Une entreprise lyonnaise promet une seconde vie aux batteries de voitures électriques
Une fois que les batteries de véhicules électriques n’ont plus la capacité nécessaire à la propulsion, elles ne sont pas pour autant bonnes à jeter ! Une seconde vie les attend, lors de laquelle elles stockeront de l’énergie avant de la redistribuer. L'entreprise lyonnaise Mob-Energy a développé une solution de stockage spécifiquement dédiée à la recharge des voitures électriques, sur des parkings d'entreprises et de collectivités.
Que deviennent les batteries de voitures électriques quand elles n’ont plus la capacité de propulser un véhicule ? C’est en voulant répondre à cette question que l’entreprise lyonnaise Mob-Energy a développé sa solution baptisée Eiko, qui donne une seconde vie aux batteries de voitures électriques. Mob-Energy récupère des batteries usagées auprès de constructeurs, de garages, ou encore d’entreprises qui ont des flottes de véhicules électriques qui arrivent en fin de vie, pour en faire une armoire de stockage d’énergie dédiée à la recharge d’autres véhicules électriques sur des parkings d'entreprises et de collectivités.
La vérification des modules de batteries
« Les batteries qu’on récupère peuvent être des batteries qui ont été retirées d'un véhicule qui a eu un accident, mais qui sont encore aptes à d'autres utilisations. Ça peut être aussi du vieillissement naturel de véhicules qui ont été beaucoup utilisés, (…) pendant 8, 9 ou 10 ans », détaille Salim El Houat, président et cofondateur de Mob-Energy.
Bon à savoir
Tout au long de sa vie, une batterie subit des cycles de charge : elle est déchargée et rechargée de nombreuses fois, ce qui lui fait perdre progressivement de sa capacité. On considère qu'une batterie de voiture électrique est obsolète lorsqu'elle passe en dessous de 70-75 % de sa capacité initiale, car elle ne permet plus au véhicule d’avoir une autonomie satisfaisante.
L'entreprise reçoit des modules de batteries usagées, qui subissent plusieurs étapes de qualification et de transformation : « Ils arrivent à l'atelier où on peut les stocker pendant une période de quarantaine pour vérifier qu'ils sont stables », explique Salim El Houat. « Ensuite, on démarre un processus de reconditionnement, en commençant par la qualification. On a des modules qui ont vieilli différemment, peut-être de marques différentes, donc il faut vérifier ce qu'il leur reste en termes de capacité : est-ce qu’ils peuvent toujours stocker de l'énergie et en quelle quantité, est-ce qu’ils sont toujours intègres d'un point de vue électrique et mécanique ? », poursuit-il. Une fois que tous les modules ont été qualifiés, ils sont assemblés par 6 pour créer de nouveaux packs batterie.
Bon à savoir
Les batteries de voitures électriques sont composées de différents éléments. Des cellules forment des modules, assemblés pour composer ce qu'on appelle le “pack batterie”. Selon les modèles de voitures, le pack batterie se compose généralement de 12 à 16 modules.
Jusqu’à trois packs batterie dans un cube de stockage
Ces nouveaux packs batteries forment ensuite le cube Eiko, une solution de stockage d’électricité destinée aux parkings d’entreprises et de collectivités. Ce cube est raccordé au réseau électrique avec un seul câble, pour une puissance d’entrée située entre 10 et 30 kW. L’électricité est stockée pour ensuite être redistribuée sur différents points de charge sur le parking. « Dans un cube Eiko, on peut avoir 2 ou 3 packs batteries de 50 kWh. Donc on peut monter jusqu'à 150 kWh par cube, et chaque cube peut être connecté à 20 points de charge au maximum. Pour imager un peu la chose, cela équivaut à la capacité de 3 Renault Zoé de nouvelle génération », précise Salim El Houat.
On a besoin de 6 à 10 fois moins de puissance qu’une station de recharge classique.
Salim El Houat,
président et cofondateur de Mob-Energy.
Un pilotage personnalisé selon les besoins des automobilistes
Et ce cube offre aux usagers des bornes de recharge du parking sur lequel il est installé, la possibilité de choisir les modalités de leur recharge. Les électromobilistes indiquent en quelques minutes au système Eiko, le temps de stationnement qu'ils ont prévu et l’autonomie qu’ils souhaitent récupérer. Grâce à ces informations, la solution répartit la puissance envoyée sur les différents points de charge selon les besoins de chaque automobiliste.
Des économies d’énergie à la clé
« Eiko prend de l’énergie au réseau à 10 kW mais la restitue aux points de charge avec une puissance allant jusqu’à 60 kW. On peut accélérer la vitesse de charge car les batteries qui ont stocké l’énergie jouent le rôle de réseau secondaire », détaille le président et cofondateur de Mob-Energy. « On a donc besoin de 6 à 10 fois moins de puissance qu’une station de recharge classique », résume-t-il. Si l’énergie est stockée pendant les heures creuses, cette solution permet d’éviter les pics de consommation sur le réseau électrique. On peut aussi imaginer stocker un surplus d’énergie produite sur place par des panneaux solaires en journée, pour la redistribuer plus tard aux voitures garées.
Au-delà des économies d’énergie réalisées, cette solution ne nécessite pas de travaux de génie civil. « Le cube Eiko est installé hors sol, on ne fait pas de tranchée pour tirer des câbles. On peut installer la solution complète en moins d'une semaine sur un parking extérieur, et on peut faire évoluer le nombre de points de charge sans travaux, en un jour », souligne Pierre-Alexandre Kleiber, responsable marketing de Mob-Energy.
Une solution pour favoriser le déploiement des bornes ?
La solution développée par Mob-Energy donne donc une seconde vie à des batteries « usagées », en les réemployant pour une nouvelle utilisation. Une solution de stockage qui pourrait favoriser le déploiement de bornes de recharges sur les parkings. « Aujourd’hui, c'est ubuesque d'imaginer équiper 100 % des places de parking en bornes de recharge parce que la puissance d’énergie associée serait phénoménale. Mais avec notre solution, on permet d'envisager ce scénario ! », se félicite Salim El Houat.
Bon à savoir
On parle de « reconditionnement » quand les batteries sont réparées puis réintégrées dans des voitures électriques. Lorsqu’elles sont requalifiées pour une autre application que la propulsion d’une voiture, on parle de « réemploi ».
Pour les batteries, trois vies et une réincarnation
Le cube Eiko a soufflé sa première bougie en avril 2024. Il est donc trop tôt pour s'avancer sur une durée de vie pour cette solution de stockage et redistribution de l’énergie. « Mais on peut imaginer une seconde vie d'une durée équivalente à la première, c’est-à-dire entre 8 et 10 ans », estime Pierre-Alexandre Kleiber, le stockage et la redistribution d'énergie étant moins exigeants que la propulsion d'une voiture électrique. « Et on a potentiellement une troisième vie, toujours avec du stockage et de la redistribution, mais avec des intensités encore plus faibles que dans Eiko. Puis viendra le temps du recyclage de la batterie avec le démantèlement des composants et l'extraction de tous les minerais (…) pour en refaire de nouvelles batteries lithium-ion », conclut-il. La boucle est bouclée.