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La voiture à hydrogène est-elle une solution d’avenir ?

Par Lionel Robert

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On en parle parfois comme du nouvel or vert… c’est même le principal composant de l’univers. L’hydrogène serait le carburant du futur et l’automobile à pile à hydrogène, la remplaçante désignée de la voiture électrique. Mais entre fantasme écologique et réalité industrielle, il y a souvent un pas. On fait le point sur la voiture à hydrogène.

Article mis à jour le 4 avril 2023

Si les ingénieurs s’accordent bien sur un point, c’est celui-ci : source d’énergie abondante, l’hydrogène permet une mobilité décarbonée. Lorsqu’on utilise un véhicule à pile à combustible hydrogène, en effet, on ne rejette que de l’eau (H2O) ou de la vapeur d'eau, éléments nés du rapprochement de l’hydrogène (H2) contenu dans un réservoir hautement pressurisé avec l’oxygène (O2) de l’air inspiré. Comme le relate Yves Faurisson, en charge des activités hydrogène pour le Groupe Michelin : « L’hydrogène autorise un usage tel qu’on le connaît aujourd’hui pour les voitures thermiques : ravitaillement rapide et autonomie accrue. » Chez Michelin, qui investit depuis plus de 20 ans dans la technologie hydrogène à travers sa filiale Symbio partagée avec Faurecia, on recense déjà des applications concrètes. Certains utilitaires légers du groupe Stellantis, par exemple, viennent d’être lancés en version "fuel cell" dite "pile à hydrogène".

Si leurs utilisateurs en sont ravis, ils se contentent, actuellement, de sillonner les routes proches du site de distribution. On ne dénombre aujourd’hui qu’une poignée de stations à hydrogène, à comparer aux 11000 stations-services et aux 95755 points de charge* pour véhicules électriques recensés dans l'Hexagone. Il faut dire que leur coût d’installation, supérieur à 1 million d’euros l’unité, ne simplifie pas leur développement. Plusieurs milliards d’euros seront ainsi nécessaires pour mailler le territoire. Sans parler du tarif prohibitif de ce nouveau carburant : autour de 12 € le kilo sachant qu’un kg d'hydrogène permet de parcourir 100 kilomètres environ. Pour autant, le principal frein à l’essor de la voiture hydrogène est ailleurs.

La question cruciale de la production d’hydrogène

Même s’il existe à l’état naturel, dans les entrailles de la Terre, l’hydrogène ne s’extraie pas aussi aisément que le pétrole et ne se fabrique pas aussi facilement que l’essence ou le diesel. On n'a, pour l’instant, pas d’autre choix que de le produire via une technique largement éprouvée, baptisée le vaporeformage. Cela consiste à capter l’hydrogène contenu dans une ressource fossile, le gaz méthane le plus souvent. 95 % de l’hydrogène actuellement utilisé est fabriqué ainsi.

La production d’1 kg d’hydrogène gris émet 10 kg de CO2.

Ce procédé comporte malheureusement deux gros défauts : il consomme du méthane, gaz naturel et ressource terrestre non renouvelable (à l’instar du pétrole, autre énergie fossile que nous mettons dans nos voitures) et il est très émetteur de CO2, le plus célèbre des gaz à effet de serre. La production d’un kg d’hydrogène émet 10 kg de CO2 ! Une solution peu vertueuse et en complet désaccord avec la transition énergétique amorcée dans le secteur des transports…

Il faut donc trouver une autre façon de produire de l’hydrogène et certains s’y emploient. « Nous avons lancé un projet ambitieux en région Rhône-Alpes, poursuit Yves Faurisson, qui consiste à développer un réseau de 20 stations qui distribueront de l’hydrogène vert, c’est-à-dire issu d’électricité renouvelable. » En clair, il s’agit d’utiliser l’électricité générée par l’énergie solaire, éolienne ou hydroélectrique pour produire de l’hydrogène dans des électrolyseurs. Cela consiste à faire passer un courant électrique entre deux électrodes plongées dans l’eau pour en dissocier la molécule d’hydrogène de celle d’oxygène. Si la réaction chimique est bien connue et le procédé bien maitrisé, la mise en place de telles infrastructures s’annonce longue et coûteuse, et il est impossible aujourd’hui d’estimer le temps nécessaire pour passer de l’hydrogène gris, à l’intérêt écologique douteux, à l’hydrogène vert, qui tient encore de la chimère à grande échelle. La route passera peut-être par l’hydrogène bleu. Comprenez de l’hydrogène gris dont on réussirait à neutraliser les émissions de CO2 par du stockage ou de la réutilisation dans d’autres processus industriels.

L’autre écueil au développement du véhicule hydrogène : la distribution

Une fois produit, cet hydrogène doit être acheminé vers son lieu de distribution, comme on le fait pour l’essence ou le gazole. En effet, il ne parait pas réaliste d’envisager seulement une production locale. Pour être transporté par camion-citerne, l’hydrogène doit être comprimé à 200 bars ou liquéfié à -253°C, avant d’être introduit sous une pression de 700 bars dans le (ou les) réservoir(s) ultra étanche(s) d’une automobile. Cela signifie qu’un camion capable de transporter 38 tonnes de super sans plomb doit se contenter de déplacer 3 tonnes d’hydrogène. Cela risque de sérieusement encombrer nos axes routiers, sans parler de la consommation d’énergie de cette gigantesque flotte de mastodontes. Une première solution pourrait consister à utiliser les actuels gazoducs, en veillant à contrôler leur parfaite étanchéité, mais il restera toujours le problème des derniers kilomètres à parcourir entre le lieu de stockage et la station accessible au public.

L’espoir : l’hydrogène est un formidable vecteur d’énergie

Compliqué et cher à produire, à stocker et à distribuer, le carburant hydrogène n’est donc pas prêt de couler dans les réservoirs des particuliers. Cette nouvelle source d’énergie s’adresse avant tout aux flottes, comme en atteste le plan hydrogène lancé par les pouvoirs publics. L’objectif le plus ambitieux évoque la mise en circulation de 50 000 véhicules utilitaires et de 2 000 poids-lourds à l’horizon 2028, alimentés par 1 000 stations de production locale. Ce qui serait déjà un bel exploit.

Reste que si l’hydrogène n’a pas vocation à se substituer au sans plomb pour alimenter les moteurs du futur, il fait figure de vecteur d’énergie idéal. « Il faut prendre du recul, remarque Yves Faurisson. Dans un futur proche, nous serons amenés à produire de grandes quantités d’électricité d’origine renouvelable. Par définition, cette production sera intermittente et se fera en un temps et en un lieu qui ne correspondront pas à celui de la consommation. Nous serons donc confrontés au besoin de stocker cette énergie d’origine renouvelable. La transformer en hydrogène pour permettre son stockage et son transport deviendra une évidence. Une fois distribué à l’endroit où vous en avez besoin, cet hydrogène, vecteur d’énergie, pourra être utilisé comme carburant dans des véhicules ». CQFD, pourrait-on ajouter. Et ce sont naturellement les véhicules lourds - camions, bus à hydrogène - qui en seraient les premiers bénéficiaires, car la technologie hydrogène leur permet de conserver de grandes autonomies sans altérer leur charge utile. Autant dire que les véhicules électriques à batterie, dont la popularité est grandissante, ont de beaux jours devant eux avant que les voitures à pile à combustible hydrogène ne viennent menacer leur part de marché.

Une automobile à hydrogène, comment ça marche ?

Même si des projets existent, dont certains ont été présentés au Mondial de l’Automobile en 2022, seules deux voitures sont aujourd’hui commercialisées avec une technologie hydrogène offrant plus de 600 kilomètres d’autonomie  : le SUV Hyundai Nexo (à partir de 80500 €) et la berline Toyota Mirai (à partir de 71500 €). Autant dire que le choix est limité et… onéreux ! D'autant plus que ni l’une ni l’autre ne bénéficie du bonus écologique. Ces deux modèles disposent d’une pile capable de produire de l’électricité en mélangeant l’hydrogène contenu dans leurs réservoirs - comprimé à 700 bars - avec l’oxygène prélevé dans l’air. L’énergie créée par la pile alimente un moteur électrique ou transite par une batterie tampon, avec pour seul rejet de l’eau à l’échappement. La conduite d’une voiture à hydrogène se distingue par sa douceur, son silence et l’absence d’émissions de CO2, comme pour une automobile 100 % électrique. Mais elle offre un avantage non négligeable : contrairement à un véhicule électrique que l'on doit brancher pendant de longues minutes à une borne de recharge, le ravitaillement d’une voiture à hydrogène se fait en quelques minutes, comme un plein de sans plomb dans une automobile thermique… à condition de trouver une station-service qui en délivre.

* 95755 points de recharge ouverts au public en France au 31 mars 2023 d’après l’AVERE. Un point de charge correspond à une prise publique permettant de recharger une voiture électrique ou hybride rechargeable.