ZFE de Toulouse et alternatives à la voiture : qu’en pensent les habitants de la Métropole ?

A Toulouse, une Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est en place pour les voitures particulières depuis début 2023. Un an et demi après la mise en œuvre des premières restrictions, que pensent les automobilistes de ce dispositif et des alternatives proposées par la métropole en termes de mobilité ? Pour le savoir, nous sommes allés à leur rencontre dans celle qui sera bientôt la troisième ville de France.

Florence Martin, rédactrice en chef du média Roole
Florence Martin
Une quinzaine d'automobilistes toulousains ont répondu à nos questions sur la ZFE. ©Roole

Pour connaître la perception qu’ont les automobilistes de la ZFE-m (ou ZFE), nous nous sommes d’abord rendus dans le centre-ville de Toulouse, au cœur même du périmètre de la ZFE, le temps d’un micro-trottoir (à découvrir en vidéo ci-dessus ou ici). Le soir même, jeudi 23 mai, nous avons assisté à une table ronde organisée par Roole sur le thème de la ZFE, lors de laquelle une quarantaine de membres du club automobile ont pu poser leurs questions à deux intervenants : Jean-Michel Lattes, deuxième adjoint au Maire de Toulouse, Vice-président de Toulouse Métropole et Président de Tisséo Collectivités, et Grégoire Dutot, Directeur adjoint de l'énergie et de la connaissance à la DREAL Occitanie*.

Le 23 mai 2024, Grégoire Dutot (à gauche) et Jean-Michel Lattes (au milieu) intervenaient à la Table ronde organisée par Roole et animée par Yann Fernandez. ©Roole
Le 23 mai 2024, Grégoire Dutot (à gauche) et Jean-Michel Lattes (au milieu) intervenaient à la Table ronde organisée par Roole et animée par Yann Fernandez. ©Roole

L’occasion de refaire le point sur le « pourquoi » de la zone à faibles émissions mobilité, un dispositif mis en place par la France pour se conformer à la réglementation européenne, dont l’objectif premier est l’amélioration de la qualité de l’air. « Le point de départ, c'est la santé des personnes. [La pollution atmosphérique, NDLR], c'est 40 000 morts prématurés par an sur le territoire national », a tenu à rappeler Jean-Michel Lattes au début de la table ronde. Sur ce point, peu de débat au sein de l’opinion. « Tout ce qui peut contribuer à réduire la pollution de l'air est bienvenu, et notamment en ville, où on a besoin de pouvoir respirer, tout simplement », nous a lancé un passant lors du micro-trottoir.

C'est toute la difficulté de ce sujet : en termes de santé publique, la ZFE est indispensable. Mais son impact sur les personnes et leur vie quotidienne peut être considéré comme inacceptable.

Jean-Michel Lattes

La ZFE de Toulouse : on en est où ?

Depuis le 1er janvier 2023, les véhicules particuliers Crit'Air 4, 5 et non classés sont exclus du périmètre de la ZFE de Toulouse Métropole, qui englobe tout Toulouse à l’intérieur de la rocade ainsi que les petites parties des communes de Colomiers et Tournefeuille situées à l’intérieur du périphérique, soit un périmètre de 72 km2. Initialement, les véhicules Crit'Air 3 devaient être exclues à leur tour à compter du 1er janvier 2024. Mais en octobre 2023, la Métropole a décidé de repousser l’échéance. « Dans un premier temps, on avait intégré les Crit'Air 3 dans l'exclusion des ZFE, puis avec l'amélioration des chiffres de qualité de l’air et la mesure des contraintes qu'elle a entrainées, on a décidé de laisser la ZFE accessible aux Crit’Air 3. On a vu des cas très douloureux de personnes qui se retrouvaient exclus de la mobilité à cause de ces contraintes. C'est toute la difficulté de ce sujet : la ZFE, en termes de santé publique, est indispensable. Mais son impact sur les personnes et leur vie quotidienne peut être considéré comme inacceptable. » Ainsi, ce report d’échéance a été rendu possible par la tendance positive en termes de qualité de l’air, comme l'a précisé Grégoire Dutot lors de la table ronde : « Au niveau de la métropole toulousaine, on observe une diminution de 30 % des morts causées par la pollution atmosphérique en dix ans ». Mais aussi grâce à son statut de "territoire de vigilance", qui contraint « seulement » les métropoles à interdire l’accès de leur ZFE aux véhicules non classés au 1er janvier 2025.

Depuis juin 2023, Toulouse fait partie des territoires de vigilance. ©Roole
Depuis juin 2023, Toulouse fait partie des territoires de vigilance. ©Roole

Avec son dispositif à date, la métropole toulousaine va donc plus loin que l’obligation. Néanmoins l'application reste souple. « Pour l’instant, il n'y a pas de verbalisation. Pourquoi ? Parce qu'il y a tout un système de caméras qui doit être mis en place », a admis Jean-Michel Lattes.

La course à la vignette Crit’Air 1 a démarré 

Notre micro-trottoir toulousain nous a donné l’occasion de constater que l’acronyme ZFE évoquait peu de choses aux automobilistes. Seul un conducteur sur une quinzaine d’interrogés a su nous en donner la définition avec précision. Même constat lors de la table ronde : malgré l’intérêt des participants pour le sujet, ils sont moins de la moitié à avoir levé la main à la question « savez-vous ce qu’est une ZFE ? ». En revanche, les automobilistes connaissent bien le dispositif Crit’Air, le système de vignette qui classe les véhicules en fonction de leur niveau de pollution (déterminé par la date de mise en circulation du véhicule et sa motorisation), sur lequel s'appuient les ZFE en France pour mettre en place leurs restrictions de circulation.

Parmi les répondants au micro-trottoir, ils sont un certain nombre à avoir pris les devants sur la réglementation en s’équipant d’un véhicule récent. « J'avais un véhicule qui était classé Crit’Air 5 donc j'ai changé pour passer Crit’Air 1. Je l'aurais peut-être gardé un peu plus longtemps si j'avais pu continuer à rouler avec », nous a confié un automobiliste. « J’ai une hybride donc je ne suis pas impacté, j’ai anticipé », s'est félicité un autre.

Le stationnement : premier rempart contre la circulation automobile

Néanmoins le fait de posséder une voiture propre ou récente ne suffit pas à circuler sans difficulté dans la capitale de Haute-Garonne. Plusieurs automobilistes interrogés ont déclaré ne pas être impactés par la mise en place de la ZFE, non pas parce que leur véhicule est compatible en termes de vignette Crit’Air mais simplement parce qu’ils ont renoncé à circuler en voiture à Toulouse. « Pour aller travailler en centre-ville, je laisse ma voiture au parking, je prends le métro et je la récupère le soir. Ça me permet de ne pas payer de parking supplémentaire à Toulouse, c'est inclus dans l'abonnement Tisséo », s’est réjouie une jeune femme, trouvant son nouveau mode de déplacement quotidien « bien plus simple ». « Je prends pas mal le bus. Je gare ma voiture en périphérie parce que je n’ai pas envie de payer le parking de la ville. Pour aller au travail à Narbonne, je prends la voiture », a ajouté une autre habitante de la Métropole.

Centraux dans le dispositif de multimodalité, les parkings-relais semblent jouer leur rôle. Même si une marge de progression existe, comme l’a concédé Jean-Michel Lattes : « On a des parkings relais récents mais il manque, sur une partie du territoire, une capacité de stationnement qui pourrait faciliter l'usage des transports en commun. (…) On a prévu toute une série de constructions et on travaille beaucoup sur les corridors (pour permettre à tous les véhicules d’accéder aux parking-relais, NDLR) ». A noter que ces parkings sont entièrement gratuits, dès lors qu’on utilise le réseau de transports Tisséo, et ouverts 24 heures sur 24.

Les transports en commun : ça roule pas mal à Toulouse

Même si côté transports en commun, il reste « beaucoup à faire », dixit une habitante de la métropole interrogée en micro-trottoir, ceux-ci sont plutôt plébiscités par les automobilistes : « On a ce qu'il faut en termes de réseau bus, tram, TAD (transport à la demande, NDLR) autour de Toulouse. C’est parfois plus long que la voiture mais si tu ne veux pas galérer pour le stationnement (…) ou si tu ne veux pas prendre la voiture pour un souci économique ou écologique, il y a des possibilités », a déclaré un passant, nuançant qu’il ne viendrait pas travailler dans le centre de Toulouse en voiture s’il ne bénéficiait pas d’une place de stationnement.

Dans le vaste dispositif de transports en commun, il y a un maillon qui nourrit autant d’espoirs que de doutes, c’est « la troisième ligne », c’est-à-dire la ligne C, qui doit voir le jour en 2028. « La troisième ligne de métro à Toulouse va dans le bon sens mais je ne suis pas sûr qu’elle règle tous les problèmes », s'est questionné l’un des répondants à notre micro-trottoir. Elle affiche pourtant de grandes ambitions en termes d’allègement de la circulation. « Les chiffres sont très bons sur les trajets domicile centre-ville mais sur les zones d'emploi, on a une volonté d'amélioration. L'enjeu de la troisième ligne, c'est de passer d’une personne sur trois en accessibilité à son travail à deux personnes sur trois », a annoncé Jean-Michel Lattes.

Vélo, covoiturage, autopartage… : Toulouse en a encore sous le pied

Les répondants au micro-trottoir s’accordent globalement à considérer le vélo comme une alternative intéressante à la voiture. « Pourquoi ne pas se remettre au vélo ? Ça fera du bien à tout le monde », a lancé un jeune retraité à notre micro. D’autant que les infrastructures sont de qualité ! « Toulouse, par rapport aux pistes cyclables, c'est vraiment bien », s’est encore enthousiasmée une jeune femme. Développer l’usage du vélo fait partie du plan de protection de l'atmosphère mis en œuvre par l’agglomération toulousaine. « Ça suppose des équipements, ça suppose des aides. Il y a des subventions pour acquérir des vélos, des vélos électriques, il y a des vélos mis en libre-service. Tout ça, ce sont des investissements pour permettre d'accompagner ce changement », a commenté Grégoire Dutot plus tard dans la soirée.

Le covoiturage ou l'autopartage, en revanche, n’ont pas été cités spontanément parmi les modes de transport alternatifs au cours de notre micro-trottoir. « Ce qui bloque encore (le déploiement du covoiturage, NDLR), a argumenté Jean-Michel Lattes, c'est le côté pratique. Il faut être aux mêmes horaires que la personne sur une zone géographique voisine. On a eu une très belle réussite sur la zone aéroportuaire, où on a mis en place avec Airbus et les grandes entreprises un plan de covoiturage. Mais cela reste des chiffres assez limités. » L’autopartage a en revanche été évoqué par l’un des participants à la table ronde, qui déplore le nombre de voitures, inutilisées la plupart du temps, qui encombrent la voierie. « Pour l'autopartage à Toulouse, on a Citiz, dont Tisséo est actionnaire. Ça fonctionne pas mal mais le Toulousain, comme le Français, reste attaché à son propre véhicule », a rappelé Jean-Michel Lattes. Mais là encore, on n’est pas au bout du chemin : « Renault nous a demandé des places réservées en centre-ville de Toulouse pour expérimenter l'autopartage sur un modèle un peu différent de celui de Citiz », a-t-il ajouté.

Lors de la table ronde, les automobilistes présents ont pu poser toutes leur questions. ©Roole
Lors de la table ronde, les automobilistes présents ont pu poser toutes leur questions. ©Roole

Vers un durcissement de la ZFE-m ?

« Faut-il craindre un durcissement de la ZFE ? » A cette question posée en table ronde, Jean-Michel Lattes a répondu de manière rassurante. « Je crois qu'on va être sur une forme de stabilisation des critères qu'on connaît aujourd'hui ». « La réglementation est pragmatique concernant les ZFE. S'il n'y a pas de pollution de l'air – et elle est bien observée au niveau de la métropole toulousaine - il n'y a pas forcément besoin d'aller interdire les Crit’Air 3, 2 et 1 », a abondé Grégoire Dutot. Rien à signaler non plus concernant une éventuelle extension du périmètre de restrictions.

* La Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL)

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