Les voitures électriques ne sont pas faites pour les longues distances : vrai ou faux ?
On entend souvent dire que la voiture électrique n’est adaptée qu’aux déplacements en ville, et qu’elle ne permet pas de partir en vacances ou d’enchaîner de longues distances. Cette affirmation est-elle encore juste aujourd’hui ? La réponse de Laurent Perron, coordinateur des projets automobiles au Shift Project.

Selon l'Observatoire “Les automobilistes français face au passage à l’électrique : freins et leviers” de Roole, réalisé par l’Ifop en décembre 2024, 80 % des Français pensent que les voitures électriques sont réservées aux personnes qui ne font pas de grands trajets. Plus étonnant : 76 % des propriétaires de voitures électriques partagent cet avis ! Pour Laurent Perron, coordinateur des projets automobiles au Shift Project1↓, cette idée, valable il y a quelques années, n’a plus cours aujourd’hui. Explications.
Autonomie et capacités de recharge rapide : le combo gagnant
À la question « Les voitures électriques ne sont pas faites pour les longs trajets : vrai ou faux ? », Laurent Perron répond : « Ça a pu être vrai dans le passé. Mais ça l’est de moins en moins maintenant. Il est assez classique de voir des véhicules avec des batteries de suffisamment grande capacité pour pouvoir parcourir de 500 à 600 kilomètres sans recharger ». Quant à la moyenne, elle se situe aujourd'hui autour de 400 km WLTP. C’est suffisant pour répondre aux besoins des trajets longue distance.
Cela est d’autant plus vrai que le problème de la recharge sur autoroute appartient de plus en plus au passé. « Les installations de recharge sont suffisamment performantes et suffisamment répandues pour qu’on puisse faire, y compris des longs trajets, presque comme avec une voiture thermique », rassure l’expert du Shift Project. Rappelons en effet que depuis 2024, 100% des aires de services des autoroutes concédées sont équipées en bornes de recharge rapide. Au 30 juin 2025, cela représentait pas moins de 3 673 points de recharge répartis sur le réseau autoroutier français, dont 71 % délivrant une puissance supérieure à 150 kW2↓.
Mise en situation avec une Renault Mégane e-Tech
Pour étayer l'argument sur l'autonomie, prenons un exemple concret : celui d'un Paris-Lyon à bord d'une Renault Mégane e-Tech de 60 kW, une voiture électrique « standard ». Avec son autonomie WLTP de 480 km, la Mégane e-Tech récupère 384 km d’autonomie en cycle mixte en 28 min sur une borne ultra-rapide (150kW), en passant de 20 à 80 %. Son autonomie sur autoroute, à une vitesse de 120km/h, est d'environ 325 km. Dans les mêmes conditions de recharge (une petite demi-heure, sur une borne de 150 kW, de 20 à 80%), notre Mégane récupérera 260 km d’autonomie sur autoroute3↓. Avec une voiture électrique standard, une seule pause à mi-parcours suffit donc pour assurer un trajet Paris-Lyon sereinement. « Une demi-heure, grosso modo, c’est le temps d’une pause-café qu’on prend déjà avec une thermique, toutes les deux heures, sur autoroute », rappelle Laurent Perron.
Repenser notre façon de voyager
On l’a compris : une voiture électrique de puissance standard permet de parcourir des longues distances, à condition d’accepter de faire des pauses. On peut même aller plus loin qu’une simple pause recharge sur l’autoroute : « On peut profiter du trajet pour en faire une partie du voyage, en fractionnant les étapes », propose Laurent Perron. En d’autres termes, décider de voyager autrement, en « coupant la route » pour se donner l’opportunité de découvrir un nouvel endroit ou encore de rendre visite à un proche sur le trajet.
Pour l’expert du Shift Project, même si la voiture électrique répond aux besoins des longs trajets, il ne faut pas écarter pour autant les alternatives : « prendre le train et louer un véhicule électrique ou un vélo une fois arrivé », par exemple. Une option moins fatigante lorsqu’il s’agit de traverser la France, qui permet d’être tout de même mobile sur place. Mais qui reste chère, reconnaît-il.
Les longues distances : un besoin exceptionnel pour 93 % des Français
Pour Laurent Perron, la question doit être replacée dans son contexte : la majorité des trajets quotidiens est bien plus courte que ce qu’on imagine. « Quand on regarde les trajets moyens faits par les Français, une voiture électrique avec une batterie de l’ordre de 50 kWh suffit largement pour couvrir 80 à 90 % des kilomètres parcourus au quotidien », insiste-t-il. Une récente étude du Shift Project « Comprendre les trajets moyens-longs du quotidien pour les décarboner »4↓ souligne en effet qu’en France, seulement 7 % de la population mobile parcourt plus de 50 kilomètres de leur domicile par jour. Pour les 93 % restants, une voiture électrique “standard” répond largement aux besoins du quotidien.
Le problème se pose pour certains métiers : commerciaux, infirmières, aides à domicile… « Même si ces cas-là peuvent nécessiter d’avoir des batteries de grande capacité ou de réorganiser leur tournée, pour l’écrasante majorité des conducteurs, ça ne pose pas de difficulté », nuance Laurent Perron. En clair, la voiture électrique ne convient pas à tous les profils de conducteurs, mais elle couvre déjà l’essentiel des usages.
Le verdict
Alors, « les voitures électriques ne sont pas faites pour les longues distances » : vrai ou faux ? Faux, et de plus en plus faux. Les progrès techniques des batteries et l’essor des bornes rapides rendent la voiture électrique crédible pour la grande majorité des déplacements, y compris sur de longues distances. Et ce n'est pas fini !
- ↑ : Le Shift Project est le think tank qui œuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone.
- ↑ : Source : ASFA
- ↑ : Sources : Automobile Propre et Renault
- ↑ : Rapport d’étude « Comprendre les trajets moyens-longs du quotidien pour les décarboner » réalisé par le Shift Project en juin 2025.



