À Reims, les décisions sur la circulation automobile et les transports font débat
Depuis 2021 et l’entrée en vigueur de la réglementation « Zone à faibles émissions » à Reims, la mobilité au coeur de la cité a beaucoup évolué. Si la ville a renforcé son offre de transports, les automobilistes s’interrogent toujours sur les alternatives proposées. Comment vivent-ils ce changement ? Pour le savoir, nous sommes allés à leur rencontre.
Dans la métropole du Grand Reims, la Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) vient de fêter ses 3 ans de fonctionnement. Mise en place depuis septembre 2021, elle exclut les véhicules Crit’Air 4 (depuis 2023), 5 et non classés, qui ne peuvent donc plus circuler dans le périmètre de la ZFE-m. Celui-ci est délimité par les boulevards de la rocade interne : Lundy, Paix, Pasteur, Victor Hugo, Dieu Lumière, Docteur Henri Henrot, Paul Doumer, Louis Roederer et Joffre. Parallèlement à l’exclusion des véhicules les plus polluants, le Grand Reims a inauguré, début septembre 2024, une nouvelle offre de transports. À travers un réseau étendu desservant les 143 communes de la métropole, des lignes de bus express, des zones de transport à la demande (TAD) et le développement de lignes de covoiturage ont été mis en place.
Pour comprendre comment les habitants appréhendent ce nouveau contexte, nous nous sommes rendus, jeudi 17 octobre 2024, dans le centre-ville, et avons tendu notre micro aux passants. (À découvrir dans notre micro-trottoir en vidéo ci-dessus). Et le soir même, nous avons retrouvé une centaine d’automobilistes venus assister à une table ronde organisée par Roole, lors de laquelle ils ont pu débattre et poser leurs questions à deux intervenants : Thomas Matagne, président fondateur d’Ecov, opérateur des lignes de covoiturage Covoit’ici déployées dans le Grand Reims, et Serge Hiet, maire de la commune de Val-de-Vesle dans le Grand Reims. Un représentant de la métropole avait également été convié à cette table ronde, mais il n’a malheureusement pas pu être présent. Son absence était d'autant plus préjudiciable que les Rémois s'interrogent sur les choix de la métropole en matière de mobilité.
La voiture toujours au centre de la mobilité des Rémois
« J’utilise ma voiture tous les jours pour venir au travail, j’habite à 30 km de Reims, elle m'est donc vraiment indispensable », confie l’un des passants rencontrés dans le centre-ville. « Si on veut venir à Reims en transports, il faut se garer sur un [parking relais] puis prendre le tram… Les gens n’ont pas forcément ce réflexe car c’est contraignant au niveau du temps d’attente. On préfère que le trajet se fasse d’une traite », poursuit-il. Mais la circulation en voiture dans la ville des sacres n’est pas des plus aisées, estiment globalement les habitants… surtout depuis la destruction du pont Charles de Gaulle et le début des travaux de « la Voie des Sacres ».
« Je ressens de plus en plus de difficultés à circuler », nous confie un autre passant sur la place Drouet d’Erlon. « Le gros sujet, c’est le pont Charles de Gaulle. Je ne sais pas pourquoi on l’a détruit. Pour moi, c’est une ineptie », partage-t-il. Le maire de la ville, Arnaud Robinet, justifie ce choix en expliquant que ce pont était « surdimensionné, vieillissant et non structurant ». Cette décision, vivement critiquée car perçue comme une volonté de repousser les voitures en périphérie, a néanmoins été appliquée, accompagnée d'un projet d’aménagement des berges de la Vesle en lieu de vie et de promenade.
Le nouveau réseau de transport est-il suffisant ?
Dans ce contexte, certains habitants tentent de s’inscrire dans la mutation de la ville en se passant de leur voiture au maximum : pas simple dès lors qu’il s’agit de se rendre en périphérie de Reims. Pour cet usage, la nouvelle offre étendue de transports en commun ne semble pas encore convaincre les usagers… « J’habite dans l’un des 16 villages non desservis du Grand Reims et j’ai besoin de ma voiture pour aller à Reims », déplore une personne assistant à la table ronde. « Je vis aux Mesneux dans une zone de transport à la demande, mais les destinations proposées n’intéressent personne. (…) Il nous faut pouvoir aller à la gare située au centre de Reims ! », complète un autre habitant de la métropole. « Le nouveau réseau est bien, mais il faudrait l'élargir un peu pour y intégrer Tinqueux ou Cormontreuil… », ajoute une passante rencontrée près du Pont de Vesle.
Bon à savoir
Le secteur des transports est responsable en France de près de 30% des émissions de CO2.
Malgré ces réticences, le nouveau réseau de transport fait aussi des heureux. C’est le cas des habitants de la commune de Val-de-Vesle, dans laquelle un bus s’arrête désormais depuis début septembre. « C’est une chance et c’est un succès ! », se félicite le maire Serge Hiet. « Il y a des adolescents qui ont des cours de sport à Reims et qui peuvent y aller tout seuls en bus maintenant ».
Une ZFE difficilement acceptée dans la périphérie de Reims
Le développement de ce réseau de transports en commun fait partie des alternatives mises en place par la métropole pour compenser l’exclusion des véhicules les plus polluants de la ZFE-m de Reims. Un dispositif que les habitants ne voient pas toujours d’un bon œil. « C’est un système que l’on subit et pour lequel les politiques n’ont pas travaillé correctement en amont. Il n’y a pas assez de parkings gratuits ! », regrette une personne dans l’assemblée. « Évidemment, il faut faire quelque chose contre la pollution de l’air… Mais certaines personnes n’ont pas les moyens de s’acheter une voiture non polluante et sont discriminées même si elles l’utilisent peu », estime l’un des passants rencontrés place Drouet d’Erlon. « C’est problématique pour les commerçants du centre-ville, parce que ça exclut une partie de la population qui privilégie les zones commerciales Cora Nord ou Cormontreuil pour faire leurs achats », ajoute un autre.
Bon à savoir
Le Grand Reims et la ville de Reims proposent des aides allant jusqu’à 6000 euros pour les habitants qui se débarrassent d’un véhicule Crit’Air 3, 4, 5 ou non classé, pour l’achat ou la location d’une voiture électrique, GNV, hydrogène, hybride, hybride rechargeable, neuve ou d’occasion.
Pour l’instant, seuls les véhicules Crit’Air 4, 5 et non classés sont exclus de la ZFE-m, mais en 2029, les Crit’Air 3 devraient être à leur tour concernés.
Le covoiturage comme l’un des maillons de la transition
« Nous sommes dans une période de transition des mobilités. (…) Il ne faut pas opposer la voiture aux transports en commun, il faut que chaque mobilité trouve sa place, tout en diminuant l’empreinte carbone [du secteur] », considère le maire de Val-de-Vesle, Serge Hiet. Il s’agit donc de construire progressivement une intermodalité des transports, en s’adaptant aux contraintes du territoire. « Là où on ne peut pas développer les transports en commun, il faut permettre aux gens de covoiturer, avec un bon maillage et de la flexibilité », ajoute Thomas Matagne. « Notre objectif chez Ecov, c’est de faire de la voiture un transport collectif avec les lignes de covoiturage, et inclure ainsi la voiture dans un système global », ajoute-t-il.
Bon à savoir
En France, 83,8% des conducteurs sont seuls dans leur voiture le matin aux heures de pointe, d’après le dernier baromètre de l’autosolisme de Vinci Autoroutes.
Depuis 2023, plusieurs lignes de covoiturages ont été déployées dans le Grand Reims, dont une qui relie Ville-en-Tardenois à Reims ou à Bezannes, en passant par Pargny-Jouy et Tinqueux, mais aussi la ligne « vallée de la Suippe » qui relie Boult-sur- Suippe, Bazancourt et Warmeriville, puis descend jusqu'à Reims en passant par Witry-lès-Reims, ainsi que des lignes “solidaires” totalement gratuites, notamment entre Villiers-Allerand et Mailly-Champgne, ou de Courville à Basilieux-lès-Fismes. Une alternative encore assez méconnue des habitants de la métropole. « Il faut savoir prendre le temps, pour trouver un équilibre », conclut Serge Hiet.