La voiture électrique est une voiture propre : vrai ou faux ?
« Voiture zéro émission », « voiture propre », « voiture peu polluante » ou même « voiture écologique » : les expressions pour désigner les véhicules propulsés par un moteur électrique sont nombreuses… et séduisantes, tant elles véhiculent l’imaginaire d’une voiture sans impact environnemental. Que penser de l’affirmation « la voiture électrique est une voiture propre » ? La réponse de Laurent Perron, coordinateur des projets automobiles au Shift Project.

Certains idéalisent la voiture électrique, la considérant comme une solution évidente – presque magique – aux problèmes environnementaux liés au transport particulier. De l’autre côté, on trouve ceux qui doutent fortement de ses avantages : fabrication trop carbonée, batteries trop polluantes, extraction de métaux trop destructrice… au point, parfois, d’affirmer que l’électrique serait pire que le thermique. Et si la vérité se trouvait entre ces deux positions ?
Une voiture propre n’existe pas
L’expression « voiture propre » est partout : dans les médias, dans la publicité, dans certains discours politiques, sur de nombreux sites (à commencer par le nôtre !), y compris gouvernementaux, pour désigner les voitures électriques. Mais le qualificatif « propre » n’est pas à prendre au premier degré : s’il a le mérite d’être court et clair, il ne doit pas laisser croire qu’il existerait une voiture sans impact. Comme le rappelle Laurent Perron, « tout produit fabriqué, manufacturé et qu’on utilise a des impacts environnementaux ». Dès lors, « la question est de savoir si la voiture électrique permet de réduire significativement ces impacts par rapport au véhicule thermique ».
Sur ce point, la voiture électrique présente des avantages notables, même s’ils ne suffisent pas à effacer l’ensemble de ses impacts. Sa fabrication repose en effet sur des matériaux extraits et raffinés dans des conditions énergivores – notamment pour la batterie – et sa production est loin d’être anodine, de même que son usage et sa destruction. « Cette voiture électrique, elle va utiliser de l'électricité, il va falloir recycler la batterie et recycler le véhicule en fin de vie », rappelle l'expert.
Un avantage indiscutable pour l’air et pour le climat
À l’usage, l’avantage principal du véhicule électrique est net : il n’émet aucun gaz d’échappement. « En termes d’émission de polluants locaux, il n’y en a évidemment pas à l’utilisation », rappelle Laurent Perron. Une différence majeure pour la qualité de l’air, en ville notamment, où les véhicules thermiques représentent une source importante d’oxydes d’azote et de particules.
Sur les émissions de CO₂, responsables du réchauffement climatique, l’écart se joue se joue sur l’ensemble du cycle de vie de la voiture. La fabrication d’une batterie génère un surplus initial d’émissions, mais celui-ci est compensé assez rapidement grâce à un usage bien moins carboné, surtout dans un pays comme la France. Au final, « la voiture électrique réduit de 2 à 3 fois les émissions de CO₂ sur l’ensemble du cycle de vie, c’est-à-dire fabrication du véhicule, de la batterie, usage et fin de vie », explique l’expert. Une récente étude1↓ avance même qu’une voiture électrique en Europe émettrait en moyenne quatre fois moins de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son cycle de vie qu’un modèle essence ou diesel. Les analyses convergent : entre 30 000 et 50 000 km, l’électrique devient systématiquement plus vertueuse qu’un équivalent thermique2↓.
À cela s’ajoute un avantage moins visible mais bien réel : le bruit. « Le niveau sonore est très sensiblement inférieur à ce qu’il y a sur une voiture thermique », souligne Laurent Perron. Un atout non négligeable dans des villes où la pollution sonore est désormais reconnue comme un enjeu majeur.
La voiture électrique : une réponse, pas la réponse
Si l’électrique diminue fortement les émissions par véhicule, une réflexion sur le parc automobile s’impose. « Plutôt que de vouloir remplacer les 40 millions de voitures thermiques qui roulent en France par 40 millions de voitures électriques, ce qui sera de toute façon difficilement faisable en termes de disponibilité d'électricité ou de disponibilité de minerais, il faut qu'on s'intéresse à l'ensemble de nos usages et de nos de notre façon de nous déplacer. Nous devons jouer sur tous les leviers de décarbonation, que ce soit la demande de transport, c'est-à-dire le nombre de kilomètres qu'on fait tous les ans, le taux d'occupation des véhicules, le report modal – c'est-à-dire le fait de passer d'un mode de transport émissif à des modes de transport moins émissifs – et enfin, les leviers technologiques, que peuvent être le remplacement des voitures thermiques par des voitures électriques », estime l’expert du Shift Project.
Autrement dit, l’électrification apporte une réponse importante, mais partielle. La transition écologique du transport ne peut reposer uniquement sur la technologie. Elle implique aussi de réduire les déplacements, d’augmenter le taux d’occupation des véhicules grâce au covoiturage, de favoriser d'autres modes de transport comme les transports collectifs et le vélo, ou encore de développer l’autopartage.
En d’autres termes : pour que la voiture électrique tienne ses promesses et soit un véritable levier de transition, elle doit s’accompagner d’une évolution de nos pratiques.
Verdict : pas propre, mais réellement moins polluante
Affirmer qu’une voiture électrique est « propre » ou « zéro émission » est faux, de même que dire qu’elle pollue autant qu’une thermique. Néanmoins, sur les critères centraux de la transition écologique – qualité de l’air, émissions de CO₂ et même bruit – la voiture électrique représente une amélioration nette. Elle prend tout son sens dans une mobilité repensée : moins fréquente, mieux partagée, et articulée avec des modes de transport moins émissifs.
- ↑ : ”Life-cycle greenhouse gas emissions from passenger cars in the European Union: A 2025 update and key factors to consider”, 8 juillet 2025, ICCT.
- ↑ : Source : Carbone 4.


