Interview de Yoann Nussbaumer de Chargemap : « Il y a un peu trop de bornes en France »

Dans ce nouvel épisode de Parle-moi de Watt, Yoann Nussbaumer, fondateur de Chargemap, nous ouvre les portes de son véhicule électrique. L'occasion pour cet électromobiliste engagé de revenir sur ses premiers pas en électrique, mais surtout de partager son regard sur l'évolution de l’électromobilité en France et d'évoquer les prochains défis des acteurs du secteur pour accompagner la transition électrique.

Marine Madelmond
Publié le 05/09/2025

Temps de lecture : 9 min

Yoann Nussbaumer est aussi le fondateur d'Automobile Propre.com. ©Roole

Yoann Nussbaumer est le fondateur de Chargemap, entreprise leader dans l'électromobilité, dont la mission est de proposer la meilleure expérience de recharge possible, notamment grâce à une application mobile et à un badge de recharge multi-réseaux. Early adopter de la technologie électrique (il conduit une voiture électrique au quotidien depuis 2011), il effectue chaque jour des trajets domicile-travail entre la banlieue et le centre-ville de Strasbourg et part en vacances en VE, cumulant environ 20 000 kilomètres par an. Son expérience personnelle et son engagement professionnel lui permettent d'avoir une vision globale de l'évolution de l'électromobilité en France. C'est ce que nous vous proposons de découvrir dans son interview vidéo, retranscrite ci-dessous !

Quand avez-vous acheté votre premier véhicule électrique ?

Yoann Nussbaumer : « Je suis passé à l’électrique en 2011, trois ans après avoir découvert la Tesla Roadster, une belle voiture de sport électrique, mais totalement hors de portée pour moi. Je me suis dit : “il va vraiment se passer quelque chose dans le domaine de l'automobile, elle va devenir électrique.” C'est ensuite que sont venues la Nissan Leaf et la Renault Zoé. Je guettais laquelle serait la première à arriver sur le marché. Finalement ça a été la Leaf, donc ça a été ma première voiture.

Quelles ont été vos impressions à l’achat de ce premier véhicule électrique ?

Y.N. : Je suis assez aventureux, donc ça ne me faisait pas peur : je voyais ça comme un vrai défi. Ma première voiture n’avait que 100 km d’autonomie, et à l’époque les bornes de recharge étaient rares, voire inexistantes. Il fallait donc bien anticiper ses trajets. Mais je me disais toujours : “Au pire, je demanderai de l’électricité à quelqu’un, je trouverai toujours une solution.”

Les véhicules électriques offrent aujourd’hui une autonomie suffisante pour 90 % des usages.

Yoann Nussbaumer,
fondateur de Chargemap.

À quoi ressemble une semaine type au volant de votre véhicule électrique ?

Y.N. : Je recharge environ une fois par semaine, le reste du temps je le fais à domicile, avec parfois un petit appoint sur des bornes publiques ou au travail. Je ne me soucie pas de la consommation : j’aime quand la voiture est simple à utiliser. Je sais juste que lorsque l’autonomie descend à 15 %, il est temps de recharger. Je n’ai pas de stress de l'autonomie et pour les longs trajets, ce n’est vraiment plus un problème : les autoroutes sont bien équipées en bornes. Pour moi aujourd'hui, cette angoisse de l'autonomie n'existe pas.

Bon à savoir

Selon le dernier baromètre de l'Avere-France, au 31 juillet 2025, la France comptait 174 574 points de recharge ouverts au public, soit+ 22 % en un an.

Pensez-vous que l’autonomie et la recharge soient encore des freins à l’adoption du véhicule électrique ?

Y.N. : Globalement, non. Les véhicules électriques offrent aujourd’hui une autonomie suffisante pour 90 % des usages. Le seul bémol concerne ceux qui n’ont pas la possibilité de recharger à domicile, ce qui peut être contraignant. Il est aussi important de choisir un modèle compatible avec la charge rapide. Avec ces deux conditions, la voiture électrique est vraiment adaptée. Beaucoup de préjugés tombent d’ailleurs dès qu’on en essaie une.

Qui sont les 10 % d’automobilistes restants ?

Y.N : Les 10 % restants sont ceux qui ont du mal à recharger chez eux ou qui vivent dans des zones où le réseau de bornes publiques est insuffisant, ainsi que les personnes qui font beaucoup de route, comme les commerciaux. On retrouve aussi parfois des professionnels ayant besoin d’un utilitaire électrique, dont l’autonomie n’est pas encore suffisante pour leurs tournées.

Que pensez-vous de l’évolution de l’électromobilité en France ?

Y.N : Quand j’ai commencé à rouler en électrique, le véhicule électrique n’avait pas bonne presse. Les journaux télévisés et les journaux auto en parlaient surtout de manière négative. Ca a un peu évolué. Ce qui a évolué aussi, ce sont les modèles disponibles. Au début il y avait peu de choix, alors qu'aujourd’hui on a une gamme beaucoup plus complète. Ensuite, il y a le réseau de bornes de recharge : ce n'est pas uniforme partout en Europe mais en France, il y a eu un effort vraiment conséquent d'équipement en bornes de recharge. Et ce qu'on constate chez Chargemap, c'est qu'il y a même un peu trop de bornes, il y a certaines bornes qui sont mal utilisées et c'est un peu compliqué pour les opérateurs. Mais aujourd'hui en France, on peut voyager de manière tout à fait satisfaisante en électrique.

L'objectif de 400 000 points de charge en France en 2030 est-il atteignable ?

Y.N : Ça me paraît atteignable, mais tout dépendra de l’emplacement des bornes. La demande pour des bornes rapides va croître, et il sera crucial de bien choisir où les installer. Chez Chargemap, on constate une disparité très forte en termes d'équipement en bornes selon les localisations. C'est un vrai défi.

Comment expliquez-vous que les ventes de véhicules électriques stagnent ?

Y.N : À mon avis, il y a un petit lobbying de la part des constructeurs automobiles pour repousser les interdictions de véhicules thermiques qui les impactent, ce qui peut se comprendre. Parallèlement, la Chine se développe rapidement dans le secteur du véhicule électrique et fournit la majorité des batteries, tandis que les constructeurs traditionnels restent spécialisés dans les véhicules thermiques. Mais je ne suis pas du tout inquiet pour l’avenir : nous allons vers l’électrique. Le véhicule électrique reste intrinsèquement meilleur qu'un véhicule thermique : moins de bruit, coût de recharge inférieur au plein de carburant, confort d’utilisation, puissance et zéro émission de CO2.

Que répondez-vous à ceux qui aiment le bruit, l'odeur et la conduite d'une voiture thermique ?

Y.N : Je pense qu’il y aura toujours des véhicules thermiques, surtout des modèles anciens. Il ne faut pas les interdire : il s’agit de respecter notre patrimoine automobile. Mon père était mécanicien, donc je tiens à respecter ce patrimoine.

Qu’est-ce qui fonctionne bien en France et qu’est-ce qui coince encore ?

Y.N : Ce qui fonctionne bien, c’est l’équipement en bornes de recharge : nous avons fait d’incroyables progrès, que ce soit en nombre, en emplacement sur les autoroutes ou en fiabilité, comparé à il y a quelques années. En revanche, il reste des marges de progrès, notamment pour les flottes d’entreprise, qui doivent mieux intégrer les véhicules électriques et accompagner les collaborateurs, qui sont encore parfois réticents à la transition.

Mon conseil : allez en concession, essayez un véhicule pendant deux jours et faites-vous votre propre avis.

Yoann Nussbaumer,
fondateur de Chargemap.

Que répondez-vous aux automobilistes encore réticents à l’idée de passer à l’électrique ?

Y.N : Allez en concession, essayez un véhicule pendant deux jours et faites-vous votre propre avis, plutôt que de rester sur des impressions. Voyez objectivement si cela vous convient.

Quels sont les prochains défis à relever pour accompagner la transition au global ?

Sa réponse est à retrouver dans notre vidéo ci-dessus !

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