Les Français ne sont pas prêts à remplacer leurs véhicules thermiques
D'ici 2025, plus de la moitié du parc automobile roulant en France ne sera plus utilisable, d’après le nouvel Observatoire Roole/ Ipsos. Malgré ce constat, les Français sondés ne semblent pas enclins à remplacer dans les temps leur véhicule thermique par un modèle moins polluant.
Publié en novembre, l'Observatoire 2022 de Roole réalisé avec Ipsos pose (parmi d’autres) une question de taille : est-il possible d'atteindre les objectifs nationaux et européens en termes de mobilité automobile durable ? Alors que la loi votée par l’Assemblée Nationale en juin 2019 prévoit l'interdiction à l'horizon 2040 de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles, le Parlement Européen a décidé en juin 2022 de fixer cette date à 2035. Dans le même temps, les collectivités réglementent de plus en plus la circulation dans les villes et métropoles, en mettant en place des zones à faibles émissions-mobilités (ZFE-m) qui interdisent ou limitent l’accès à certains périmètres - plus ou moins étendus - selon le niveau d’émission polluante.
Dans les principales métropoles françaises mettant en place ces ZFE-m, les véhicules classés Crit’Air 3 et au-delà ne pourront circuler d’ici 2025. Autant de paramètres qui poussent peu à peu vers la sortie les voitures les plus polluantes. L’Observatoire Roole/Ipsos le souligne d’ailleurs : environ 60 % du parc automobile roulant ne serait plus utilisable en l’état en 2025, si l’on tient compte des restrictions mises en place et du nombre de vignettes Crit’Air délivrées en France. D’après les statistiques 2021 du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « sur les 8,1 millions de voitures de résidents d’intercommunalités concernées à plus ou moins long terme par la mise en place d’une ZFE-m, 30,1 % relèvent de la vignette Crit’Air "zéro émission" ou Crit’Air 1 ». La majorité des véhicules concernés par une future Zone à faibles émissions en seront donc, à terme, exclus.
Jongler entre les véhicules du ménage
La grande majorité des Français interrogés pour l’Observatoire possède un véhicule thermique (88 %) et nombre d’entre eux seront confrontés à ces interdictions à plus ou moins long terme. Malgré tout, 67 % trouvent trop coûteux de changer de motorisation et dans le cas où ils seraient concernés par une ZFE-m, 19 % admettent qu’ils ne la respecteraient pas, quand seuls 7 % feraient le choix d’acheter un nouveau véhicule.
Mais alors, si trop peu de Français sont déterminés à changer leur véhicule, comment envisager leur mobilité malgré les restrictions ? Le sociologue Yoann Demoli invite à prendre de la hauteur pour analyser ces données. « C’est quasiment 1 véhicule sur 2 qui sera soumis à des restrictions, mais ce chiffre peut être minoré. En réalité, beaucoup de ménages possèdent deux véhicules, avec souvent l’un qui est plus vieux que l’autre », fait-il remarquer. « Ils peuvent utiliser leur véhicule le plus ”propre” pour rouler dans les ZFE pendant les restrictions et jongler entre les deux », ajoute Yoann Demoli. Selon l’Observatoire, 45 % des foyers français interrogés déclarent en effet posséder 2 voitures ou plus.
Budget et défiance
Une façon donc d’échapper au changement de motorisation, tout en respectant les restrictions dans la mesure du possible. « L’argument économique est massif. Les constructeurs automobiles ont joué sur l’effet qualité et valorisent l’achat de véhicules lourds et équipés plutôt que de véhicules d’entrée de gamme. Cela est relativement récent », relève le sociologue. « Il est de plus en plus compliqué pour les ménages moyens d’acheter un véhicule neuf, même les moins chers. » Il souligne aussi un « effet de structure » qui explique la disparité entre les grandes métropoles et les petites communes de moins de 20 000 habitants : « Les ménages en ville sont un peu plus riches et s’équipent mieux, ils sont aussi souvent plus sensibles aux problématiques environnementales. » Paradoxalement, l’Observatoire Roole/Ipsos précise que parmi les 67 % de Français freinés par des problématiques économiques, 74 % sont situés dans de grandes agglomérations quand 69 % vivent dans de petites communes. Un positionnement qui s’explique, d’après Yoann Demoli, par le coût du foncier en ville, qui réduit de fait le budget consacré aux transports et à l’achat de véhicules par ces ménages.
Enfin, le sociologue souligne une certaine réticence en France, ainsi qu’une défiance envers le discours politique. Une donnée confirmée dans l’Observatoire : parmi les 54 % de Français interrogés qui ont déclaré ne pas prévoir de remplacer leur véhicule thermique par un véhicule plus respectueux de l’environnement dans les deux prochaines années, on trouve des « amateurs éclairés » qui considèrent que le coût écologique de la conception d’un véhicule électrique est trop important. Mais aussi des « pragmatiques », qui trouvent que les technologies ne sont pas suffisamment évoluées en l’état, et des « défiants » qui estiment que les injonctions à s’équiper de véhicules propres sont le fait d’un lobbying.
Ajout plutôt que substitution
Finalement et alors que 56 % des sondés assurent ignorer ce qu’est une ZFE-m, il est difficile d’entrevoir un futur proche dans lequel les Français se sépareraient de bon gré de leurs véhicules les plus polluants. « D’autant que très souvent, le véhicule électrique ne se substitue pas au thermique mais s’y ajoute », fait remarquer le sociologue. « Ces ménages qui résident le plus souvent dans des pavillons ou habitats individuels, qui peuvent donc facilement installer une borne de recharge, utilisent leur véhicule électrique pour les trajets courts et gardent leur(s) véhicule(s) thermique(s) pour le reste. »
Et en effet, le manque d’infrastructures de recharge à domicile ou au travail est mentionné par 33 % des urbains pour qui le prix de l’électrique est un frein. Pour Yoann Demoli, nous sommes donc assez loin de la fin du véhicule thermique, surtout en tenant compte de la dépendance générale à l’automobile pour les déplacements contraints (domicile-travail en particulier). « Souvent, le besoin d’un véhicule est corrélé à l’emplacement de la résidence principale. Or on change moins facilement de maison que de voiture », conclut Yoann Demoli.
L’Observatoire Roole/Ipsos en chiffres
- 9 Français sur 10 sont motorisés
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