Bornes de recharge publique : déploiement, maintenance, prix… Où en est-on ?
Le 5 mai 2023, le cap symbolique des 100 000 points de recharge électrique publics était atteint sur le territoire français. Mais depuis le bruit provoqué par l’atteinte de cet objectif, où en est-on ? À l’approche de la fin de l’année, l’heure est au bilan et à la projection.
Sommaire
Au 3O novembre 2023, on dénombrait 114 386 points de recharge publics installés en France, soit une augmentation de 48% en un an et de plus de 14% depuis le 5 mai 2023, date à laquelle le cap symbolique des 100 000 bornes a été atteint sur le territoire. Le déploiement est donc toujours en cours et a même tendance à s’accélérer, pour se diriger assurément vers le prochain objectif du gouvernement, à savoir : 400 000 bornes publiques installées en 2030. Mais ce déploiement n’est pas encore optimal pour répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire. « La répartition se trouve encore inégale – avec des régions comme la Bretagne ou le centre de la France qui sont moins pourvues », est-il souligné dans le Tome 3 du rapport Hit The Road « Déploiement de la recharge dans les zones à pourvoir »*. « Les usagers doivent pouvoir emprunter tous les itinéraires du pays sans faire de grands détours pour se charger : les ‘zones à pourvoir’ doivent donc faire l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics, pour augmenter l’attractivité de l’électrification et réduire l’anxiété à la recharge », est-il ajouté.
Les « zones à pourvoir », plus communément appelées « zones blanches » sont situées en particulier sur la « petite itinérance » à l’échelle départementale, mais aussi à l’échelle locale, pour les utilisateurs qui ne disposent pas d’une solution de recharge privée. Selon l’étude Hit The Road, il ne s’agit pas d’atteindre une répartition homogène des bornes sur toute la France, mais de répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire, en fonction du parc de véhicules électriques, des distances parcourues ou encore de la disponibilité de la recharge à domicile. Les estimations sont proches de l’ambition affichée par le gouvernement, puisque les modélisations réalisées pour cette étude présentent un besoin compris entre 300 000 et 400 000 points de charge à horizon 2035.
Un enjeu de maintenance et de qualité de service
En mai dernier, Clément Molizon, délégué général de l’Avere-France – association nationale pour le développement de la mobilité électrique – expliquait à Roole qu’au-delà du nombre de bornes déployées, « il faudrait aussi répondre à des enjeux de qualité de service et de maintenance ». Et de ce côté-là, d’après une étude de l’UFC Que Choisir parue fin novembre dernier, il y a encore un peu de pain sur la planche ! « Seuls 74% des points de recharge accessibles au public fonctionnaient en permanence au second semestre 2022 », souligne l’étude. « Les niveaux de fiabilité et de disponibilité des bornes de recharge sont stables mais une part significative du parc, de l’ordre de 26%, ne fonctionne pas en permanence. Cette part monte à 39% dans le cas de la recharge rapide », ajoute l’UFC Que Choisir. De son côté, l’Avere-France relève un taux de disponibilité moyen de 81% en novembre 2023. Mieux, mais toujours pas optimal, d’autant qu’une enquête de l’Avere avec l’Ipsos datant de 2020 soulignait déjà que la panne des bornes était, pour 57% des répondants, la deuxième raison d’insatisfaction des utilisateurs, après l’occupation de la place de stationnement dédiée à la recharge. « Et il faudra aussi rendre accueillant l’environnement des stations de recharge », soulignait Clément Molizon en mai dernier. « Par exemple prévoir une tonnelle pour ne pas prendre la pluie pendant qu’on passe son badge, et si la station n’est pas sur une aire avec des lieux d’intérêt, il faudra en développer à proximité », ajoutait-il. Mais d’après l’Observatoire 2022 de l’AFIREV sur la qualité des services de recharge électrique accessibles au public, les conducteurs sont déjà « globalement satisfaits du service sur l’ensemble des lieux de recharge, avec en moyenne 83% de satisfaction ».
Des tarifs de recharge pas toujours clairs…
Au-delà du confort qui peut paraître superficiel, l’UFC Que Choisir pointe du doigt les tarifs pratiqués sur ces bornes publiques. « Des écarts de prix de plus de 800% entre deux opérateurs sur un même point de recharge peuvent être constatés », alerte l’association de consommateurs. « De plus, les formules tarifaires utilisées par les opérateurs sont particulièrement compliquées : elles peuvent se baser sur une tarification au kWh, une tarification à la minute, des frais fixes ou encore des frais de stationnement, amenant à des aberrations tarifaires », peut-on lire dans l’étude de l’association. « La recharge d’une Peugeot e-208 vous coûtera entre 7,35 € et 68,77 € à Lyon sur une borne lente, entre 7,19 € et 35,82 € sur une borne intermédiaire et entre 14,67 € et 36,9 € sur une borne ultrarapide, considérant l’opérateur de mobilité le plus avantageux et le plus cher », donne pour exemple l’UFC Que Choisir. Parfois même, des écarts importants de facturation au kWh ont été relevés sur une même borne, en fonction de la puissance du point de recharge. Des « aberrations » dues à plusieurs facteurs, selon l’UFC Que Choisir : l'absence d’obligation d’affichage des tarifs sur les bornes et l’indisponibilité du paiement par carte bancaire dans une majorité des cas. « Par conséquent, le paiement grâce à une carte de recharge est quasi-systématiquement obligatoire pour accéder à un point de recharge. Dans ce cadre, la tarification est dépendante des pratiques de l’opérateur de mobilité et des accords conclus par celui-ci avec les opérateurs de bornes de recharge », précise l’association. Selon l’Observatoire AFIREV, en 2022, 40% des conducteurs de voitures électriques déploraient en effet des tarifs ni transparents, ni cohérents d’une recharge à l’autre. « Il n’étaient que 30% en 2021 et 20% en 2020 », précise l’Observatoire.
Vers un encadrement des prix
Un manque de transparence qui devrait être comblé au plus tard en 2027, avec l’entrée en application d’une réglementation européenne qui encadrera la composition du prix et son affichage, pour les bornes d’une puissance supérieure ou égale à 50 kW sur le réseau RTE-T (voir encadré). Ces bornes devront afficher une tarification au kWh qui sera unique et commune à toutes les bornes de cette puissance. Pour les bornes les plus lentes cependant, il n’y a pas d’encadrement prévu, mais une simple « mise à disposition » des tarifs. « Cet encadrement est une avancée mais ne doit pas se cantonner aux bornes rapides et au réseau RTE-T », estime l’UFC Que Choisir, qui plaide pour un affichage obligatoire et harmonisé des tarifs, l’exclusion des composants de prix autres que le kWh et le stationnement et l’accès au paiement par carte bancaire. Sur ce point, l’association de consommateurs est rejointe par les conclusions du Tome 1 du rapport Hit the Road « Etat des lieux de la recharge en France »*, qui souligne l’importance de la fixation d’un « tarif acceptable, qui évolue avec le prix d’achat de l’électricité ».
Bon à savoir
Le réseau RTE-T est le Réseau Transeuropéen de Transport. Il s’agit d’un programme de développement des infrastructures de transport de l’Union européenne, qui a pour ambition de faciliter les échanges entre les pays membres.
Du chemin reste donc à faire mais les pistes d’amélioration semblent avoir été identifiées : au premier plan, la maintenance des bornes ainsi que la transparence et l’harmonisation de la tarification pourraient améliorer considérablement l’expérience des utilisateurs. Avec toujours, en toile de fond, l’accélération du déploiement du nombre de bornes, sur un maillage répondant aux besoins réels des électro-automobilistes dans les territoires.
En action
- Consulter l’étude de l’UFC Que Choisir.
*rapport réalisé par l’AFRY et l’Avere-France, avec le soutien de la Banque des Territoires et de l’European Climate Foundation, publié en septembre 2023.