut que tout le monde joue le jeu et rentre dans la filière !

Le cas des pelouses synthétiques

Des deux éco-organismes français, Aliapur est celui qui collecte le plus gros tonnage de déchets de pneumatiques. Environ 25% de son gisement est transformé en granulats pour les terrains de sport. « Dans un gazon synthétique, les fibres de gazon sont en matière plastique et les granulats de pneumatique viennent recréer l’effet amortissant de la terre et maintenir les fibres plastiques droites », explique Hervé Domas, le directeur général d’Aliapur. Il s’inquiète des discussions actuelles à la Commission Européenne, autour d’une potentielle interdiction de cette valorisation.


L’institution craint que les granulats soient source de pollution s’ils s’éparpillent dans la nature. « Sur 10 ans, on remet environ 10 tonnes de granulats sur un terrain. Cela peut sembler énorme mais en réalité, 70% de ces remplissages ont lieu lors des 2 premières années d’utilisation, car quand le terrain est neuf et reçoit les premiers appuis, les granulats se compactent ! Et pour le reste des déperditions, il y a des mesures simples à mettre en place : installer des rigoles ou des caillebotis pour essuyer les crampons par exemple... Si demain, la Commission Européenne l’interdit, des entreprises disparaîtront et je n’imagine pas de voie de remplacement », alerte-t-il. La décision de la Commission Européenne devrait être rendue fin avril.

A retenir

Les gisements de pneus usagés viennent des garages, déchèteries et metteurs sur le marché. Il existe différentes façons de valoriser un déchet de pneumatique :

  • La valorisation énergétique pour un peu moins de 50% des pneus collectés : le pneu est broyé et utilisé en cimenterie, où il remplace le charbon ou le fioul comme combustible ;
  • La valorisation matière pour 35%  : granulats pour les travaux publics ou les pelouses synthétiques ; broyats en aciérie (pour remplacer l’anthracite) ;
  • Le réemploi pour 10 à 15% : réutilisation ou réparation / rechapage.